Verbum – Analecta Neolatina XXIV, 2023/1

ISSN 1588-4309; https://doi.org/10.59533/Verb.2023.24.1.5



Introduction

La deuxième variante de Tête d’or, celle qui a été écrite à la lumière de la conversion en 1886, porte les marques des lectures faites par l’auteur, au moment charnière dans l’évolution de sa pensée. Outre les animosités déclarées envers Ernest Renan et Hippolyte Taine, l’esprit de révolte tout comme les réminiscences des événements contemporains, évoquent l’enthousiasme que Claudel a consacré aux Illuminations. La lecture de Rimbaud rejoint les leçons du jansénisme que Claudel a tirées des Pensées de Blaise Pascal et de la tragédie de Racine. Les maîtres de Port-Royal ont notamment transmis à leurs disciples la vision sombre de l’humanité au sein de laquelle une place prépondérante est réservée aux vicissitudes du destin. Tête d’or reproduit le schéma du monologue racinien, outil spécialisé pour marquer le démantèlement du héros face à une fatalité inexorable.

Le jeune Claudel, récemment converti, recourt au narratif judéo-chrétien pour déjouer l’énigme de la prédestination. La Tête d’or s’appuie sur le symbole de l’arbre de la connaissance. Elle deviendra l’arbre de la croix qui, à la fin du drame, assiste au couronnement de la princesse devenue reine, symbole sublime des valeurs spirituelles dans lequel Claudel a toujours voulu voir une image de l’Eglise.

Tête d’or et les lectures formatrices de Claudel

Aux débuts de sa carrière, Paul Claudel est une entité impénétrable, insoumis quant à l’esprit prédominant de l’époque. Il dénonçait « le tétrasyllabe Taine-et-Renan1 » : celui-ci pourrait être interprété comme la locution expliquant le climat intellectuel à l’aboutissement du 19e siècle. « Durant les trente dernières années du 19e siècle, le tétrasyllabe Taine-et-Renan rendait dans la langue des lettres un son indivisible comme Tarn-et-Garonne. C’était le nom de deux maîtres, associés et complémentaires, d’une génération ; le nom d’une magistrature collégiale.2 » Tête d’Or3 est le texte qui reproduit l’état d’âme de l’auteur et, par analogie au guerrier, évoque l’esprit de la non-soumission.

En fait, le drame présente les avatars des êtres qui sont doués d’énergie, de sincérité et d’intuition inépuisables4. Ils sont capables de subsister face aux calamités universelles. La pièce s’ouvre sur une scène lugubre qui, par les détails extérieurs, rappelle les lieux où Claudel passa son enfance. Cébès5, un « homme nouveau devant les choses inconnues »6, relate une crise existentielle sous forme d’aveu qui rappelle le monologue de Jean Racine. La subtilité dont il a été capable trouve un écho sonore dans le discours grâce auquel le jeune homme se définit sous la voûte pluvieuse. « Dans sa faiblesse, dans son ignorance de lui-même, Cébès attend l’inconnu et interroge le ciel.7 » La scène connote le déluge du début des Illuminations8 : « Et je tourne ma face vers l’Année et l’arche pluvieuse, j’ai plein mon cœur d’ennui.9 » En plus, on voit à la fin du même soliloque l’indication précise de la catastrophe qu’évoquait Rimbaud, notamment celle de « la soirée pluvieuse »10. La référence précède les vers suivants : » Il aperçoit Simon. Eh !11 » Cébès voit brièvement Simon Agnel qui creuse la terre pour ensevelir sa compagne. Après l’enterrement, ils expriment leur détresse devant la vanité de la vie. Que la vie se définisse par « l’amour-propre et par l’orgueil et l’esprit de vanité »12, corroborés par l’absence du choix, entraînant l’homme à l’anéantissement13, c’est ce que l’auteur des Pensées soutient. Claudel, au moment charnière14, se référant à Pascal comme à son maître à penser, ne pouvait pas ignorer le pessimisme janséniste ni sa substance : la vision du vaste malheur imprévu. Afin de donner une clarté incisive au relief dramatique de Tête d’or, son auteur devait même aller au-delà de l’enseignement de Pascal et de ses maîtres, puisque : « Arnauld et Nicole se refusent à adopter les thèses pessimistes de Pascal.15 » Sans être au préalable imprégné de l’esprit pascalien, dont l’essentiel est l’idée de vivre dans l’angoisse de l’intermittence inexorable qui pèse sur l’homme avant même son existence, Claudel n’aurait pas pu mener la rude campagne à laquelle on assiste dans l’exposition de la pièce. On y voit notamment que le mal l’emporte sur le bien dans le monde issu d’une volonté étrangère au modèle moral, plus précisément dans l’univers où la grâce fait défaut, à cause du libre arbitre fortement réduit par la faute originelle, mutatis mutandis.

