Verbum – Analecta Neolatina XXIV, 2023/1

ISSN 1588-4309; https://doi.org/10.59533/Verb.2023.24.1.9



1 Introduction

À l’époque actuelle nous assistons, en Espagne, à la création de certains néologismes et à tout un bouleversement des règles morphologiques et syntaxiques créées à la lumière des débats sur le « sexisme linguistique ». Ce dit sexisme linguistique et l’écriture inclusive qui en dérive déclenchent tout un faisceau de nouvelles règles grammaticales concernant l’expression de la catégorie du genre, car genre linguistique et sexe biologique se voient vite confondus. Le tsunami grammatical auquel nous assistons est né avec l’arrivée de la démocratie et a été promu par le mouvement féministe qui voit dans la langue un instrument revendicatif des droits de la femme. Peu à peu le débat social sur la marginalisation de la femme finit par contaminer la langue espagnole et s’y instaurer en tant que phénomène linguistique. Le sexe biologique ayant été assimilé au genre grammatical par les tenants du langage inclusif, nous avons voulu analyser ce rapport partant à la recherche du sexe dans les grammaires ainsi qu’à celle du terme inclusif qui, appliqué à la langue, devient d’emblée synonyme de termes égalitaire et non sexiste. Certains linguistes ont beau arguer contre le langage inclusif, non pas contre l’égalité homme–femme dans la société, des voix féministes du panorama politique insistent sur l’équation simpliste qui assimile la grammaire au machisme1. Des discours intolérants, souvent même ironiques, fleurissent contre tous les opposants (qu’il s’agisse de professionnels ou de simples locuteurs) d’une telle réforme, dite inclusive, de la langue.

En ce qui concerne la langue espagnole, l’une des premières conséquences de la prise en charge de la défense de la cause féministe appliquée au langage est la prolifération de manuels et de guides pour adhérer aux directives dictées par l’Union Européenne demandées par les autorités des communautés autonomes, des institutions universitaires, diputaciones, ayuntamientos (Díaz Hormigo 2018)2. Après une étude minutieuse des propositions de réécriture en termes inclusifs de neuf de ces guides El Informe Bosque voit le jour ; il constitue le premier rapport sur le sexisme linguistique élaboré par la RAE (Real Academia de la Lengua Española) à la demande du gouvernement socialiste qui prétend trouver un appui aux thèses inclusives dans une telle institution3. La critique de la RAE se fait sentir car il s’agit de réformes de la langue sur des aspects lexicaux, morphologiques ou syntaxiques menées à bout, dans la plupart des cas, non pas par des professionnels du langage mais par un ample éventail de professionnels autres (politiciens, journalistes, avocats…) ou de personnes luttant contre toute discrimination de la femme. Bref, c’est la conscience sociale des femmes qui décidera sur des affaires de sexisme linguistique (Bosque, 2012). De nombreuses propositions inclusives de ces guides et manuels ne peuvent être que refusées par les linguistes en arguant de critères strictement scientifiques. Récemment, toujours sous l’influence du régime socialiste, une deuxième tentative plus ambitieuse, la réécriture de la Carta Magna en langage inclusif, est proposée et l’élaboration d’un deuxième rapport est demandé à la RAE. La réponse des académiciens ne se fait pas tarder et dans leur Informe sobre el buen uso del lenguaje inclusivo en nuestra carta magna du 16/01/2020, connu sous le nom de Informe 2020, le refus d’un tel propos est une fois de plus manifesté. Un premier argument linguistique est invoqué, le masculin est générique et n’exclut pas les femmes. À cela on en ajoute un deuxième, la politique législative n’est pas une affaire de la RAE4. Deux arguments utilisés aussi bien par les défenseurs que par les détracteurs : masculin générique et usage ; pourtant, leurs interprétations sont fort différentes. Celui du masculin générique en tant que l’expression de l’androcentrisme linguistique, soutenu par les défenseurs du langage inclusif, fera l’objet de l’analyse plus loin (section 3). Quant à l’argument de l’usage, son efficacité est loin d’être prouvée, contrairement aux préconisations des défenseurs, pour qui un tel langage court les rues et se révèle imparable5. Pour l’instant, ce que l’on constate en matière de langage inclusif, ce sont des instructions de la part des organes gouvernementaux qui nous contraignent à parler de manière égalitaire mais dont les procédés linguistiques invoqués restent loin d’être unifiées6. Ce qui, à notre avis, ne cesse de surprendre, c’est le paradoxe d’un mouvement socialiste qui se veut démocratique mais qui devient autoritaire avec toute sorte de normes, de prescriptions et de constrictions dans le but d’exercer un contrôle sur la manière de parler des locuteurs, bien que cela soit, d’après leur optique, pour une cause justifiée. En tout cas, vouloir imposer prouve que l’usage inclusif de la langue est loin d’être systématique. Une tout autre affaire est celle qui touche la bataille contre les stéréotypes, auxquels la langue contribue, des manuels scolaires et des grammaires, afin de finir avec toute discrimination sociale motivée par des questions de sexe (López Valero & Encabo Fernández 1999). Nous estimons, avec Escandell-Vidal (2020), que le débat sur le sexisme et la langue est imprégné d’une forte charge émotionnelle qui rend difficile la prise en charge de toute objectivité scientifique. La défense de l’égalité des droits et opportunités pour les deux sexes semble aller de pair avec le refus du masculin générique de sorte que l’utilisation d’un langage inclusif devient condition sine qua non du féminisme. Les attitudes aussi bien des défenseurs que des détracteurs se polarisent de sorte que « la confrontación de ideas, lejos de promover o favorecer un acercamiento de posiciones, suele contribuir a reforzar los supuestos previos y a llevar al extremo las posiciones7 » (Escandell-Vidal 2020:1).

Dans ce qui suit, nous allons viser les études sur la langue espagnole pour nous approcher de l’opinion des linguistes et des grammairiens s’étant occupé dudit sujet dans le but de cerner la notion du sexisme linguistique et de retracer sa naissance dans la langue espagnole (section 2) pour ensuite nous consacrer à celle du genre grammatical en tant que trait inhérent et syntaxique constitutif de tous les substantifs, en compilant les différents débats des linguistes autour de la motivation vs l’immotivation sur le rapport sexe-genre (section 3). La section 4 est consacrée à la définition d’une langue inclusive ainsi qu’à la description minutieuse des procédés utilisés dans l’écriture inclusive qui en découle. Pour finir, un dernier point (section 5), consacré à la construction d’un genre idéologique, nous a semblé pertinent. Notre devise étant que l’on peut rester inclusif et être politiquement correct sans pour autant nuire à la structure de la langue,

[…] el uso correcto de la lengua no incide en la ocurrencia de sexismo lingüístico, mientras que el pretender ser políticamente correctos mediante el empleo de las propuestas diseñadas para evitar la denominada discriminación lingüística por razón de sexo conlleva, en muchas ocasiones, el ser lingüísticamente incorrectos8. (Díaz Hormigo 2018 : 268)

