Verbum – Analecta Neolatina XXIV, 2023/1

ISSN 1588-4309; https://doi.org/10.59533/Verb.2023.24.1.8



                                               Car tout masque ne se porte jamais longtemps1.

Introduction

Ce qui distingue Jean Lorrain du reste des auteurs de la même époque, c’est la multitude d’interprétations qu’il donne au masque. Favorisé par le contexte de la fin de siècle2 et son addiction aux drogues, en particulier l’éther, le masque se convertit pour Lorrain en une obsession3 qui débute dans les « Contes d’un buveur d’éther »4 en 1895 où les manifestations du masque sont liées à l’éthéromanie et aux nombreuses expériences vécues par le propre écrivain. Il s’ensuit en 1900 une œuvre qui développe des épisodes bouleversants et angoissants5 sur le masque intitulée Histoires de Masques. Une année plus tard, le masque réapparaît dans certains chapitres de son célèbre roman Monsieur de Phocas, puis il6 termine son cycle dans Le crime des riches publié en 1905 un peu avant sa mort.

Grâce au masque, Jean Lorrain met en place l’expression de l’intériorité7 où l’esprit l’emporte sur le corps car il permet la libération des contraintes sociales. Il matérialise l’âme humaine en n’accordant plus au faciès une unique représentation, mais la recherche du message herméneutique qu’il semble bien vouloir dissimuler. En quelque sorte, Lorrain considère le masque comme un artifice proche d’un certain type d’aliénation qui renvoie à la conception d’une image miroir qui se réfléchit sur elle-même, et se transforme en même temps qu’elle devient le lieu d’une représentation esthétique car le masque opère comme une empreinte temporelle du monde intérieur et extérieur qui se manifeste. Si la société de la fin du XIXème siècle développe un goût particulier pour le masque que l’on peut apprécier aussi bien en littérature qu’en peinture8, lorsqu’il apparaît il évoque souvent de complexes impressions antagoniques. Capable de transformer l’apparence d’une personne, la cacher ou dissimuler des tares inconfessables, il peut donc comme l’indiquent Charles Grivel et Will McLendon, devenir un « instrument à la fois de mensonge de vérité, d’effroi et de perversité9 », car son enjeu s’en tient au paradoxe « [d’] instrument de déguisement et de tromperie dirigé contre l’adversaire, c’est-à-dire autrui, [et aussi de] moyen de fuite, d’évasion que l’individu emploie pour et contre soi-même10 ».

Il est évident que l’apparition du masque ne date pas d’hier11, et que sa fonction s’est modifiée d’une époque à une autre, car en tant qu’allégorie de l’artificiel, il possède une valeur sacrée rattachée à une culture et à des croyances particulières. En ce sens, l’usage du « masque » va expérimenter des transformations tout au long du XIXème siècle car on ne le désigne plus uniquement comme un objet utilisé pour couvrir le visage lors du carnaval, dissimuler une sexualité hors nature, mais aussi comme le possible germe d’une pathologie sexuelle cachée de la fin de siècle :

Le masque est costume mais aussi absence d’identité, d’état-civil, plus encore que volonté de feindre. Les individus deviennent la maladie pour mieux achever leurs victimes. […] chez Lorrain, la petite vérole est celle qui s’est dissimulée, la maladie invisible qui circulait dans la foule sous l’apparence d’un pénitent12.

Outre le fait que le masque renvoie à l’idée du contraste, en tant qu’objet de la fin de siècle car son rôle joue sur l’apparence et l’ambiguïté d’un défilé de personnes déguisées pour le divertissement ; il signale aussi le malaise de la modernité par l’apparition de symptômes et pathos ainsi que d’autre manies toxiques regroupées dans la toxicomanie13. En effet, l’opium, l’éther et la morphine14 semblent s’imposer inéluctablement comme un agrément efficace pour un grand nombre d’artistes et femmes du beau monde. L’idée du masque qui réunit ainsi les « poisons de l’esprit »15 leur sert à échapper à leur dégoût profond, à leur grisaille quotidienne, et à l’hypocrisie sociale instituée. Il renvoie autrement au caractère instable et incertain d’une époque où le reflet qui persiste n’est autre qu’une image précaire entre l’être et le paraître, entre le rêve et le cauchemar, entre la fascination et l’épouvante du non-dit fantasmagorique qui encadre le contexte médical :

Dernièrement, quelqu’un faisait remarquer devant moi que nos artistes maintenant si rangés et si sérieux, lorsqu’ils observent la société moderne, n’y voient plus que des fous, des exaltés, des artistes en un mot. C’est le monde retourné. On est tenté de leur dire. Où sont-ils donc, vos malades ? Montrez-nous les, vos détraqués ! Dans cette fin de siècle, qui pour quelques gouttes de morphine voudrait se donner les airs d’une somnambule, la grande et unique névrose ne serait-elle pas la cupidité16 ?

Jean Lorrain s’applique à tracer sa trajectoire de vie en fonction d’une soi-disant morale à délivrer ; il pense qu’il est lui-même un personnage17, en faisant de sa vie une œuvre d’art provocatrice avec un maquillage, une excentricité, un travestissement18 où les masques accompagnent une fiction et une réalité qui sont intimement liées car « [il] a toujours voulu être autre et ailleurs19 ». Son œuvre synthétise parfaitement la mise en scène d’une personnalité scandaleuse à travers les personnages, une obstination pour se différencier des autres, une homosexualité et un fanatisme envers le masque qui édifient la complexité humaine de ceux et celles qui sont au rendez-vous de la non-conformité, qui fréquentent les bals masqués, les maisons closes et s’adonnent en secret à une vie d’excès en tout genre20.

Ce pouvoir de métamorphose que laisse entrevoir le masque aboutit pour ainsi dire à une cartographie de la haute société de la fin de siècle qui reste cachée derrière un objet esthétique exempt de toute moralité. Hormis la volonté de Jean Lorrain de portraiturer de façon plus ou moins explicite les vices et les mœurs scandaleuses de personnages qui sont certaines personnalités contemporaines, ses associations narratives concourent également à créer une ambivalence du masque par l’emploi de récits à clef dont l’utilisation lui permet de concevoir une alternative pour montrer l’objet difficile à cerner :

Il [Jean Lorrain] use du mot à double entente, du souvenir des anciens scandales, il nous initie aux habitudes de Mme de Z…. ou aux origines de Mlle de X. Dans le récit d’une fête mondaine, brusquement il démasque un blason, révèle un âge, rectifie un nom, dévoile un passé oublié […]21

Il est vrai que le roman à clefs22 pose les fondements prétendument tangibles pour renforcer la mise en scène d’une esthétique de la simulation dont Jean Lorrain a recours dans sa vie personnelle car « il adorait le masque pour dissimuler un visage qui le navrait ; [et un] domino pour lui donner l’illusion qu’il portait une robe.23 ». Il semble donc évident qu’à partir de son propre masque originel, il développe le goût des masques qui sont des ramifications diffuses et complexes de lui-même et des autres car

[Il] semble se complaire dans l’évocation et dans la description documentaire des vices, des manies morbides et des fantasmes de personnages qui, à bien des égards, apparaissent comme les porte-parole, voire comme les prête-noms de leur créateur24.