Blaise Pascal et Jean Racine partageaient la même sensibilité concernant les principes et la mesure de la liberté humaine. La vie des deux est notamment liée à l’Abbaye de Port-Royal qui était le foyer du jansénisme : son empreinte spirituelle, sur l’un comme sur l’autre, est un fait communément accepté. C’est à la lumière de la thèse de Lucien Goldmann : « Phèdre est un de ces justes à qui la grâce a manqué »16, qu’on appréhende mieux le jugement de Félix Guirand. Il soutient qu’Andromaque17, la pièce qui a été la première à faire connaître Jean Racine, représente un point tournant dans l’histoire du théâtre français : « Racine renouvelle le genre tragique en substituant à la tragédie héroïque de Corneille et à la tragédie romanesque de Quinault la tragédie simplement humaine, fondée sur l’analyse des passions et particulièrement de l’amour.18 »

Si le héros de Corneille est un homme de dialogue puisqu’il délibère et fait valoir les lois rationnelles par lesquelles il passe à la réalisation du moi, son pendant racinien s’exprime par le monologue : celui-ci, comme l’indique l’étymologie du mot, étant un signe délétère de la solitude et de l’impuissance. C’est un héros qui est toujours dépourvu de l’essentiel. Racine a, dans ce sens, revalorisé le monologue. Sa nouveauté est de permettre l’expression du sentiment basé sur le pouvoir de l’inéluctable. Il retrouve le secret de la fatalité antique : le héros est un être marqué, victime de la haine des forces omniprésentes. La psychologie de l’Abbaye de Port-Royal était analogue. L’homme est universellement voué à la perdition : bien qu’il soit exempt de faute personnelle il ne peut rien contre la transgression de la loi divine faite aux prémices des temps. Impuissant, il persiste dans l’ombre du désastre ontologique. Pourtant, il lui reste à prouver son innocence et à témoigner d’une immense énergie dans sa lutte contre la fortune adverse. La vision janséniste de Racine veut que le monologue marque un retour à zéro, une catastrophe qui emportera celui qui le profère.

Claudel et le monologue racinien

La grandeur de Racine éveillait de l’admiration chez Claudel : « Autant Racine est au-dessus de tout ce que vous pouvez lui comparer au monde, autant Phèdre est au-dessus de Racine.19 » Phèdre sait que les dieux la suivent pour l’attraper : elle sent leur présence toute proche. Une horreur divine l’emplit lorsqu’elle se lance dans l’analyse de son trouble. Elle est confrontée à la Sylphide qui arrange sa défaite, sans pitié, en toute connaissance de cause. Phèdre est consciente de sa déchéance, elle assume la culpabilité d’un mal dont elle n’est pas originairement responsable puisque c’est Vénus qui porte la flamme vindicative qui la consume. Le chemin de Phèdre, traquée par la douleur, descend en forme de spirale irréversible, avec des conséquences navrantes.

Car nulle part l’enchaînement maléfique des événements n’est plus serré ni plus apparent. […] Une fatalité savante et perverse semble s’ingénier à mettre Phèdre dans une série de situations ambiguës, qui la font s’engager dans le crime sans être criminelle encore20.

Au seuil de l’éternité21 Claudel déploie sa connaissance et trace le parallèle entre la fille du soleil et sa sœur Camille, tellement les affinités qu’il ressent pour le personnage principal de la pièce éponyme sont puissantes. Pris sous cet angle, la Conversation sur Racine présente un document précieux sur les sentiments du poète. Dans le texte, Claudel élargit la focale : l’argumentation qu’il développe établit Phèdre comme métonymie de la pensée tragique de l’auteur22. Tout Racine est dans Phèdre. Elle implique les autres tragédies, notamment celles qui concernent le cycle des Atrides, avec Hermione23 en premier lieu. C’est par la figure de la « Fille de Minos et de Pasiphaé24 » que l’humanité est reliée au Dieu « de la porte »25. Celle-ci donne sur le royaume de la mort et de la damnation, au moins pour la majorité des humains, comme veut la doctrine résumée dans le syntagme sola gratia.