2 Sexisme linguistique

Le sexisme linguistique est une notion qui doit être précisée et dont on peut retracer l’évolution depuis le domaine du langage spécialisé (voire juridique, administratif) jusqu’au langage courant, spontané. Nous pouvons déjà, dans une première approche, identifier le sexisme de manière générique avec toute « discriminación lingüística por razones de sexo » (Díaz Hormigo 2018)9. Il faudrait encore préciser une distinction entre deux registres, écrit et registre oral, car le terme écriture inclusive que nous allons analyser par la suite, ne trouve pas son équivalent, oral inclusif. Les premières recommandations linguistiques inclusives surgirent au sein des guides et des manuels et furent donc formulées pour leur application au langage officiel (administratif, juridique…). Bref, dans des domaines relevant du secteur du travail, où la femme devait et doit encore conquérir la place qui lui revient sans équivoque. Les médias se font vite l’écho de toute une prolifération terminologique nouvelle et la transposent au langage courant en contribuant de la sorte à un chaos terminologique et à une utilisation transgressive des normes, au-delà du linguistiquement correct, pour éviter ladite discrimination linguistique pour des raisons de sexe. Díaz Hormigo (2018) constate que, jusqu’à présent, les efforts élaborés par la Junta de Andalucía et ses dirigeants dans ses actions linguistiques ont eu pour conséquence le refus quasi généralisé de la population andalouse concernant les propositions de langage inclusif. Ce refus est souvent manifesté dans un ton d’hilarité qui débouche dans toutes sortes de jeux linguistiques :

Las intervenciones y actuaciones lingüísticas de la Junta de Andalucía y de la clase política andaluza no han contribuido más que al rechazo casi generalizado por parte de la población andaluza de las propuestas de lenguaje inclusivo y a desatar su hilaridad y la elaboración de chistes y juegos lingüísticos sobre sus usos (Diaz Hormigo 2018 :273)10.

Retraçant un peu l’histoire du sexisme linguistique, nous devons accorder quelques mots à une figure représentative dans le panorama de la langue espagnole, García Meseguer et ses concepts de sexisme linguistique et sexisme social11. Malgré les conclusions qu’on pourrait tirer à simple vue de son expression sexisme linguistique, García Meseguer affirme, ce dont nous convenons, que la langue espagnole n’est pas sexiste car le sexisme ne se trouve pas dans le système de la langue. Les notions de sexisme linguistique et sexisme social de García Meseguer (1977 et 1994) méritent d’être analysées. Sous le concept de sexisme linguistique, il regroupe des questions dérivées de la forme et non pas du contenu du message :

Un hablante incurre en sexismo lingüístico cuando emite un mensaje que, debido a su forma (es decir, debido a las palabras escogidas o al modo de enhebrarlas) y no a su fondo, resulta discriminatorio por razón de sexo. Por el contrario, cuando la discriminación se debe al fondo del mensaje y no a su forma, se incurre en sexismo social. (García Meseguer 2001: 20)12

On constate de la sorte que seul le locuteur est responsable dudit sexisme linguistique car il s’agit du choix formel du message qu’il réalise mais jamais de la langue en tant que système13. Ainsi, dans García Meseguer (1994), il nous offre une claire exemplification ; l’énoncé Las mujeres son menos inteligentes que los hombres (Les femmes sont moins intelligentes que les hommes) implique l’existence de sexisme social (contenu du message) mais pas linguistique. Contrairement, dans l’énoncé Los varones y las hembras son inteligentes por igual (Les hommes et les femelles sont aussi intelligents l’un et l’autre), il existe pourtant du sexisme linguistique mais pas social14. La langue nous offrant la possibilité de choisir entre les paires symétriques hombre et mujer et non pas dissymétriques, varón et hembra, le sexisme en tant qu’affaire formelle (forme du message) est donc linguistique mais réside pourtant dans le locuteur, qui fait ce choix, jamais dans la langue comme système. Il renforce toujours ce rejet du sexisme en dehors du système de la langue en ajoutant un autre paramètre, celui de l’interlocuteur. Celui qui a lieu lorsque, à l’écoute d’un énoncé neutre (Su colega de despacho resultó ser espía) l’interlocuteur déclenche une interprétation exclusivement masculine et non féminine du référent. Le substantif appartenant à la classe du genre commun et étant utilisé sans déterminant, l’absence de référence à un genre explicite et donc l’absence de marque de sexe est linguistiquement assurée ; aucune interprétation, soit masculine soit féminine, devrait donc être priorisée15.

De nombreux linguistes soulignent également « l’innocence » de la langue à l’égard du sexisme (Bosque 2012, Nissen 1990, Calero Fernández 1999, entre autres). Toujours dans ce même sens, Grijelmo (2019) nuance que le parti pris sexiste se trouve non pas exactement dans l’interlocuteur mais dans la réalité sociale qui l’influence. Effectivement, dans Martínez es una estrella de la diplomacia (Martínez est une star de la diplomatie), la phrase contient un plus grand nombre de mots féminins et rien ne nous assure, linguistiquement parlant, une interprétation référentielle prioritairement masculine ; cela serait dû à une réalité sociale dans laquelle l’homme l’emporte sur la femme dans le monde de la diplomatie. Étant donnée la neutralité de l’énoncé, la seule possibilité d’identifier Martínez avec un homme ou une femme relève exclusivement de la connaissance de la réalité de la part de l’interlocuteur. L’interprétation masculine ou féminine est imposée par le contexte. C’est-à-dire, c’est le contexte qui modifie le terme, qui restreint sa signification et pas l’inverse. Le contexte désambiguïse le mot. L’information préalable des sujets parlants, ainsi que leur connaissance du monde, assure la présence du féminin même dans les énoncés où ce trait n’est pas grammaticalement présent. Nous constatons ainsi que le sexisme est déclenché par les utilisateurs de la langue ; il s’avère de la sorte une affaire de discours.

Après avoir donné un aperçu du parcours et avant de nous concentrer de la prétendue réforme de la langue espagnole proposée par les défenseurs d’un langage inclusif, il nous reste à dire quelques mots sur la notion de genre, qui serait intimement liée à celle de sexe biologique sous l’optique inclusive, dans les grammaires.

3 La notion de genre grammatical

L’association genre–sexe naît d’une application inappropriée du terme de la part des féministes et dont la source est, semble-t-il selon Portal Nieto (1999) ou García Meseguer (2003), le puritanisme anglo-saxon dont la conséquence a été la substitution du terme sex à celui de gender dans les formulaires. Pourtant, dans la tradition espagnole, il n’y a aucun antécédent de l’utilisation de ces deux termes comme synonymes. En espagnol le terme género (genre) possède différentes acceptions comme celle d’« ensemble d’unités présentant des caractéristiques communes » (classer les œuvres par genre) et celle de « type, classe » dans l’expression sin ningún género de duda (sans aucun doute). Dans le contexte grammatical, le mot genre reste une propriété des substantifs et de certains pronoms moyennant laquelle ils sont classés masculin, féminin et neutre dans certaines langues16.

C’est dans la 24e édition du Dictionnaire de la RAE que l’on trouve l’acception de genre en tant que catégorie grammaticale soit inhérente aux substantifs et pronoms soit codifiée à travers des phénomènes d’accord dans d’autres classes de mots. Tous les mots appartenant à la classe des substantifs et des pronoms possèdent un genre grammatical et, lorsque ces substantifs et pronoms sont animés, cette catégorie grammaticale peut exprimer le sexe. Le genre grammatical est un trait inhérent et syntaxique, pour les êtres animés, donc sexués ; il n’est pas forcément toujours marqué de manière inhérente (marqué dans le lexique), el hombre / la mujer ; el niño / la niña (l’homme / la femme, le garçon / la fille), il peut aussi être marqué grâce à des rapports de détermination et/ou modification (el periodista / la periodista (le journaliste / la journaliste)). La casuistique de ces substantifs est très réduite par rapport à tout le lexique de la langue espagnole (Escandell-Vidal 2020 : 4). Or, logiquement, parler de genre dans les grammaires dépasse le fait de parler de sexe car cette catégorie grammaticale recouvre également la distinction M/F des êtres non-animés. Alors que le terme sexe ne désigne qu’une condition biologique, le terme genre en tant que catégorie commune à tous les substantifs d’une langue ne peut pas être identifié à celui-ci. Le genre grammatical est un trait inhérent et constitutif de tous les substantifs (et pronoms) de la langue espagnole ainsi que de bien d’autres langues. García Meseguer (1994) nous montre la confusion sexe-genre à travers la métaphore de la cuchara y el tenedor (la cuillère et la fourchette). Il s’agit d’un test réalisé dans des écoles d’enseignement primaire où l’on demanda aux élèves d’élaborer un dessin du mariage entre cuillère et fourchette17. Le résultat pour la langue espagnole, où le mot cuchara est de genre féminin et le mot tenedor de genre masculin, nous montraient des dessins où cuchara étant la fiancée et tenedor le fiancé18. D’après Violi (1987 : 19) « [i]l ne fait aucun doute que le genre, en tant que catégorie grammaticale, tend à être perçu comme le reflet d’un « ordre naturel » des choses, de sorte que ce ne sont plus les mots qui sont masculins ou féminins mais les choses auxquelles ils se réfèrent ».