Cette caractérisation du masque paraît donc de taille, démesurée peut-être, à vouloir tenter de définir l’insaisissable et de circonscrire le non-circonscriptible par rapport au terme masque qui lui-même nous invite, par ses distinctes étymologies, « à avoir peur » ? En effet, le mot mascha25, qui signifie « sorcière », femme laide et méchante, maquerelle en bas-latin ne semble-t-il pas donner une autre version du « faux visage dont on se couvre la figure pour se déguiser », cette « fausse apparence » qui ne permet pas de voir l’autre  tel qu’il est ?

Vouloir percer la vérité26 du masque de Jean Lorrain ne renvoie-t-il pas inévitablement à entrevoir une tendance où l’insaisissable risque de se métamorphoser au moment d’être saisi ? Nous braverons donc cette ambiguïté et nous nous demanderons quelle est la vraisemblance du masque pour Jean Lorrain et quels liens entretiennent le masque et ses diverses projections.

Après avoir signalé les caractéristiques socio-historiques, esthétiques et sexuelles du masque, nous interrogerons aussi les phénomènes opposés de résistance et de disparition car le masque devient à la fois un signe problématique et polysémique d’une société qui a perdu ses repères.

À cet effet, nous explorerons certaines formes et significations du masque regroupées dans les Contes d’un buveur d’éther, Histoires de Masques, Monsieur de Phocas, et Le crime des riches afin de révéler les audaces et transgressions de celui ou celle qui s’en pare. Pour ce faire, notre analyse se centrera sur l’existence de deux types de masques : le masque objet et le masque du faux-semblant27. Le premier qui spécifie la morphologie du visage et du corps28 donne la priorité au montrer/cacher de l’objet, c’est à dire qu’il est contraint de s’en remettre au regard de l’autre pour exister, il est lié à la vision. Le second, par contre, s’articule sur l’expression de l’inconscient nouée à l’imaginaire collectif, il constitue la perception et l’équivoque du message du masque pour celui ou celle qui le porte.

En progressant vers l’élucidation, nous verrons si le masque perd son essence, car n’est-ce pas la présence d’un sens caché/montré/invisible qui fonde la notion même de masque ? Nous verrons comment cette question prend son sens au regard de la tension perpétuellement entretenue entre le masque et ses projections.

Le masque objet

Pour que le masque puisse devenir objet culturel, il faut d’abord qu’il réponde à une série de caractéristiques d’ordre anthropologique qui servent de truchement entre les individus, les valeurs et les croyances. C’est à dire que la création du masque naît du contact qu’il possède avec la réalité environnementale dans laquelle il se situe ; il devient la projection en quelque sorte d’une réappropriation du monde végétal, animal et cosmique qui l’entoure et qui donne du sens au message qu’il véhicule. Il doit donc être régi comme l’affirme Alain-Michel Boyer par des signes de cohésion et de cohérence, et pour que son apparition ait lieu : « il faut naturellement être au moins deux, il faut être en commun, dans une communauté. Ou, si l’on préfère : le masque. C’est le social pur, la société à sa source29 ».

Certes, en tant que social pur pendant les six semaines qui précèdent le Mercredi des Cendres et le Carême, Paris célèbre son carnaval grâce au masque. On peut voir dans la capitale parisienne un nombre mémorable de spectacles et de divertissements qui symbolise une connexion apparemment récréative entre la population. Comme le souligne Magda Ibrahim en mentionnant le carnaval du recueil de nouvelles d’Histoires de masques : « Toute l’ambiance des bals masqués y est en effet restaurée : le déguisement, la gaieté, le divertissement, les jeux, le libertinage… presque toute l’artillerie du masque, à la mode, y est aussi présente30 ». Si tous les composant festifs du carnaval sont bien présents, il convient toutefois de remarquer, que le masque de la fin de siècle que Jean Lorrain met en avant diffère notablement de celui du Paris de la Monarchie de Juillet et du Second Empire qui était connu dans toute l’Europe, et auquel on venait se joindre sans crainte et avec allégresse grâce à la mise en vigueur de lois31 de sécurité nocturne :

Paris s’offre à lui-même une fois par an. Mais refusant sans doute la démultiplication spontanée des sources de confusion, les hommes de la Préfecture de police parent au plus pressé en interdisant que ces masques soient portés dans les rues pendant la nuit, qui à elle seule suffit à rendre les visages indéchiffrables.32

Si une des caractéristiques et succès du carnaval de la Monarchie de Juillet et du Second Empire semblait reposer sur de strictes mesures mises en place pour la convenance de la population de Paris, dans le carnaval du Paris de la fin de siècle, elles semblent, par contre, s’être volatilisées en décomposant le principe même du climat de confiance qui jadis était instauré :

Si le bal masqué constitue un inévitable exutoire, la dissociation de l’être et du paraître ne doit pas se perpétuer sur la voie publique nocturne, où la mascarade pourrait, en toute impunité, sur le mode vénitien, voiler une vengeance personnelle, voire un crime sanglant.33

Outre le masque que l’on peut rencontrer à Paris ou la banlieue dans Histoires de masques qui sont selon Michel Schneider « un recueil d’histoires de luxure, d’instantanés de terreur et de contes fantastiques qu’aurait dû illustrer James Ensor »34, Jean Lorrain expose une autre projection du masque dans Le crime des riches qui se déroule dans la Riviera lorsque lui-même35, excédé de la vie parisienne quitta Paris pour s’installer là-bas jusqu’à la fin de ses jours. De même que, nous pouvions observer que la confrontation des limites géographiques qui existe entre Paris et la banlieue reste surtout symbolique, il met en scène une nouvelle version du masque à Nice qui semble aller dans le sens contraire. D’une part, par rapport à l’espace d’opposition de la capitale et de la province, d’autre part, parce que le Paris de la fin de siècle se montre semblable à un décor hostile non seulement, par rapport aux paysages paisibles de la Côte d’Azur mais surtout, parce qu’il y pullule de nombreux faits divers qui relatent les dangers du masque dans la capitale parisienne :

Cette affaire, qui passionna un mois tout Paris, fut finalement classée parmi les basses vengeances et les crimes anonymes de la pègre amoureuse et demeura la plus belle histoire de masques d’une soirée consacrée à parler des méprises, surprises et emprises de déguisements.36