Mais ce qui rend le drame poignant, parce qu’il n’est pas seulement celui de Phèdre, mais celui de Racine, est la question qu’il pose à la conscience de tout inspiré, victime à la fois et complice d’une puissance inconnue, ambivalente et suspecte. À l’origine même de la tragédie, sur le seuil même de cette porte redoutable d’où tant de chefs-d’œuvre allaient sortir, le vieil Eschyle dresse la figure grandiose de la prophétesse troyenne, accusatrice de cet Apollon qui l’a séduite : Apollon ! Apollon ! Dieu de la porte ! Mon Apollon de mort ! Apolésas ! Tu m’as perdu26 27.

Le début de Tête d’or surprend les protagonistes par la négation de ce qu’ils croyaient être vrai. A leur insu, ils se sont impliqués dans une tragédie. Étant confrontés à la perturbation, au choc meurtrier, Cébès et Simon Agnel fuient l’épouvante. Devant le désastre que dénote la parabole du « déluge » Cébès exprime l’angoisse, sous forme de monologue : « Je ne sais rien et je ne peux rien. Que dire ? Que faire ?28 » Et plus tard, tout au cours du même soliloque : « Qu’est-ce que je suis ? qu’est-ce que je fais ? Qu’est-ce que j’attends ?29 » pour terminer à la fin par la formule plus générale : « Qui je suis ?30 » La tragédie présuppose la mort des protagonistes. Ils en sont conscients, au préalable. Le héros tragique affirme son exemple, se dressant contre la « fatalité inexorable31 » qui ne peut être éludée.

Andromaque est la pièce dont la récapitulation du schéma pourrait se redire de façon lapidaire qui, par le biais du paradoxe, révèle l’essentiel. On ne saurait dire plus avec moins de mots : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector, qui est mort. Il s’agit des amours triplement contrariés qui sont tous rendus impossibles par la malédiction : Hector est mort. Si Hector était en vie, Andromaque ne serait veuve et elle ne craindrait pas pour Astyanax. Rien ne se serait passé. Le syllogisme qui rend inefficaces les triples émois des « passions mi-avouées32 » doit déclencher les troubles. Le discours d’Hermione le dit bien. L’amoureuse de Pyrrhus est consciente de ce que l’histoire de Troie s’est immiscée dans son intimité secrète. Elle connaît les enjeux de la fatalité qui suivaient le jugement de Pâris : elle ne pouvait ignorer la part que prenait le Père des dieux dans la dispute. Il ne pouvait pas en être autrement puisque les trois Parques offrent ce qui, du point de vue d’un jugement universel, présente les valeurs suprêmes du genre humain : la plus belle femme (Aphrodite), la victoire à la guerre (Athéna) et la souveraineté sur tous les hommes (Héra). L’être humain est condamné par un sort contre lequel il ne peut rien : il est en plus aveuglé par la magnanimité de ses propos généreux. Toute bataille est perdue à l’avance. C’est la volonté des dieux : « C’est couramment celle du destin.33 » Hermione ne peut lutter contre le destin qui met la veuve d’Hector entre elle et l’objet de son fol amour. La proposition conséquente qui se déduit de la formule tragique ne connaît qu’un corollaire : la mort. Impuissante devant le dilemme, Hermione s’écrie :

Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? Que dois-je faire encore ?

Quel transport me saisit ? Quel chagrin me dévore ?

Errante, et sans dessein, je cours dans ce palais.

Ah ! Ne puis-je savoir si j’aime ou si je hais34  ?

On connaît la suite : la fille Atride se suicide sur le corps de Pyrrhus qu’elle a fait assassiner.

Le monologue de Cébès pourrait se lire comme une « reprise » littérale du texte racinien. Les alertes qu’il traduit sont les mêmes : les termes considérés comme porteurs de signification se rejoignent les uns aux autres dans cette particularité, comme s’il s’agissait d’une réécriture univoque. Et le contexte dans lequel il profère ces paroles est le même. C’est communément celui d’une catastrophe.

Les arcanes de la « fée achetée » : l’énigme du conflit se constitue dans l’histoire préalable de la pièce

Ce n’est pas pourtant l’unique analogie. Le prologue du drame connaît – comme les prologues raciniens – une préhistoire. L’essentiel s’est passé dans l’éclipse de temps qui précède le lever de rideau. Cette éclipse, Roland Barthes la définit comme « le Passé »35. Faisant le portrait d’Hermione, il désigne ses traits avec ces notions : « Elle est fille du roi vengeur, déléguée d’un Passé qui dévore […] elle est triomphe définitif du Passé.36 » Et : « Venue d’un passé très ancien, elle est force plutôt que femme ; son double instrumental, Oreste, se donne lui-même pour le jouet (lamentable) d’une très antique fatalité qui le dépasse, sa pente le renvoie bien en arrière de lui-même.37 »