En partant de cette association genre–sexe, certains linguistes et grammairiens se demandent si le genre des mots ne serait-il pas naturellement motivé (Nebrija [1492] 1980: 175, Villalón [1558] 1971: 18, Correas [1627] 1984: 112, Lenz 1925: 95–116, RAE 1931: 10, etc). Tandis que d’autres, adoptant un point de vue strictement linguistique, considèrent le genre comme une catégorie étroitement grammaticale ou plutôt grammaticalisée, qui dérive de la forme linguistique pure et, dès lors, le genre serait sémantiquement immotivé, totalement arbitraire et dénué de toute signification objectivement vérifiable. Il s’agirait d’une catégorie purement mécanique dont l’enjeu serait de simples faits d’accord. Cette théorie trouve une grande répercussion en langue espagnole (García Meseguer 1994, Nissen, U. K. 1990, Alario, Bengoechea, Lledó & Vargas 1995, Díaz Rojo 2000, Roca 2005, Fernández Poncela 2012, Fernández-Ordóñez 2012). La défense d’un concept hybride entre le sexe et l’accord grammatical a aussi ses représentants. La distinction masculin/féminin renverrait directement à la distinction sexuelle dans le monde des êtres animés, tandis que pour les non-animés, il s’agirait de contraintes purement grammaticales.

Du point de vue grammatical, une distinction est acceptée par la plupart des grammaires de langue espagnole, établissant une différence entre la classe des substantifs et celle des pronoms d’une part et la classe des déterminants (articles, adjectifs) d’autre part. Pour la première classe, le genre est un trait inhérent entraînant des effets de concordance dans la deuxième classe. Le genre grammatical est donc un phénomène hybride se manifestant à la fois comme trait lexical et trait syntaxique. Devís Márquez (2018), pour qui l’expression d’un trait grammatical – tel le genre ou le nombre – ne pourrait jamais donner lieu à la définition d’un concept grammatical (car toute définition, en tant que telle, se doit d’être universelle19), considère le genre comme une catégorie logique en tant que classe qui possède une plus grande extension et une moindre compréhension qu’une autre dénominée espèce (Devís Márquez 2018: 273–277), rejoignant ainsi la thèse aristotélicienne. La distinction sexuelle M/F reste l’une des espèces parmi d’autres à l’intérieur de la classe du genre et nous fournit des renseignements sur la désignation virtuelle des substantifs et des pronoms. Ainsi défini, l’opposition M/F permet l’intégration aussi bien de l’espèce de caractère sexuel, un niño / una niña (un enfant / une enfant), que d’autres espèces telle la taille, un barco / una barca (un bateau / une barque) ou permet de rendre compte de l’espèce artificiel vs naturel, un pozo / una poza (un puits / une mare).

4 L’écriture inclusive

L’écriture inclusive ou la réalisation dans le registre écrit du langage inclusif est une écriture moyennant laquelle ses tenants revendiquent le rôle de la femme dans notre société, sa visibilité. C’est une prise de conscience sur le statut de la femme et ses particularités à travers le langage (Martín Barranco 2019). Jusqu’à présent, ce n’est que le terme écriture inclusive qui est couramment utilisé dans la société, on ne parle pas encore d’oral inclusif. D’ailleurs, l’on observe que la réalisation orale de certains procédés scripturaux s’avèrent phonétiquement irréalisables (, niñxs), sinon insoutenables, car ils nuisent à la compréhension (cf. les doublets). À l’oral, on ne trouve que certains clins d’œil éphémères, à l’écrit, une écriture visuellement revendicative. L’oral inclusif est pourtant employé comme étendard de certains hommes et femmes politiques. En Espagne, l’écriture (ainsi que l’oral) inclusive n’est qu’une utilisation du langage qui recouvre des procédés très divers, les uns plus orthodoxes que les autres, mais qui se trouve loin du prétendu statut de variété de langue accordé au français par Alpheratz (2019), d’après lequel une telle variété devrait entraîner des modifications structurales de la langue standard dans le but de pallier certaines discriminations sociales.

Une langue inclusive est une variété d’une langue standard, qui s’en distingue par des procédés langagiers évitant de reproduire des hiérarchies symboliques et sociales associées à des éléments morphosyntaxiques et fondées sur différents critères de discrimination (sexe, genre, âge, mobilité, origine géographique, orientation sexuelle, fonctionnement neurologique, classe socio-professionnelle, etc.) (Alpheratz 2019: 20).

L’écriture inclusive s’approprie la devise Non, le masculin ne l’emporte plus sur le féminin ! et le langage inclusif devient un langage duplicatif (Álvarez de Miranda 2018: 88) ou un langage duplicatoire (Grijelmo 2019) ajoutant des marques +F partout où l’on trouve des référents à trait animés +A et humain +H. L’utilisation des termes duplicatif / duplicatoire pour identifier le langage inclusif nous semble très juste dans la mesure où le trait +F est déjà inclus dans le sens générique du terme. L’idée inhérente à un terme générique est justement l’effacement de tout trait sexuel, aussi bien masculin que féminin, mais tous les deux s’y trouvant compris, le fait d’exprimer le trait +F de manière indépendante entraîne la duplication de ce trait. Mais rappelons que l’effacement du genre inhérent aux termes génériques n’est pas du tout dans la feuille de route du féminisme, qui, associant le masculin générique au masculin spécifique, réclame l’expression indépendante du trait +F :

No es una repetición nombrar en masculino y femenino cuando se representa a grupos mixtos. No duplicamos el lenguaje por el hecho de decir niños y niñas o madres y padres, puesto que duplicar es hacer una copia igual a otra y este no es el caso. (Alario, Bengoechea, Lledó & Vargas, 1995: 14)20.