En fait, le Paris de la fin de siècle fait l’objet d’un répertoire garni en vengeances et crimes anonymes à cause du masque, il devient un endroit dangereux car le masque se montre désormais en dehors du carnaval, il est présent à chaque instant de la nuit, il a envahi l’espace géographique. Sans les restrictions émises pour le porter ou l’enlever parmi les autres, il devient donc le prétexte idéal pour commettre un ignoble méfait et sortir indemne d’une vilaine affaire :

C’est enlinceulé dans une longue blouse bleue de laitier, une Desfoux enfoncée jusqu’aux oreilles […] que surgit […] l’anonyme et hideux homme des berges. […] D’où vient-il, que fait-il ? Il est anonyme, inconnu et cependant partout : c’est l’éternel danger des promenades suburbaines ! […] C’est un fauve ! Il s’excite au meurtre […]37

Cet engouement du masque pour ainsi dire explique les conséquences à venir, et les brusques changements de l’élite dominante qui choisit dès lors, le Carnaval de Nice38 au lieu de celui du Paris de la fin de siècle jugé trop menaçant pour se complaire avec la projection du masque du grand mardi gras. Nice devient donc, après Paris le nouveau point de rencontre de la haute aristocratie européenne et de la grande bourgeoisie.

Dans ce changement de décor pourtant, là où l’on envisageait un certain revirement au calme du masque, Jean Lorrain nous signale un déplacement du masque de la Riviera qui s’avère être contradictoire à celui de Paris et de la banlieue dans les agissements des personnages qui appartiennent à l’élite dominante quand ils cherchent à se camoufler parmi la multitude pour arriver à des fins quelque peu douteuses. Bien plus qu’une mascarade, le masque agit comme un jeu de camouflage des classes sociales, un divertissement où le masque leur permet un brassage fictif des classes pour assouvir des désirs sexuels inconfessables. C’est le cas de la duchesse d’Eberstein-Asmidof dans « Âme de femme » qui utilise un masque « hermétiquement clos » rabattu sur un loup de satin jaune pour aller à la recherche de son jeune amant américain Thomas Berret qui est un coureur et un joueur :

Un dimanche de Carnaval, où elle s’était risquée sous le loup dans les rues de Cannes et s’était mêlée au corso populaire, en quête, on le voulait…, d’émotions anonymes, elle aurait été reconnue et démasquée par les pêcheurs.39

Comme elle pense qu’il la trompe avec une autre, elle rôde de manière indiscrète

Engoncée de soie roide, la taille volontairement volumineuse… et méconnaissable sous les plis d’un domino ample, [elle] le masque dévisageait obstinément tous les hommes et d’un œil de policier fouillait les recoins de la salle et des couloirs. […] [parmi] les consommateurs de buffet, les flirteurs du foyer et les danseurs du bal. 40

À la suite d’une chasse poursuite dans cette foule anonyme elle croise un couple de dominos, un jeune homme et une femme. Comme elle pense qu’il s’agit de lui, elle leur arrache leurs loups pour le démasquer et se rend compte qu’elle s’est trompée. Son acte irraisonné réveille « un tolle général [car la foule hue] l’incorrection du domino jonquille »41 et de la même manière que la marquise avait agi avec les deux dominos, la foule essaye à son tour de la démasquer en lui enlevant le masque car elle croit qu’il s’agit d’un homme : « Démasquez-le, démasquez-le, braillaient les voix devenues peuple, c’est un homme ! »42. À travers le geste équivoque de la marquise, Jean Lorrain signale comment l’ambiguïté du masque objet est perçue par les autres et comment il est codifié par son absence de sens. En effet, si au début de sa recherche, même s’il est anonyme, l’identité de la marquise semblait évidente par les propos qu’elle reçoit : « Madame est riche. – N’ôte pas ton masque ! Comme tu regardes les hommes, matin ! […] Laissez donc, madame en guette en petit de son âge »43, c’est à partir d’une certaine gestualité qu’il va acquérir une autre signification. En effet, par rapport au masque objet le geste possède une connotation universelle qui est facile à déchiffrer car il se situe dans un contexte particulier où l’action qui a lieu définit un contenu, voire une identité sexuée. À côté du masque anonyme, le geste tend donc vers une décodification imminente car toute action a un sens in situ. En fait, Jean Lorrain dans ce récit rend manifeste que la vision gestuelle l’emporte sur celle du masque objet, c’est à dire qu’elle va définir le masque à son insu en indiquant sa propre valeur interprétative indépendamment de l’autre. C’est pourquoi lorsque la marquise leur arrache soudainement le masque, la violence du geste suggère dans l’immédiat une autre interprétation du masque qui pourrait être plus facilement assignable à une gestuelle masculine de par son impulsivité qu’à un comportement féminin. Cette idée de rôle vient d’ailleurs renforcée par une scène antérieure au geste lorsque « le domino jonquille [la marquise] rodait inquisiteur, en arrêt devant tous les groupes […] »44 en adoptant une attitude qui évoque de façon détournée un des traits essentiels chez un chasseur quand il guette sa proie inlassablement jusqu’à la capturer. À travers le masque objet Jean Lorrain dénonce comment la gestuelle conditionne les préjugés de l’individu qui sont assujettis à un décodage social qui va à l’encontre des différences des sexes et de la représentation du masque. En ce sens, la marquise perd doublement son identité car si le port du masque objet estompe son identité en premier lieu en protégeant sa réputation, l’interprétation sociale de son geste, quant à elle, va la rendre masculine.

Si le geste désigne une activité corporelle d’une personne manifestant un système de signification, on le retrouve également en désaccord avec l’interprétation du masque objet dans le récit de « Chez l’une d’elles ». Le récit débute avec l’histoire de Maxime Danfre qui raconte sa rencontre particulière avec un masque ambigu qui se manifeste d’abord par l’aspect vestimentaire du personnage anonyme qui est

enveloppé d’une pelisse de petit-gris, un châle de laine blanche rabattu sur les yeux […] les jambes nues grelottantes dans un maillot chair et les pieds chaussés de cothurnes »45.