L’association provient, dans le meilleur des cas, d’une méconnaissance historique de l’origine et de l’évolution des langues, si ce n’est d’une manipulation raisonnée. Loin de considérer la femme comme une copie de l’homme, Grijelmo (2019), en adoptant un ton de vulgarisation dans son discours, lui accorde son importance et nous rappelle que ce fut le besoin de faire place à la femme dans la société qui entraîna, à son tour, le besoin de marquer sa spécificité au sein du groupe des êtres animés, catégorie asexuée. Le système binaire existant marquait uniquement la distinction entre les êtres animés +A vs les non animés −A. La forme générique étant le terme non marqué, la forme scindée, ou féminin spécifique, se crée en y ajoutant une marque. La forme de base présentant une opposition asymétrique générique/spécifique féminin, le dédoublement du terme générique est assuré (générique/spécifique M). L’opposition « terme marqué » vs « non marqué » est un principe applicable partout dans la langue. Or, en langue espagnole, il existe des oppositions symétriques aussi bien qu’asymétriques parmi lesquelles se trouve le genre. La situation d’asymétrie s’identifie par le sens générique, inclusif de l’un des termes (terme non-marqué) face au sens spécifique et excluant de l’autre terme (terme marqué). Les termes vivo/muerto (vivant/mort) se trouvent en rapport de symétrie car l’affirmation de l’un exclut l’autre ; pourtant les termes día/noche (jour/nuit) son asymétriques car, bien que tous les deux possèdent l’acception ‘période de temps’ compris entre le lever et la tombée du jour (día) ou entre la tombée du jour et le lever (noche), seul le terme día possède l’acception de période de 24 heures qui correspond au temps pendant lequel la Terre tourne autour d’elle-même. C’est ce qui arrive dans l’opposition du genre en langue espagnole dont le rapport asymétrique est représenté par Escandell-Vidal (2020 : 3) :

Ce schéma présente l’avantage, à notre avis, d’illustrer l’opposition terme marqué +F vs non marqué −F et de chasser du lexique le terme masculin car tout ce qui est −F, générique, est d’abord a-genre. La généricité préexistant à la spécificité masculine, c’est cette dernière catégorie qui reste indifférenciée dans la généricité et son sens spécifique ne se déclenche que par opposition à la spécificité féminine. Le masculin spécifique, plutôt masculin tout court, s’opposerait ainsi au féminin. Cela dit, il serait plus adéquat de chasser de l’argumentaire le terme inadéquat de masculin générique. L’existence des fissures dans le système de la langue corrobore ce refus du terme masculin générique. En effet, pour les doublets morphologiques niños/niñas, il n’y a qu’un rapport homonymique entre le terme masculin, opposé au féminin, niños (ensemble de personnes de sexe +M) et le générique niños (ensemble de personnes de sexe +M +F), Los niños deben ir todos a la escuela (Tous les enfants doivent aller à l’école). Cela est la cause pour laquelle dans les doublets lexicaux, yernos/nueras ou curas/monjas, le terme masculin s’avère inapte à signifier de manière générique. Dans Hoy vendrán mis yernos a verme (Aujourd’hui mes beaux-fils me rendront visite), il est impossible de faire une lecture générique, Hoy vendrán mi yerno y mi nuera a verme (Aujourd’hui mon beau-fils et ma belle-fille me rendront visite), mais uniquement Hoy vendrá mi yerno y mi otro yerno a verme (Aujourd’hui mes deux beaux-fils me rendront visite). Pour la même raison, dans le doublet morphologique esposo/esposa (époux/épouse), Una reunión de esposos (Une réunion d’époux), c’est Una reunión de esposo y esposa (Une réunion d’époux et épouse) mais, dans les doublets lexicaux marido/mujer (mari et femme), Una reunión de maridos (Une réunion de maris) n’est pas Una reunión de marido y esposa (Une réunion de mari et femme) mais Una reunión de varios maridos (Une réunion de plusieurs maris).

Il va sans dire que le masculin ne l’emporte pas sur le féminin.

Parlons maintenant des procédés qui intègrent l’écriture inclusive. Il est évident que si le genre grammatical regroupe des phénomènes qui relèvent de la référence (substantifs et pronoms) et de la dépendance ou de l’accord (détermination, complémentation), l’écriture inclusive concerne le domaine lexical et les opérations grammaticales qui en dérivent. On pourrait identifier une telle écriture à l’ensemble des procédés ou symboles scripturaux du féminisme, qui tendent à se manifester, préférablement, de manière ostentatoire afin d’équilibrer la balance du côté de la femme dans la société. Nous voulons mettre l’accent sur l’adjectif ostentatoire comme on peut déduire des expressions qui ne sont pas sexistes (ni socialement parlant, ni linguistiquement parlant) mais que cette écriture tend à éviter. Ainsi, de même qu’à l’oral, lors d’un acte publique, un locuteur est respectueux envers les deux sexes avec l’utilisation de la formule de bienvenue Buenas noches mais on lui préfère buenas noches a todos y a todas (bonsoir à tous et à toutes). Pour la même raison, à l’écrit, un syntagme tel que una multitud de periodistas (une foule de journalistes) serait refusé au profit d’un autre, plus sensible envers les femmes : una multitud de hombres y mujeres periodistas (une foule d’hommes et de femmes journalistes). Or, ce dont il est question, c’est l’utilisation d’un discours ostentatoire. La formule « écriture inclusive » peut être synthétisée en deux postulats généraux, le refus du masculin générique et la visibilité ostentatoire du féminin ; celle-ci constitue l’objet de notre analyse suivante.

4.1 Visibilité ostentatoire lexicale ou référentielle

Cette visibilité concerne le lexique des substantifs animés +A, ayant donc un corrélat sexuel. En faisant une synthèse du rapport genre–sexe en langue espagnole, nous constatons que le sexe biologique n’est pas toujours marqué à travers le genre. Tel est le cas des mots dits épicènes pour lesquels il n’existe qu’un seul genre grammatical et leur référent sexuel reste indéterminé, la víctima (la victime). Pour le reste des substantifs +A, le sexe biologique peut être marqué grammaticalement à travers des procédés différents, à savoir :

  1. classe de substantifs non-sexuellement référentiels dont le genre est indiqué dans les rapports de détermination la periodista / el periodista (la journaliste / le journaliste) ou el modelo / la modelo (le modèle / la modèle) ou de modification periodista astuta / periodista astuto (journaliste astucieuse / journaliste astucieux).

  2. classe de substantifs sexuellement référentiels, ou dimorphiques qui, à leur tour, peuvent être répartis en trois catégories :
    (B.1) Substantifs à base lexicale différente, yerno/nuera (gendre, beau-fils / bru, belle-fille)
    (B.2) Substantifs à flexion morphématique ‑o /a, niño / niña
    (B.3) Substantif à flexion suffixale, actor/actriz (acteur / actrice)

Or, la féminisation de certains mots devant s’adapter aux normes et suivre le sort des substantifs soit de la classe A soit de la classe B, le mot juez (juge), d’origine latine iudem < iudex, et dont la seule idée était celle d’êtres vivants sans distinction sexuelle, s’intègre spontanément soit dans la classe A el juez / la juez, soit dans la classe B (B.2) el juez / la jueza. Les deux formes sont attestées et c’est l’usage qui décidera de son sort. Néanmoins, on voit proliférer dans les discours des féministes certains néologismes superflus et éphémères qui restent dans le patrimoine anecdotique. Tel est le cas de jóvena (néologisme créé sur jeune), terme qui fut proposé en 1993 par la députée du PSOE à Cádiz, Carmen Romero, qui affirmait la nécessité de s’adresser aux jeunes femmes à travers ce terme avouant avoir conscience de son utilisation instrumentale de la langue. Tout en faisant appel à Saussure, elle prévoyait la consolidation de ce mot dans le langage car l’usage deviendrait la norme21. Cela fait bien des années déjà et ce terme n’est pas utilisé par les jeunes. Le terme miembra (membre), créé par la ministre de l’égalité, Bibiana Aído lors de son utilisation dans la formule miembros y miembras, n’est plus actuellement qu’une anecdote. Pour quelle raison les mots jóvena ou miembra n’ont pas réussi à s’installer dans notre langue ? Voici une explication possible : la méconnaissance des règles de la langue n’empêche pas les locuteurs de décider intuitivement sur le destin des mots. Les locuteurs ne sont pas conscients des règles de la langue mais leur intuition décide de la réussite ou de la non-réussite de certains néologismes et pas d’autres. Le mot joven, de par son origine adjectivale épicène, dans son utilisation substantivale ne peut que s’intégrer dans la classe A ; c’est le déterminant qui permet la transposition de l’adjectif en substantif soit masculin el joven, soit féminin la joven. Le néologisme jóvena était donc voué à l’échec, autrement tous les adjectifs épicènes substantivés seraient acceptés et on est encore loin d’imaginer un usage courant d’une telle féminisation ; la inteligenta de la familia (*l’intelligente de la famille), *la más eficaza de todas (la plus efficace parmi toutes). Presque trente ans plus tard, Irene Montero (porte-parole du parti Unidas Podemos) invoque le même argument de la députée socialiste dans sa défense du terme portavoza, les femmes doivent faire entendre leur voix dans la société. La conscience compositionnelle du terme à base verbale porta et nominale voz est ce qui préserve le mot de toute féminisation de type classe B mais, dès que cette conscience est perdue, on voit le mot passer dans la classe B à flexion morphologique (B.2)22. L’expression familia monomarental est également promue par Irene Montero, devenue ministre de l’égalité (2019), en substitution de familia monoparental, négligeant le fait que ce terme est composé du préfixe mono (signifiant l’unité) et parentalis < pariente terme générique et sans aucun rapport à padre (père). Le langage inclusif et son écriture constituent une revendication fortement politisée. Il constitue un instrument, une arme de jet idéologique mais qui, parfois, se redresse contre son utilisateur23. L’académicienne Fernández Ordóñez (2018) témoigne de l’inutilité de la provocation par l’utilisation de termes incorrects et constate que l’Académie, dont les fonctions sont descriptives, joue simplement le rôle d’un notaire.