Si de prime abord, Maxime Danfre le catégorise comme un masque masculin quand il le décrit « Je m’approchai du travesti, il ne sursauta pas ; ni recul ni frayeur », et par la suite, il inverse le genre du masque en disant « vous êtes souffrante », on remarque que ce brusque changement de genre peut s’attribuer au fait, que c’est au moment même où le narrateur s’approche du corps du masque objet qu’il choisit spontanément de le féminiser comme si le corps lui avait exprimé un autre langage et lui avait fourni des renseignements complémentaires sur le masque. À nouveau, devant la frontière de l’indicible du masque objet Lorrain nous montre encore une fois combien le corporel peut faire basculer l’anonymat du personnage quand « le masque prit simplement mon bras et se mit à sautiller dans la neige, essayant de régler son pas sur le mien »46, car c’est à partir de là, que le jugement du narrateur va renforcer le genre du masque en lui accordant en toute sûreté que « c’était une fille. Au bout de dix minutes, je n’avais plus de doute. »47. Toutefois, de la même manière que le masque de la marquise avait été interprété du féminin au masculin par la foule, Lorrain renverse encore ces a priori du masque objet qui sont étroitement liés au geste et langage corporel car ils agissent aussi comme corollaire du masque objet en mettant en relief leur ambiguïté sexuelle. C’est pourquoi, si dans la mise en scène, les détails faisaient penser à un masque féminin, grande est la surprise de Maxime Danfre quand le masque lui dit : « Entre donc, va ! il n’y a pas de danger, c’est moi le garçon de l’hôtel ».48

Ce brouillage d’identité qui représente une des fonctions principales du masque investit aussi dans ces cas-là, celle de la métamorphose et du travestissement qui permet

d’errer, toute la nuit, libre sous le masque, coudoyer, frôler, avec la certitude de n’être jamais reconnue, toutes les luxures, tous les vices qu’on soupçonne et tous ceux qu’on ne soupçonne pas.49

Ainsi, de la même façon que le masque objet apparaît comme une allégorie du rapport au monde – une rencontre avec l’altérité50 face à laquelle l’homme et la femme ne peuvent se soustraire – Jean Lorrain, le fait défiler semblable également à une personnification de l’homosexualité sous-jacente dans « L’un deux ».

Si nous sommes une nouvelle fois devant l’identité confondue du masque objet que l’on distingue dans « Âme de femme » et « Chez l’une d’elles » où les personnages sont mal perçus à cause de leurs gestes, dans « L’un deux », Jean Lorrain a recours à la réification du masque qui était déjà présente dans « Chez l’une d’elles » pour exalter son caractère anthropomorphique. Plus radicalement encore, Jean Lorrain confère au masque une attribution matérielle qui se démarque de sa fonction première en lui enlevant tout indice identitaire, toute personnification qui sont intimement liés au masque. Dans cette perspective d’effacement total du personnage, l’identité fournie que Jean Lorrain expose cesse d’exister dès que l’homme en femme n’exprime plus ce qu’il doit être car il s’en tient à des actions « le masque s’arrêtait… […] il tenait à la main une large fleur de nénuphar, […] le masque était là accoudé, […] le masque descendit »51. Bien plus qu’un personnage incertain, en le convertissant en un masque actant Jean Lorrain manifeste cet entre-deux indéfinissable.

Bref, Jean Lorrain, par le travestissement et le carnaval montre comment le masque s’approprie les deux sexes et permet l’émergence d’une personnification infinie où les limites n’existent pas. Ce faisant, le masque objet lorrainien procède, entre autres à un désamorçage des clichés littéraires quand il s’ingénie à dévoiler que le carcan du masque objet est susceptible de disparaître quand il projette une possibilité esthétique de la nature cachée du masque dans ce qu’elle a d’essentiel.

Le masque du faux-semblant

À bien des égards, le masque de la fin de siècle laisse affleurer une relation inconsciente des conséquences léguées par la défaite de la guerre franco-prussienne et l’épisode sanglant de la Commune en 1871 qui sont représentées entre la banlieue et la ville, entre un pays et un « supposé » ailleurs sans frontière. En fait, le masque fin de siècle configure cette rencontre hasardeuse du passé en même temps qu’il la nie, il devient un motif idéal de la thématique décadente « sans visage propre [qui] s’accomplit dans la recherche du passé »52. C’est ainsi qu’au-delà des gens qui s’amusent, Lorrain décrit la transgression de la sociabilité mondaine qui est sous-jacente à Paris car « c’est surtout l’esprit qui se revêt d’un masque »53. À bien des égards comme l’explique Johanna Foulet :

Le masque est là pour pallier toutes ces frustrations dont les hommes sont victimes. La catharsis carnavalesque est le rejet des passions, des rancœurs, des souffrances accumulées et refoulées pendant toute l’année en une purgation salutaire. La capitale assiste avec plaisir à la purgation, elle utilise le masque dans les bals, elle souhaite s’évader de la monotonie et de la tristesse. La vogue des bals masqués est peut-être là pour pallier le spleen, le tædium vitae54.

Dans cette bipolarité du présent/passé Lorrain s’emploie à montrer ce néant causé par la modernité quand il substitue au vide, le masque qui engage un tissu fait d’images et de figures55, celles-ci beaucoup plus inquiétantes que le masque objet lui-même :

Fou de terreur, j’arrachai la cagoule du masque assis dans la stalle voisine : le capuchon de velours vert était vide, vide le capuchon des autres masques assis le long des murs. Tous avaient des faces d’ombre, tous étaient du néant. […] Et si moi aussi j’étais semblable à eux, si moi aussi j’avais cessé d’exister, et si sous mon masque il n’y avait rien, rien que du néant ! […] je poussai un grand cri, car il n’y avait rien sous le masque de toile argentée, rien dans l’ovale du capuchon, que le creux de l’étoffe arrondi sur le vide : j’étais mort et je…56.

Assurément, cet extrait intitulé « Les Trous du masque », récit phare de l’œuvre d’Histoires de masques résume bien l’ampleur conceptuelle et imaginaire que l’auteur manifeste vis-à-vis du masque car ce qu’il montre peut-être à la fois duel et confus en tant qu’objet, mais aussi devenir indéfinissable et invisible car il échappe à la connaissance logique en explorant le champ des possibles. À cet effet, les images du masque escamotent le réel de l’objet en désignant la confusion, le renversement de la logique des actions du personnage. Il devient par conséquent, le meilleur intermédiaire pour investir le récit de phénomènes inexplicables dont regorge la littérature fantastique et le récit de « L’un deux » : « Ce déguisé pour moi, est demeuré le masque, le masque-type, symbole vivant d’un mystère innomé et d’une énigme pressentie57 ».

À partir de cette confusion, le masque dispose donc d’un répertoire infini pour être représenter, comme « le fait de sortir de la capitale […] est en lui-même une manière de basculer dans l’étrangeté, hors des limites géographiques, comme des bornes morales58 ». À cette fin, Lorrain reproduit cet envers géographique quand il fait ressortir les « limites réelles et symboliques de Paris »59 car, selon José Santos, « la banlieue, domaine où se réalisent tous les excès, devient le décor idéal du cauchemar moderne, métaphore intéressante, car nous sommes toujours dans le rêve60 ». À travers la fantasmagorie destructive de ces deux évènements qui demeurent relativement proches historiquement, la soi-disant modernité affiche une mystification où les limites s’estompent car

La Banlieue est le lieu de la Modernité, ne serait-ce que par l’expérience qu’on y fait de l’excès, du malaise, de son propre Devenir ou de l’Autre qui surgit en soi61.

Ainsi, la banlieue qui investit une autre forme d’altérité et de discordance dissimulée par le port du masque du faux-semblant devient paradoxalement son miroir négatif par rapport à l’espace et le décor parisien car elle représente un arrière-plan de l’univers qui est semblable à un grand ouvrage à déchiffrer. Se posant comme un lieu matriciel, la banlieue permet d’incarner le masque intérieur ainsi qu’à imager la vacuité du masque qui se chosifie :

Pourquoi pas du vide et du néant sous ces vastes blouses de pierrot drapées à la façon de suaires sur des angles aigus de tibias et d’humérus ? Cette humanité, qui se cache pour se mêler à la foule, n’est-elle pas déjà hors la nature et hors la loi62 ?

En fait, Lorrain envisage un masque qui n’est pas fait de signes préétablis, qui n’a pas de signification définie excepté le message insondable qui laisse échapper un grand désarroi optique et mental :

Je ne reconnaissais plus mon homme, comme grandi dans cette gaine de soie vert pâle, qui l’amincissait encore, et le visage reculé derrière un masque métallique, sous ce capuchon de velours sombre. Ce n’était plus un être humain, qui ondulait, mais la chose horrible et sans nom ; la chose d’épouvante, dont la présence invisible empoisonnait mes nuits de la rue Saint-Guillaume, avait pris forme et vivait dans la réalité. […] elle échangeait avec lui sous le masque un indicible et complice regard et voilà que l’autre, comme pris de folie, s’écroulait sur sa chaise, se couchait à plat ventre sur le parquet cherchant à étreindre la robe entre ses bras, il roulait sa tête dans les plis, balbutiant d’inintelligibles paroles, l’écume aux dents et les yeux révulsés63.

Outre l’angoisse qui se rattache à ce passage, en provoquant la perte du repère visuel le masque communie avec ce que le néant de la modernité projette d’abject et de si controversé car il se manifeste comme une espèce d’égrégore qui aspire l’âme de celui ou celle qui le porte. Il le possède manifestement en l’absorbant dans ce qu’il y a de plus terrifiant : la perte du libre-arbitre provoquée par une altération de la conscience. Comme symbole hallucinatoire, il met en relief l’envers d’une société vouée à la contradiction d’une âme rendue liquide :

Horreur ! c’est un masque de verre, un masque hermétique sans yeux et sans bouche, et ce masque est rempli jusqu’aux bords d’éther, de liquide-poison la voici qui se penche sur l’être, là, sans défense, offert, inanimé, lui applique le masque sur la face, l’y noue solidement avec un foulard rouge, et comme un rire lui secoue les épaules sous son capuchon de velours sombre64.

Dans cet épisode qui pourrait bien provenir d’une expérience vécue par le propre Lorrain dont on ne peut ignorer qu’il était lui-même un éthéromane de notoriété publique, on observe combien cette drogue provoque des effets dévastateurs pour celui ou celle qui le consomme car ils sont sous l’emprise d’une réalité pseudo-démentielle. En revanche, l’éther constitue une variante du masque, d’une part parce qu’il se trouve caché derrière le masque objet ; ensuite, parce que son utilisation incite au brouillage de la réalité perçue comme telle. Loin des aspects médicaux de cette drogue, Lorrain montre que pour combler le spleen ambiant la prise de l’éther à la fin de siècle va de pair avec les fins récréatives du masque du faux-semblant.

Dès lors il n’est pas étonnant que Lorrain fasse figurer le caractère insondable et indéfini du masque pour mettre en scène que la relation d’intimité entre personnage et objet ne peut laisser présager que l’inéluctable crise d’une hybridité indéfinissable qui demeure hors de toute prise, hors de tout contrôle. Ainsi, l’altérité qui est l’autre forme de discordance dissimulée par le symbole du masque allie une conception de l’image qui se réfléchit sur elle-même en se transformant en une forme, puis renvoie à une dépendance de l’image par rapport au personnage qui se chosifie lorsqu’il finit par incarner un masque peu avouable qui trompe le regard des autres :

Le mystère attirant et répulsif du masque, qui pourra jamais en donner la technique, en expliquer les motifs et démontrer logiquement l’impérieux besoin auquel cèdent, à des jours déterminés, certains êtres, de se grimer, de se déguiser, de changer leur identité, de cesser d’être ce qu’ils sont en un mot, de s’évader d’eux-mêmes ? […] Le masque, c’est la face trouble et troublante de l’inconnu, c’est le sourire du mensonge. C’est l’âme même de la perversité qui sait corrompre en terrifiant ; c’est la luxure pimentée de la peur, l’angoissant et délicieux aléa de ce défi jeté à la curiosité des sens « Est-elle laide ? est-il beau ? est-il jeune ? est-elle vieille  ?65 »

Dans certains cas, la réflexivité du masque du faux-semblant renvoie à un type de fantasmagorie dont il ne peut se soustraire car il interroge des catégories précises à travers lesquelles la configuration, les contours et les formes interchangeables semblent redéfinir l’imaginaire lorrainien car il exploite des stratégies de dissimulation et de subversion qui sont le reflet de l’ensemble des « ignobles déchaînements d’instincts66 » de la fin de siècle :

Mon masque était là ; là, dans cette grande salle banale et solitaire où il n’y avait que lui et moi. […] je vis qu’il était absorbé dans la contemplation de ses jambes […] Tandis que sa jambe droite était haut gantée d’un bas de femme […] l’autre pied avait une chaussette d’homme, […] si bien qu’il était double, ce masque, et joignait au charme terrifiant de sa face de goule le trouble équivoque d’un sexe incertain67.

En tant qu’auxiliaire de l’altérité, le masque est le medium qui se porte ou se manipule en renversant un série d’idées reçues car quelle que soit sa projection, il demeure prisonnier de l’expression du mensonge car « le visage humain lui-même, […] [est] figé d’hypocrisie, masqué de dissimulation […]68 ».

Outre la matière temporelle de celui ou celle qui s’en pare, le masque correspond de manière irrévocable pour Lorrain au travestissement du vice de la fin de siècle ; il exalte le désir de celui ou celle qui le porte à travers un modèle imprégné d’une esthétique décadente qui s’identifie davantage avec l’artifice et le leurre du maquillage :

Pauvre belle ! le bleuissement des paupières et les lèvres touchées de fard trahissaient encore le désir de plaire, la volonté d’une survie surtout ; mais stérile effort, cette beauté obstinée sombrait dans l’engorgement de la lymphe […] cette pauvre face de coquette acharnée verdissait sous la poudre et devenait un masque69.