Es una forma de provocar inútilmente, la Academia sólo documenta lo que se consolida. Hay gente que decide promover normas. Todos inventamos el lenguaje con formas nuevas, los hablantes promueven la innovación. No hay ninguna sociedad completamente inmóvil. Pero debe ser colectivamente aceptado. Cuando una persona promueve una ocurrencia, puede dar para un titular, pero para que se recoja en el Diccionario, debe tener un uso en la comunidad24.

D’ailleurs, nous aimerions souligner qu’il n’est pas étonnant que dans la féminisation ostentatoire, certains termes soient négligés malgré leur apparence masculine, tel certains mots finissant en ‑o : modelo, contralto ou soprano. Ces lacunes dans les revendications trouvent une explication sociale car la profession de modelo a été, par tradition, associée aux femmes de telle façon que, bien qu’elle soit partagée avec des hommes, la question identitaire féminine y est si fortement attachée qu’on ne sent pas le besoin d’une féminisation ostentatoire *la modela, *la soprana ou *la contralta.

4.2 Visibilité ostentatoire grammaticale

Nous avons regroupé sous cette rubrique des procédés concernant certains aspects grammaticaux d’articulation discursive divisés en deux groupes selon leur degré de normativité, car il y en a qui s’intègrent dans le système de la langue espagnole sans la détruire, et il y en a qui contreviennent aux normes. Les voici.

4.2.1 Les procédés orthodoxes

Parmi les procédés orthodoxes, c’est-à-dire s’intégrant dans le système linguistique de la langue espagnole, on peut citer la rédaction épicène et le doublet.

4.2.1.1 La rédaction épicène

La rédaction épicène présente l’avantage d’être un procédé normatif mais sa possibilité d’utilisation est réduite. Ce procédé implique le remplacement des dits masculins génériques par des termes génériques ou abstraits. Ainsi, des mots masculins el profesorado (corps enseignant), el alumnado (groupe scolaire) ou féminins la ciudadanía (la citoyenneté), la humanidad (l’humanité) remplacent les emplois génériques los profesores (les professeurs), los alumnos (les élèves), los ciudadanos (les citoyens), el Hombre (l’Homme). Pourtant quand on essaie de l’appliquer, on observe que la commutation des termes n’est pas toujours acceptable. Dans Los profesores del centro deben cumplir las normas (Les professeurs du centre doivent respecter les normes) on peut facilement utiliser ce procédé El profesorado del centro debe cumplir las normas (Le corps enseignant doit respecter les normes).Cependant, dans ¿Tus profesores te han puesto ya las notas ? (Tes professeurs ont déjà mis les notes ?) le terme épicène trouve des limites *¿Tu profesorado te ha puesto ya las notas ? (Ton corps enseignant a déjà mis les qualifications ?) Le sens générique de profesorado en tant que cadre des professeurs du centre éducatif est incompatible avec le sens générique qui intègre non pas tout le cadre mais un ensemble de professeurs sans référence explicite au sexe.

La rédaction épicène étant un procédé normatif et respectueux envers les deux sexes n’est pas un procédé de féminisation ostentatoire, c’est la raison pour laquelle on lui préfère, dans de nombreuses occasions, les doublets.

4.2.1.2 Les doublets

Tandis que Grijelmo (2019) prend l’existence de la rédaction épicène comme preuve de l’inefficacité des doublets à transmettre un sens générique, Alpheratz (2019) inverse l’argumentation et voit dans l’existence des doublets l’incapacité du masculin à transmettre la généricité. Ainsi, la distorsion de la régularité avec la formule Françaises et Français prononcée par de Gaulle en 1961 ne fait, d’après elle, que mettre en relief cette incapacité. Loin de là, nous estimons que cet emploi obéit à un choix discursif individualisant et non générique. En tout cas, ce qui est incontestable c’est que l’utilisation de ce procédé alourdit le discours et nuit à la simplicité de transmission du contenu. Il va contre les principes d’économie et de clarté, c’est pourquoi il est déconseillé dans certains contextes comme dans les énumérations dans le domaine administratif, juridique25 et, il va de soi, dans le langage courant. Grijelmo (2019) nous accorde l’exemple de ce que deviendrait un simple dicton tel que como todo hijo de vecino si l’on devait employer ce procédé como todo hijo de vecino o hija de vecino o hijo de vecina o hija de vecina (comme tout le monde). En outre, ce procédé présente le même désavantage que la rédaction épicène, car son utilisation n’est pas systématiquement applicable. Pour ce faire, il faut rappeler que la coordination peut soit unir soit séparer les unités coordonnées. Escandell-Vidal (2020) nous propose une très intéressante typologie de doublets26. Excepté les doublets incorrects que nous avons classés parmi les procédés a-normatifs, le reste de sa typologie montre bien l’existence des doublets normatifs, du point de vue de la structure de la langue mais pas du point de vue sémantique. Alors en admettant les deux fonctions logiques de la coordination, unir vs séparer, lorsque l’on vise à séparer les termes coordonnés, le doublet devient fondamental (doublet indispensable) : Las niñas y los niños deben recibir el mismo tipo de educación (Les garçons et les filles doivent recevoir le même type d’éducation). Pourtant, lorsque l’on vise à mettre sur un pied d’égalité les termes coordonnés, les doublets pourraient être répartis en deux catégories selon que le sens des termes se contredisent (doublet inapproprié et doublet impossible) ou qu’ils soient superflus (doublet superflu). Le doublet inapproprié ou infondé est celui qui concerne les termes désignant des titres, grades, fonctions et non pas les personnes susceptibles de les occuper, Rector (Président), et celui dont l’emploi est impossible, quand les termes sont en rapport symétrique Juan y María son amigos (Juan et María sont amis) > *Juan y María son amigo y amiga (Juan et María sont ami et amie)27. Enfin, les doublets superflus, qui supposent un surplus cognitif, ne font que nuire à la fluidité de la compréhension. Dans ce sens, certains pédagogues de l’enseignement primaire constatent que l’utilisation du doublet niños y niñas est une source de malentendus et de confusions d’autant plus graves qu’elles se produisent à une étape clé de l’apprentissage et de fixation de la langue par l’enfant (Junyent, 2013).