Dans cet extrait qui caractérise la figure de la demi-mondaine si brimée dans la société de la fin de siècle, Lorrain expose un maquillage qui devient un masque stigmatisé car il dissimule ou nuance la réalité humaine au profit d’une représentation superficielle bien plus grotesque, celle de vouloir toujours plaire à n’importe quel prix « quand les visages des femmes émaillés et fardés arrivent à ressembler à des masques70 ». En désirant paraître ce qu’elle n’est plus, la femme mondaine se convertit à son insu en masque du faux-semblant.

Certes, en recoupant ces considérations, on peut envisager le masque comme le processus permanent du masque objet vers une représentation qui se transforme en oscillant entre deux extrémités qui restent ouvertes pour elles-mêmes à deux possibilités de construction du sujet et de l’image, du sujet et de la connaissance. Il invite ainsi à rejoindre les rives de l’entre-deux où les formes ne sont jamais fixes, et parfois rivées à une métaphore animale :

Elle-même [la mère Alfred, la marchande d’oublies] avait terriblement changé, terriblement vieilli, et un inquiétant profil d’oiseau de proie avait surgi de cette face autrefois poupine et mielleuse. Ce profil au nez insignifiant s’était soudain recourbé en bec, les narines s’étaient pincées comme celles d’une morte, la bouche était devenue amère, presque ricanant ; et tout ce masque de vieille chouette s’aggravait maintenant de cet éternel bandeau noir71.

Par l’apparition de la marchande d’oublies convertie en animal, Lorrain72 montre les mauvais penchants du masque objet qui se meut aux confins d’une projection contradictoire manifestée dans le faux triomphe qu’incarne le progrès moderne qui montre « […] un Moi fissuré, divisé, étranger à lui-même et au monde, allant de pair […] avec un retour aux sources primaires, à l’animal […] »73

À travers cette association de l’image du masque et de la chouette74, Lorrain fait remarquer combien le visage zoomorphisée entraîne surtout des caractérisations tragiques et altérées des personnages car ils sont atteints d’une laideur délétère dont ils ne peuvent se soustraire. L’inutilité du masque objet les renvoie vers un paradoxe extrême du masque qui transcende l’objet lui-même. À cet effet, Joël Delançon explique que pour Lorrain : « L’humanité se dégrade en métaphores animales qui ne disent pas seulement la haine définitive de l’esthète contre son espèce, mais qui aboutissent à des créations difformes, hybride et mutantes75 ».

D’autres fois, de façon plus implacable encore et au même titre que le maquillage qui a pour but de couvrir le visage, Lorrain signale un autre masque du faux-semblant qui fait référence au pathos qui se dissimule dans la société car le masque désigne notamment « à s’y méprendre le visage humain76 ».

En effet, la description du narrateur rappelle celle de nombreux malades atteints de la petite vérole :

[…] Mais quel visage ! Yeux jambonnés sans cils, lèvres en bourrelets épaisses et saignantes, joues d’un rose de cicatrise et, chose hideuse, pas de nez77.

Malgré ce spectacle où le masque reflète des traits déformés au point d’être méconnaissables à eux-mêmes, le toucher devient un élément capital pour que le narrateur puisse reconnaître qu’il s’agit d’un « vrai » masque humain et non pas d’une vision difforme du masque objet. Par l’ambivalence de la représentation, le narrateur n’acquiert donc la connaissance du pathos qu’au contact du masque qui devient dans ce cas un symptôme. Ce type de masque du faux-semblant qui est perçu comme un symbole de l’envers monstrueux du personnage car il subit une transformation physique provoquée par la maladie répond chez l’autre à la peur de l’inconnu, à la mort dans le réel, à une fin relative de l’imaginaire devant un spectacle morbide provoqué par un stimulus extérieur.

Conclusion

Lorrain brode une série de masques qui rappelons-le, sont, avant tout, une matérialisation du « je » protéiforme, un « je » en perpétuelle mutation qui caractérise les conséquences des mœurs outrancières de la société contemporaine. Sous les formes les plus diverses, les personnages deviennent les proies inconscientes de cet objet la plupart du temps indéfinissable car le masque apparaît comme un symbole du mensonge, de l’apparence, de la perversité sexuelle, de l’addiction secrète et criminelle de substances toxiques, en définitive, il personnifie l’ensemble des maladies de l’âme et du corps d’un tout un chacun à la fin de siècle.

À travers le masque de ses personnages, c’est surtout à sa propre obsession78 en tant qu’écrivain qu’on a affaire. En fait, le masque constitue un motif récurrent qui parcourt son œuvre entière et comme le souligne Jean-Luc Cachia

L’obsession devient alors un instrument ; le masque moyen de connaissance. L’œuvre de Lorrain n’est à la recherche d’aucun centre, elle se situe à la surface79.

Il ne semble pas étonnant alors de remarquer que Lorrain fasse voler en éclats une série d’idées reçues parce que devant le masque objet qui a perdu toute sa représentation festive, il fait émerger une représentation antagonique du masque qui fonctionne comme un leitmotiv révélateur du trouble pulsionnel qu’il manifeste vis-à-vis du faux-semblant difficilement compatible avec la complexité du moi.

Tout porte à croire par conséquent que Lorrain rapproche une dynamique du masque objet et du masque du faux-semblant à un symptôme littéraire de la crise existentielle que traverse la fin de siècle, d’abord en tant que décadent car il se montre antimoderne et redevable d’une nostalgie du passé. L’écriture du masque lui permet donc d’incarner le contre-courant de son époque quand il le fait intervenir dans un élan contradictoire dans son récit, tantôt lorsqu’il le figure comme objet et sa représentation, tantôt lorsqu’il l’opacifie en le rendant impénétrable et mystérieux. Enclin à tous les débordements, pour Lorrain « tout80 » devient masque et est susceptible de le devenir à son tour. En définitive, on peut découvrir que le masque de Lorrain s’assimile surtout à l’inconscient car il « est toujours représenté sous un aspect ténébreux, louche ou aveugle81». En démasquant les autres, c’est surtout lui-même qui se met à découvert.