La RAE, lors de son dernier Rapport, Informe 2020, se prononce, sous la pression sociale qui est à la source des doublets, en constatant que les sujets parlants agissent autrement dans leur réalité quotidienne. Effectivement, l’on observe que le résultat de l’application de certaines recommandations « visibilisatrices » entraîne des incorrections mais surtout des incohérences et des irrégularités dans leur application chez tous les locuteurs, défenseurs inclus. Ainsi, en analysant le discours de la presse, orale et écrite, sur la pandémie causée par la COVID19, on n’entend parler que des muertos (morts), infectados (infectés), contagiados (contaminés). Le gouvernement parle de laisser sortir a los niños, a los más pequeños (les plus petits). Les thèses inclusives étant linguistiquement difficilement applicables et superflues, la logique de la langue s’impose car personne ne serait d’avis que le gouvernement ne laisse sortir que les garçons et pas les filles, ou que les morts soient tous des hommes. Le langage inclusif devant la pandémie reste donc oublié de tous.

4.2.2 Les procédés hétérodoxes

L’usage de certains procédés qui contreviennent aux règles de la langue espagnole est assez répandu, c’est ainsi que l’utilisation des marques neutres @, ‑x, ‑e surgissent donnant lieu à certains néologismes incompatibles avec le système linguistique pour différentes raisons. Le @ est un symbole qui, outre le fait de ne pas appartenir à l’alphabet et donc de ne pas être reconnu en tant que signe linguistique, ne peut pas être utilisé dans le registre oral : il ne correspond pas à un phonème28. Le x présente l’avantage d’être un signe linguistique, un phonème, mais le désavantage de n’avoir aucune potentialité linguistique car imprononçable de par le contexte où il se trouve (niñxs, lxs). Finalement le e semble s’imposer car il s’agit d’un signe linguistique, un phonème prononçable (niñes, les). Cette voyelle présente l’avantage d’intégrer non pas uniquement le binarisme masculin/féminin mais les transgenres. Pourtant la RAE constate les dangers d’une telle utilisation car c’est la marque du genre masculin dans les pronoms et les articles démonstratifs El mejor / Lo mejor (Celui qui est le meilleur / Ce qui est mieux), catégories pour lesquelles le ‑o constitue la marque du neutre. Une telle solution aurait non seulement un effet domino à cause duquel l’on devrait sacrifier la grande capacité économique que présente la langue espagnole et qui consiste en un simple changement de morphème (et sans besoin d’élargir les syntagmes) pour passer dans un discours du concret à l’abstrait mais, en plus, elle prendrait comme marque neutre encore un phonème présentant le trait masculin. Ignorer le fonctionnement du système conduit à des solutions quelque peu paradoxales. L’intérêt de l’emploi de tels symboles est le signifié extralinguistique qu’ils véhiculent : Je suis pour le langage égalitaire. Pour Álvarez de Miranda (2018) il est évident qu’une telle utilisation est un acte politique et non linguistique. D’après Alemany (2019) « Como acto lingüístico sólo se puede considerar una broma. En ninguna lengua se ha inventado un morfema de género de la nada. Es tan absurdo como que un grupo decida que perro signifique, en adelante, mesa29».

La RAE (Informe 2020) ne reconnaît pas ces néologismes et même les plus fervents défenseurs admettent qu’il s’agit là de solutions peu pratiques. Selon Martín Barranco (2019), « [d]ecir , o todes, o todos y todas, o todas y todos, o todxs, está muy bien, pero seamos sinceras, está muy bien como forma de llamar la atención. […] Pero reconozcámoslo, es agotadora y poco práctica »30.

L’utilisation du féminin générique est, parmi les procédés a-normatifs, celui qui corrobore le plus le militantisme. Il agit en tant que marque, interne et externe, d’appartenance à un groupe social différencié ou, du moins, de sympathie envers celui-ci, ce qui explique la réduction du domaine de son utilisation au secteur politique ou activiste (San Julián Solana 2017). Cette stratégie est défendue dans les deux langues (Lessard & Zaccour 2018). Il s’agit d’un féminin partagé et solidaire qui justifie l’utilisation du féminin comme terme non-marqué, faisant appel à la personne en tant que référent elliptique. C’est le féminin universel du parti politique espagnol Unidos Podemos, créé en 2016, et qui, en 2019, se transforme en Unidas Podemos. Mais, tel qu’on le constate dans la pratique, le féminin s’avère incapable de transmettre l’idée de généricité et il est vite oublié dans le discours au profit du terme non-marqué. À titre d’exemple, les déclarations de Pablo Iglesias, Vicepresidente de derechos sociales (Unidas Podemos) sur la crise du coronavirus31 et les mesures adoptées par le gouvernement : los inquilinos, los pequeños propietarios, los autónomos32 (les locataires, les petits propriétaires, les travailleurs indépendants) ; ou celles de Teresa Rodríguez (vidéo WhatsApp), porte-parole du groupe Podemos dans le Parlement d’Andalousie, sur l’enlèvement des diètes du Senado lors desquelles, après un premier clin d’œil au doublet diputados y diputadas, elle n’utilise que le masculin générique : los políticos, autónomos, sanitarios, nuestros profesionales (les politiciens, travailleurs indépendants, sanitaires, nos professionnels) et même un masculin générique où elle inclut clairement des référents féminins, que los representantes públicos no estemos a la altura de las circunstancias (que les représentants publiques ne soient pas à la hauteur des circonstances), nosotros por coherencia vamos a hacer (nous allons tous agir de manière cohérente). Dans la pratique, l’on observe que l’utilisation du féminin générique ainsi que le reste des procédés sont aléatoirement appliqués. Les usages inclusifs utilisés par les populations elles-mêmes, contrairement aux thèses soutenues par Alpheratz (2019), loin d’être révolutionnaires, restent anecdotiques et surtout, une affaire théorique car, dans la pratique, il en va autrement33.