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  1. Sénèque : « De la clémence » in Œuvres complètes, Paris, Chez Firmin Didot, [s. ns], 1877, livre I, p. 330.↩︎

  2. À la fin de siècle, le terme masque s’interprète de façons diverses : de l’objet en carton, en soie ou en plâtre, aux portraits littéraires, à l’ambiguïté représentative d’un personnage, entre autres.↩︎

  3. À ce propos, Lorrain écrit dans le récit de Trio de masques : « Le masque m’a toujours impressionné, halluciné ; l’obsession qu’il exerce sur moi tourne même au malaise ». J. Lorrain : Histoires de Masques, Paris, Ollendorff, 1900, 94.↩︎

  4. Les « Contes d’un buveur d’éther » font partie de la quatrième section des chroniques de Sensations et Souvenirs publié en 1895.↩︎

  5. Gustave Coquiot explique que : « Les masques, oui, ils sont les passants de la nuit, les geindres et les grinches du noir ; ils épouvantent quand ils débusquent brusquement sur vous, […] Histoires de masques, histoires donc logiquement d’effroi, de perversité et de macabre. ». J. Lorrain, Histoires de Masques, op.cit. : préface VI.↩︎

  6. On retrouve également la présence du masque, dans le chapitre intitulé « Masques dans la tapisserie » du recueil de contes de Princesses d’Ivoire et d’Ivresse (1902), mais aussi dans le roman Le vice errant (1902), les « Masques de Londres et d’ailleurs ».↩︎

  7. Par rapport à un portrait que León Daudet a réalisé de lui, Jean Lorrain dit à Georges Normandy : « Mon masque est plus abject, mes tares physiques sont assurément plus marquées et plus expressives encore…Voyons, regardez-moi bien, sans complaisance amicale. Ne suis-je pas fait pour donner excuse à toutes les charges ? ». P. Jullian : Jean Lorrain ou le Satiricon 1900. Paris, Fayard, 1974 : 167.↩︎

  8. On se réfère à la Commedia dell’arte, notamment à la figure de Pierrot.↩︎

  9. C. Grivel : « Lorrain, l’air du faux » in Jean Lorrain : vices en écritures dans Revue des Sciences Humaines, nº230/avril – juin 1993 : 81.↩︎

  10. W. McLendon : « La signification du masque chez Jean Lorrain » in Nineteenth-

    Century French Studies, vol. VII, nº 1 et 2 (automne-hiver 1978–1979) : 108.↩︎

  11. En effet, « il s’agit d’un des premiers signes de civilisation, scellant la naissance

    d’une culture ». F. Paraboschi. Troubles visionnaires, regards impitoyables. Masques et masquages chez Jean Lorrain, Milan, Mimesis, 2015 : 29.↩︎

  12. J. de Palacio & É. Walbecq : Jean Lorrain, produit d’extrême civilisation, Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2009 : 38.↩︎

  13. Dans les « Contes d’un buveur d’éther », Jean Lorrain consigne l’essentiel de son expérience toxicomane.↩︎

  14. « La morphinomanie est le paradigme des appétences morbides non alcooliques. C’est à partir de ce modèle que l’on relit la consommation d’opium et d’éther ou que l’on décrypte l’usage de nouvelles substances comme la cocaïne ou l’héroïne, avant de fédérer toutes ces manies toxiques en un seul terme : la toxicomanie ». J-J. Yvorel, : « La morphinée : une femme dominée par son corps ». In Communications nº56, 1993 : 105.↩︎

  15. Voir au sujet de la toxicomanie à la fin de siècle, l’ouvrage de J-J. Yvorel Les poisons de l’esprit, Paris, quai Voltaire, 1992.↩︎

  16. A. Mortier : Les Soirées parisiennes, Paris, Dentu, 1877, préface. x. Henry Becque.↩︎

  17. « La critique a souvent mis cette structure en relation avec la prédilection de Jean Lorrain pour les jeux de masques et sa tendance à projeter une image de soi à travers ses personnages » : M. Simard-Houde « Fiction de la chronique chez Jean Lorrain » in Interférences littéraires, 2011 : 89.↩︎

  18. Dans ses « Pall-mal », Lorrain écrivait « sous les pseudonymes les plus divers, Mimosa, Arlequine, Bruscambille, Stendhalette, La Botte, Francine, Raitif… Jean Lorrain joue de tous les travestissements pour se poser en arbitre

    des prétentions Artistiques de son temps ». S. Paré, « Les avatars du Littéraire chez Jean Lorrain ». In Loxias, 2007, nº 18.↩︎

  19. P. Kyria : Jean Lorrain, Paris, Seghers, 1973 : 99.↩︎

  20. H. Zinck écrit qu’ « au regard des auteurs décadents, l’humanité est irrémédiablement corrompue par des siècles de tares héréditaires qui minent les forces régénératrices. Désabusés, rejetant toute idée de progrès scientifique, ils constatent les multiples dépravations de leurs contemporains dans un monde qui part à vau-l’eau. […] La société cherche à dissimuler ses instincts, son abjection sous le masque policé de la culture et de la civilité. Mais chez Lorrain, le subterfuge, au lieu de couper du réel, de nier l’état de nature, rend celui-ci encore plus cruellement visible. » Voir la préface de Monsieur de Phocas, Paris, Flammarion, 2001 : 19–20.↩︎

  21. E. Gaubert : Jean Lorrain, Paris, Sansot, 1905 : 30.↩︎

  22. À propos du roman à clefs, G. Ducrey mentionne pourtant les risques potentiels de ce sous-genre romanesque, car il explique qu’ : « à vouloir mettre des masques plus ou moins transparents sur des personnages réels, on risque de n’intéresser qu’un public restreint : celui, précisément, que l’on cherche à brocarder et qui tentera de se reconnaître là. Le roman à clefs exige donc de l’écrivain un art subtil du compromis : inscrire, d’une part, les personnages à reconnaître dans une intrigue suffisamment générale et palpitante pour permettre au public « innocent » (celui pour qui les clefs ne signifient rien) de goûter sa lecture ; mais, d’autre part, garantir aux initiés leur plaisir propre de reconnaissance amusée. » G. Ducrey : Roman fin-de-siècle [Anthologie], Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1999 : 849.↩︎

  23. P. Jullian : Jean Lorrain ou le Satiricon 1900, op.cit. : 190.↩︎

  24. G. Ponnau : « Jean Lorrain, écrivain du masque et de la névrose » in La Folie dans la littérature fantastique, Paris, Editions du Centre National de la Recherche Scientifique, 1987 : 273.↩︎

  25. Voir le dictionnaire du CNRTL où l’acception du substantif masque au féminin provient du « radical préroman maska « noir » est à l’origine de deux groupes de mots : a) un type masca signifiant « masque » en latin tardif, mais surtout « sorcière » ou « spectre, démon » représenté en lat. médiévale. […] En ancien provençal, les notions de « noir » et de « sorcier, démon » étant étroitement associées dans l’imagination populaire » renvoie également au masque. En ligne : https://www.cnrtl.fr/definition/dictionnaire, consulté le 28 mars 2023.↩︎

  26. À ce propos, Lorrain écrit « Ces fêtes, si mornes de l’ennui universel formé de

    tant d’ennuis individuels, où ces gens croient encore aux aventures de bal masqué. » G. Normandy : Jean Lorrain, son enfance, sa vie, son œuvre. Paris, Bibliothèque Générale d’édition, 1907 : 264.↩︎

  27. P. Puymirat : « Le masque : de l’identification au sinthome ». In : Pragmatique, Mai., 2010. En ligne : https://www.lacan-universite.fr/pragmatique/ (consulté le 28 mars 2023).↩︎