5 La construction d’un genre idéologique

Une dernière question nous semble intéressante concernant le rapport genre–sexe dans la langue, car ce rapport, pour les défenseurs du langage inclusif, est restreint aux êtres animés humains (+A +H). Il nous semble évident qu’il s’agit là d’une visée sociale dont le but est de rendre leur place aux femmes. Le changement qui, de nos jours, se produit dans la langue est orienté par le débat social et politique et la logique argumentée par les académiciens qui affirment que les conjonctures nées au fil des modes ne peuvent pas entraîner comme conséquence un changement de positionnement dans l’institution, à savoir la RAE, nous semble assez cohérente34. Le seul argument valable pour accepter quelque changement que ce soit dans la langue est l’usage. Mais on ne peut pas contraindre les locuteurs à parler tel qu’il est paradoxalement prétendu dans ces discours égalitaires, qui trahissent pourtant un autoritarisme de genre. On veut nous donner des règles, nous apprendre le Bon Usage dont Bon implique un Usage Politiquement Correct, partisan d’une certaine idéologie. À ce propos, le linguiste Northrop Fry affirme que la gauche canadienne a fait des avancées dans la création d’une néo-langue politiquement correcte, qui suppose l’assomption des normes arbitraires aux dépens d’un agenda politique mais surtout moyennant la coaction. Il signale que si le sens des mots est surveillé, le gouvernement ne gouverne pas mais endoctrine35. Ce dont il est question donc est non pas de décrire (comment on parle) mais de prescrire (comment on doit parler). Les consignes pour un langage inclusif, donc non sexiste, se révèlent idéologiquement sexistes au profit du sexe non pas féminin mais de la femme (+H) car les êtres sexués (–H) lionne, chatte… ne sont pas du tout pris en compte dans ces grammaires. Nous estimons que l’expression néologique genre femmenin serait plus convenable car on ne trouve que des références au sexe biologique de la Femme. Cherchant la cohérence d’un point de vue linguistique, l’inclusion du couple mâle/femelle (+A –H) à côté de homme/femme (+A +H) est nécessaire. Grammairiens et linguistes s’en font l’écho toujours dans leurs répliques sur le genre. La réponse de la RAE dans son Informe 2020 inclut toujours la référence sexuée au monde animal de telle sorte qu’à côté des substantifs marquant le genre à l’aide d’un suffixe, d’une désinence ou d’un suffixe ou doublets morphologiques, duque/duquesa, gato/gata (duc/duchesse, chat/chatte) on constate l’existence des hétéronymes ou doublets lexicaux qui utilisent des radicaux différents, toro/vaca, yerno/nuera, caballo/yegua (taureau/vache, beau-fils/belle-fille, cheval/jument). Pourtant, dans les discours des défenseurs du langage inclusif, il n’est question que de la visibilité de la Femme. Le terme même de langage égalitaire par lequel est aussi connu le langage inclusif ne relève pas du domaine linguistique. Cet adjectif égalitaire est un emprunt au lexique politique car l’égalité dont il est question implique égalité de sexes (+H) négligeant le sexe du règne animal (−H). Lorsque nous achetons un produit contre les piqûres de moustiques, on ne visibilise pas le sexe féminin pour autant que ce sont les femelles qui nous piquent, les mâles se limitant à faire du bruit. Le débat idéologique l’emporte sur la cohérence linguistique. Tout linguiste vise la logique systématique de la langue, sa description comme système et ne peut donc négliger le sexe +A−H.

L’expression du genre +A−H présente la même casuistique que +A+H, mots épicènes de genre féminin la ballena, la golondrina, la hormiga, la jirafa, la mosca, la tortuga, (la baleine, l’hirondelle, la fourmi, la mouche, la tortue), mots épicènes de genre masculin el tiburón, el cocodrilo, (le requin, le crocodile), doublets lexicaux caballo/yegua, toro/vaca (cheval/jument, taureau/vache) ainsi que doublets morphologiques, perro/perra, gato/gata (chien/chienne, chat/chatte). Les noms épicènes sont utilisés de manière générique. Il en va de même pour les doublets morphologiques Se prohíbe entrar a los perros (Inderdit aux chiens) – et pas aux chiennes ?

Du point de vue linguistique, l’intégration de la perspective sexuelle dans la langue produit un effet domino qu’il faut contempler pour rester dans la cohérence du système. Accepter l’équation sexe–genre et rendre visible le sexe féminin implique son application à tous les êtres vivants sexués, autrement, le débat est faussé.

Nous ne voulons pas conclure sans faire appel aux mots prononcés par Escandell-Vidal (2020) pour qui l’utilisation de la forme non-marquée à interprétation inclusive ne contribue pas à perpétuer le silence des femmes. D’ailleurs il s’agit d’un procédé linguistique légitime qui est présent dans de nombreuses langues et basé sur une propriété des langues partagée dans d’autres domaines du système linguistique.

Mantener el uso de la forma no-marcada con interpretación inclusiva no es una manera de defender y perpetuar el silenciamiento de las mujeres, es optar libremente por un recurso lingüístico perfectamente legítimo, presente en un gran número de lenguas en los cinco continentes y basado en una propiedad de las lenguas que se manifiesta en muchas otras áreas del sistema lingüístico. (Escandell-Vidal 2020: 19)36.

Paradoxalement, l’insistance sur la visibilité du féminin produit un effet rebond multipliant la présence masculine, nous invitant à voir du masculin là où il n’est pas présent.

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  1. Cela a été dénoncé par le Directeur de la RAE dans Darío Villanueva: el problema está en confundir la gramática con el machismo https://elpais.com/cultura/2018/07/15/actualidad/1531677196_003986.html [consulté le 2 février 2020].↩︎

  2. La langue espagnole en Amérique du Sud subit le même sort ; ainsi pourrait-on citer le Guide pour le langage inclusif de la Dirección General de Transversalización de Género (DGTEG) du Ministère de la Femme et des Populations Vulnérables (Ministerio de la Mujer y Poblaciones Vulnérables, MIMP), dont le but est faire connaître et promouvoir l’importance de l’utilisation de la communication inclusive dans les administrations publiques en tant qu’entité rectrice des politiques nationales et sectorielles pour l’égalité des genres (cf. MIMP, 2017).↩︎

  3. En Espagne, l’Académie de la Langue possède toujours un poids considérable parmi les linguistes étant donnée la présence parmi ses membres d’un nombre important de linguistes et philologues réputés.↩︎

  4. La tâche de la RAE, à portée panhispanique, reste celle de veiller pour l’unité de la langue espagnole tout en s’adaptant aux besoins des sujets parlants : « es una institución con personalidad jurídica propia que tiene como misión principal velar por que los cambios que experimente la lengua española en su constante adaptación a las necesidades de sus hablantes no quiebren la esencial unidad que mantiene en todo el ámbito hispánico » (www.rae.es).↩︎

  5. https://www.vozpopuli.com/opinion/Gramatica-Calva-carmen-calvo-rae_0_1321069126.html (consulté le 27 janvier 2020); https://www.elmundo.es/cultura/literatura/2020/01/20/5e25cf0321efa06d1e8b45ad.html (consulté le 27 janvier 2020).↩︎

  6. Pour une étude minutieuse de différents procédés cf. Díaz Hormigo (2018).↩︎

  7. « La confrontation d’idées, loin de promouvoir ou de favoriser un rapprochement des attitudes polarisées, contribue plutôt à renforcer les présupposés et à pousser à l’extrême leurs convictions respectives ». Son étude vise à offrir un cadre de référence plus objectif nous permettant d’échapper à la dynamique de la polarisation.↩︎

  8. « De notre point de vue, l’utilisation correcte de la langue n’entraîne pas de sexisme linguistique tandis que vouloir être politiquement correct à travers l’emploi de propositions élaborées pour éviter ladite discrimination linguistique, motivée par des questions de sexe, entraîne dans de nombreuses occasions le fait d’être linguistiquement incorrect. »↩︎

  9. « discrimination linguistique motivée par des questions de sexe »↩︎

  10. « Les interventions linguistiques de la Junta de Andalucía y de la classe politique andalouse n’a fait que contribuer au refus quasi généralisé des propositions de langage inclusif par la population andalouse ainsi qu’à déchainer l’hilarité et la creation des blagues et de jeux linguistiques sur ces dits usages. »↩︎

  11. García Meseguer aborde déjà avec rigueur en 1977 cette question nous offrant des propositions innovatrices et ce n’est qu’en 1994 qu’il affirme ouvertement l’innocence du système linguistique vis-à-vis du sexisme avec sa distinction entre sexisme linguistique et sexisme social.↩︎

  12. « Un sujet parlant commet un sexisme linguistique quand il produit un message qui de par sa forme (cela veut dire son choix de mots ou de les construire) et non pas de par son contenu, est discriminatoire par des questions de sexe. Contrairement, quand la discrimination est due au contenu et non pas à la forme, on commet un sexisme social. »↩︎

  13. Sous la notion de sexisme linguistique ou choix formel du message que le locuteur réalise, García Meseguer classe des messages discriminatoires relevant soit de l’utilisation des mots isolés (sexisme lexical) soit de la construction de l’énoncé (sexisme syntaxique).↩︎

  14. En espagnol le mot varón ne fait référence qu’aux personnes de sexe masculin tandis que hembra peut être appliqué aussi bien aux personnes qu’aux animaux de sexe féminin, ce qui met la femme en situation d’égalité avec le monde animal et d’inégalité avec l’homme.↩︎

  15. Votre collègue du bureau s’avéra être espion(ne). On pourrait proposer comme cas équivalent en langue française : On a besoin de journalistes avec expérience.↩︎

  16. Il va sans dire qu’il existe des langues sans genre grammatical (anglais, hongrois, finlandais, chinois, japonais, coréen entre autres), des langues à deux genres (italien, espagnol, français) et des langues à trois genres (allemand, langues slaves). En espagnol, on trouve toujours certains mots neutres, tels que les pronoms esto, lo.↩︎

  17. En espagnol, ces deux termes présentent une alternance de genre tandis qu’en français ils sont tous deux féminins la cuillère et la fourchette.↩︎

  18. Cependant, pour le français, le résultat fut 50-50, les deux mots possédant le même genre féminin.↩︎

  19. Il ne faut pas confondre universel et générique. Il se peut que le genre ne trouve pas de réalisation dans une langue donné mais le concept, sa définition, reste universel. Coseriu (1978) parle à ce sujet d’universalité conceptuelle.↩︎

  20. « Nommer au masculin et au féminin quand on fait référence à des groupes mixtes n’entraîne pas une répétition. Le langage n’est pas dupliqué quand on dit niños y niñas o madres y padres car faire un double implique faire une copie du modèle et ce n’est pas le cas. » La non duplication ne peut être comprise qu’en acceptant le postulat inclusif du refus du masculin générique car autrement les termes padres (parents) ou niños (enfants) reprenant aussi bien padre (père) et madre (mère) / niño (garçon) et niña (fille) intègrent le féminin de sorte que nommer au féminin devient une redondance ou duplication de ce trait.↩︎

  21. Les revendications dans le cas de la langue espagnole ne procèdent pas de la norme pour après s’instaurer dans l’usage mais à l’inverse. Cela est promu par des collectifs spécialement sensibilisés sur des questions de genre : « En el caso del español, las reivindicaciones no vienen de arriba abajo, de la norma al uso, sino que surgen por parte de colectivos especialmente sensibilizados con las cuestiones de género. Se trata de una demanda social y no de una imposición desde las instituciones rectoras en materia de norma. » (Cabeza Pereiro & Rodríguez Barcia 2013 : 8).↩︎

  22. Nous avons fait une recherche avec Sketch Engine dans le Spanish Web (ESTENTEN 18), dans lequel on n’a obtenu que 11 occurrences du terme portavoza et 540 du terme portavoz. En outre, il faudrait souligner que le terme féminin n’apparaît pas de manière isolée mais toujours dans l’expression portavoz o portavoza. Cela prouve du moins l’état dubitatif d’un tel néologisme. Les termes guardiacivila, jóvena ou miembra n’y sont pas attestés.↩︎

  23. Dans un article de la revue El País, on ironise en féminisant portavozas et aussi altas cargas. Il s’agit d’un jeu de mots en espagnol sur cargo (fonction, poste) et carga (charge). Antes de portavozas hubo miembras y altas cargas en la política española en El País 09/02/2018 https://elpais.com/politica/2018/02/09/actualidad/1518199760_789488.html [consulté le 29 mars 2020].↩︎

  24. « Il s’agit d’une forme de provocation inutile, l’Académie n’intègre que ce qui est consolidé. Il existe des gens qui décident de promouvoir des normes. Nous inventons tous le langage avec de nouvelles formes. Il n’existe pas de société complètement immobile. Mais tout doit être collectivement accepté. Quand quelqu’un promeut une occurrence, cela devient un gros titre mais quand il s’agit de l’intégrer dans le Dictionnaire, l’utilisation doit être communautaire ». Elle nous offre comme exemple les termes espagnols presidente et estudiante car seule la féminisation presidenta (présidente) est d’usage courant et a été intégré dans le dictionnaire. Le terme estudianta (étudiante) n’a pas subi le même sort et il n’est ni d’usage ni intégré dans le dictionnaire.↩︎

  25. Pour la langue espagnole, la Constitution de Venezuela est la seule à l’avoir intégré. L’Office Québécois de la Langue Française (OQLF) admet cependant l’emploi occasionnel du masculin générique comme une solution afin de ne pas alourdir le texte.↩︎

  26. La voici : 1. Imprescindible (indispensable), 2. Innecesario (superflu), 3. Improcedente (inapproprié), 4. Incorrecto (incorrect) et 5. Imposible (impossible).↩︎

  27. D’autres termes symétriques : amigos, novios, primos, cuñados, compañeros de trabajo, vecinos, etc. Les termes indiquant des rapports asymétriques doivent au contraire être spécifiés : Luis y Laura son padre e hija. Les exemples ont été empruntés à Escandell-Vidal (2020).↩︎

  28. À cette critique scientifique du choix d’un symbole imprononçable en substitution d’un signe linguistique, nous voulons ajouter un commentaire subjectif qui insisterait sur un choix d’un symbole malheureux du fait que la voyelle féminine ‑a reste à l’intérieur de la voyelle masculine ‑o qui l’embrasse et l’étreint semble, paradoxalement, une image contraignante où le ‑o montre visuellement la splendeur de son rôle oppressif. Dualité et oppression dans un même symbole.↩︎

  29. « En tant qu’acte linguistique on ne peut penser qu’à une blague. Il n’existe aucune langue où l’on ait créé du néant un morphème de genre. C’est un fait aussi absurde que la détermination d’un groupe de sujets parlants qui déciderait que chien signifierait dorénavant table. »↩︎

  30. « Dire tod@s, ou todes, ou todos y todas, ou todas y todos, ou todxs, est bien, mais soyons sincères ce n’est qu’une manière d’attirer l’attention […] Reconnaissons-le, on a là des formules épuissantes et très peu pratiques. »↩︎

  31. El País https://www.youtube.com/watch?v=3qo3HQsLglw.↩︎

  32. Fait curieux, il n’y a que le terme trabajadoras del hogar (femmes de ménage) qui est utilisé au féminin dans son discours.↩︎

  33. Parfois, le masculin générique semble être employé de manière intentionnelle, au service d’une idéologie politique, car quand il s’agit de parler des partis politiques opposants, on a recours systématiquement au masculin générique, ce qui introduit une nuance péjorative. L’utilisation des doublets los trabajadores y las trabajadoras (les travaillerus et les travailleuses) côtoie les termes, dans le même discours, los ricos, los corruptos. C’est-à dire que l’alternance masculin/féminin n’est pas toujours visualisée car aux termes ricos (riches) et corruptos (corruptes) correspondrait, en espagnol, ricas et corruptas.↩︎

  34. La RAE frente a la « doctrina Calvo » del lenguaje inclusivo en La Razón 13/12/2019 https://www.larazon.es/cultura/20191213/h33cgpk7nngjjcyxsi3kgizueu.html [consulté le 17/02/2020].↩︎

  35. Au Canada, le gouvernement d’Ontario a promulgué l’approbation de la loi C-16 et déclare illégal l’usage erroné d’un pronom de genre. Cette mesure a été poussée à l’extrême de sorte que l’utilisation des pronoms lui ou elle est considérée comme un crime de haine lorsque la personne a réclamé son droit à être identifiée par un pronom neutre.↩︎

  36. Le maintien de l’utilisation de la forme non-marquée comme forme porteuse de sens inclusif n’implique pas la défense d’un passer sous silence les femmes mais le choix libre et légitime d’un outil linguistique qui est présent dans de nombreuses langues des cinq continents et basé sur une propriété des langues également présente dans d’autres domaines du système linguistique.↩︎