  28. En effet, en plus du masque qui couvre le visage il est presque toujours accompagné d’un costume ou déguisement qui camoufle le corps (domino, loup, etc.)↩︎

  29. A.-M. Boyer : « Je est un autre » in Michel Butor, Alain-Michel Boyer, Floriane Morin, L’homme et les masques, chefs-d’œuvre des musées Barbier-Mueller, Genève et Barcelone, Genève, Hazan 2005 : 18.↩︎

  30. M. Ibrahim : La névrose de Jean Lorrain dans Histoires de masques, Paris, L’Harmattan, 2012 : 58.↩︎

  31. En effet, « les ordonnances, inlassablement répétées de la Restauration à la fin du Second Empire, défendent donc aux Parisiens de paraître masqués sur la voie publique pendant le carnaval entre 6 h du soir et 10 h du matin ». S. Delattre : Les douze Heures noires : La nuit à Paris au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 2000 : 175.↩︎

  32. Ibid. : 175↩︎

  33. Idem.↩︎

  34. M. Schneider : « Fantastique symboliste et décadent » in Histoire de la littérature fantastique en France, Paris, Fayard, 1985 : 301.↩︎

  35. En effet, de 1900 à 1906, il habitait à Nice dans la villa Bounin.↩︎

  36. J. Lorrain : Le crime des riches, Paris, Pierre Douville, 1905 : 266.↩︎

  37. J. Lorrain : Histoires de masques, op.cit. : 205–207.↩︎

  38. Le 20 février de 1873, le maire Auguste Raynaud émet un arrêté municipal de la ville de Nice qui règlemente le port du masque pendant le carnaval. Dans les articles 3, 4 et 5 on retrouve : « Toute personne masquée, déguisée ou travestie […] ne pourra porter ni bâtons, ni armes d’aucune espèce. […] « Il est défendu à toute personne masquée, déguisée ou travestie, d’insulter ou de provoquer qui que ce soit […] « Toute cavalcade de personnes masquées, déguisées ou travesties, dans les rues de la ville au Cours et les faubourgs devra cesser avant la chute du jour ». En ligne : https://www.monacomatin.mc/histoire/saviez-vous-que-le-carnaval-de-nice-celebrait-ses-150-ans-on-vous-raconte-son-histoire--825859 (consulté le 28 mars 2023). Ces mesures légales d’une certaine manière vont de pair avec la création d’un comité du Carnaval afin de promouvoir la ville de Nice et attirer les riches hivernants pour qu’ils viennent passer l’hiver dans la ville. Par ailleurs, elles instaurent un climat de sécurité semblable à celui qui était instauré lors de la Monarchie de Juillet et du Second Empire.↩︎

  39. J. Lorrain : Le crime des riches, op.cit. : 30↩︎

  40. J. Lorrain : Le crime des riches, op.cit. : 22.↩︎

  41. Ibid. : 25.↩︎

  42. Idem.↩︎

  43. Ibid. : 21.↩︎

  44. Ibid. : 22.↩︎

  45. J. Lorrain : Histoires de masques, op.cit. : 22.↩︎

  46. Ibid.: 23.↩︎

  47. Idem.↩︎

  48. Ibid.: 24.↩︎

  49. Ibid : 31.↩︎

  50. Comme l’explique J. Foulet : « il est aussi une expérience d’altérité, [où] l’homme peut devenir femme, la femme un homme. En prenant en compte ces considérations, on comprend mieux le goût des masques à cette époque où l’ambiguïté et un manque de repères dominent. ». J. Foulet : Le regard et le masque chez Jean Lorrain. Allemagne, Éditions universitaires européennes, 2014 : 17.↩︎

  51. J. Lorrain : Histoires de masques, op.cit.: 12–13.↩︎

  52. M-F. Melmoux : « Fin de siècle, « grand mardi gras de l’esprit » (sur Jean Lorrain) ». In : Romantismes, nº75, 1992 : 63.↩︎

  53. Ibid. : 63↩︎

  54. J. Foulet : Le regard et le masque chez Jean Lorrain, op.cit.  : 17.↩︎

  55. « Pour le visage, sont évoqués le maquillage, les éléments postiches (les faux nez, les faux mentons, les fausses barbes…), le masque en carton ou en cire… Pour le corps, sont évoqués les costumes tels les loups de satin, les cagoules de moines, les dominos, les vastes blouses de pierrot… » : Ibrahim : La névrose de Jean Lorrain dans Histoires de masques, op.cit. : 58.↩︎

  56. J. Lorrain : Histoires de Masques, op.cit.: 116–117.↩︎

  57. Ibid. : 7.↩︎

  58. J. Santos : L’art du récit court chez Jean Lorrain, Paris, Librairie Nizet, 1995 : 93.↩︎

  59. Ibid.: 91.↩︎

  60. Ibid.: 95.↩︎

  61. Idem. ↩︎

  62. J. Lorrain : Histoires de Masques, op.cit. : 4.↩︎

  63. Ibid. : 67–68.↩︎

  64. Ibid. : 70.↩︎

  65. J. Lorrain : Histoires de Masques, op.cit. : 3–5.↩︎

  66. Ibid.: 134.↩︎

  67. Ibid.: 10–11.↩︎

  68. J. Lorrain : Histoires de Masques, op.cit. : 135.↩︎

  69. Ibid. : 159–160.↩︎

  70. Ibid. : 93.↩︎

  71. Ibid. : 134.↩︎

  72. On retrouve le procédé d’animalisation du masque dans un des personnages de Monsieur de Phocas quand « Lord Ethal voit aussi des masques ; mieux, il dégage immédiatement le masque de tout visage humain. La ressemblance avec un animal est le premier caractère qui le frappe dans chaque être rencontré… […] ». J. Lorrain, Monsieur de Phocas, Paris, Paul Ollendorff, 1901 : 80.↩︎

  73. J. Santos : L’art du récit court chez Jean Lorrain, op.cit.: 96.↩︎

  74. Dans le récit intitulé Le masque, Lorrain raconte sa première expérience avec le masque qui l’a marqué durant son enfance, celle précisément de l’apparition de la femme au masque de chouette.↩︎

  75. J. Delançon : « Moreau contre Moro : La monstruosité picturale dans Monsieur de Phocas de Jean Lorrain » in La Licorne, nº35, 1995 : 118.↩︎

  76. J. Lorrain : Histoires de Masques, op.cit. : 44.↩︎

  77. Ibid. : 44.↩︎

  78. Cette obsession du masque est similaire à celle qu’on retrouve chez le personnage du M. de Phocas.↩︎

  79. J.-L. Cachia : « Jean Lorrain ou la Belle Époque travestie » in Europe, nº672, avril 1985 : 172.↩︎

  80. On se réfère au fard, au voile, aux artifices qui sont aussi des métaphores du masque.↩︎

  81. G. Durand : Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Dunod, 1992 : 101.↩︎