De même, l’essentiel de l’exposition dans Tête d’or provient d’un passé que nous ignorons. Cébès et Simon Agnel aimaient tous les deux la même femme : ils procèdent maintenant à son enterrement. Que s’est-t-il passé ? Quand étaient-ils ensemble ? Comment se sont-ils rencontrés, les uns les autres ou mieux, l’un l’autre et pourquoi se sont-ils séparés ? La femme est-elle morte des séquelles de la violence de l’un de ses amants (Simon Agnel)38 ? « Une seule chose est claire »39, le passé mystérieux a pris tous les caractères d’une fatalité, tellement il influence les événements. C’est pour cette raison que le protagoniste de la scène initiale pourrait bien n’être ni Cébès, ni Simon Agnel mais une circonstance absente, la femme venant d’un passé indéfini qu’ils sont en train d’ensevelir. Qui est cette femme ? C’est la question dont l’évolution du drame dépendra :

La première humiliée par son amant jusque dans la tombe n’est pas moins célébrée par les deux hommes, qui l’ont tous les deux aimée, comme un modèle de bonté et de patience : « Ô bonne pour tous ! Rieuse, ardente ! » (p. 14), aux « bras naïfs’, «  Fidèle », «  La fonction qui est au-dedans de moi-même » (p. 22), jusqu’à cette étrange expression de « fée achetée » (p. 17) qui semble signifier la mise sous le pouvoir d’un homme d’une créature merveilleuse, venue d’ailleurs40.

Le noyau du syntagme « fée achetée » rappelle un personnage imaginaire représenté sous une forme féminine qui possède un pouvoir surnaturel, et ce qui est plus important : celui-ci influence le destin des humains. L’épithète risquerait d’induire une contradiction s’il n’y avait un sens sous-entendu, celui d’un contexte plus vaste. Comme « les fées » ne « s’achètent pas »41, cela pourrait bien être une expression qui dit moins afin d’en faire entendre plus : « la mise sous le pouvoir d’un homme d’une créature merveilleuse venue d’ailleurs »42. Pour l’ensemble des circonstances dans lesquelles figure le terme « fée achetée », à condition qu’il soit entendu comme une litote, il ne devrait pas y avoir de doute. Il y a derrière une péripétie amoureuse qui a échoué.

En fait, la « fée achetée » a eu un père qui peut – de son vivant – témoigner de ce qu’une lecture attentive dévoile comme des faits dévastateurs.

Simon. – Donc il n’y a personne chez moi ?

Cébès. – Personne. Tout est fermé, les terres sont

En friche.

Silence.

Son père vit encore ? […]

Cébès. – C’est un vieux43 homme ; il y a bien de la peine ;

Il vit tout seul, de charité ; tout le monde le méprise.

Il est courbé comme un dail et les mains lui tombent

Aux genoux. Il n’a pas pu se remettre de ce que sa fille

Soit partie.

Simon. – je ne rentrerai plus dans ce pays44.

Le père de la femme ensevelie n’a pas pu se remettre du fait que « la fée achetée » soit partie. Claudel insiste sur le nœud causal entre le départ de la fille45 et les supplices dans lesquels traîne le vieil homme. Une proposition introduite par la conjonction temporelle46 aurait relâché le lien entre la phrase matrice et sa subordonnée réduisant ainsi l’événement à la catégorie des compléments circonstanciels, exclus de tout message signifiant. L’auteur a soigneusement évité l’équivoque.

La figure du père est une référence à l’ensemble. Au moment où Cébès termine son soliloque, il aperçoit Simon Agnel et prend conscience de sa dure besogne. Le texte à cet endroit-là est dense :

Cébès. – Agnel ! Simon Agnel !

Simon. – Tais-toi ! Est-ce qu’il y a quelqu’un chez

Nous ?

Cébès. – Personne.

La maison est vendue.

Simon. – Est-ce que mon père vit encore ?

Cébès. – Il est mort, et ta mère est morte aussi.

Et tous les autres sont partis.

Simon. ­– C’est bien. […] Et je suis sorti de la maison, laissant les figures de famille.

Morts !47.

La dramaturgie de l’exposition de Tête d’Or s’avère être résolument celle de la mise en scène d’un malheur généralisé. La mort devient partenaire commun : le lieu sinistre du prologue est la sépulture de toute une génération. Le champ   « en friche » s’élargira jusqu’à la fin du drame. Il n’y aura pas un seul survivant.

La malédiction du passé s’actualise ; elle implique l’emblème du drame : l’arbre

Le père chérissait sa princesse et dut en être séparé ? Hermione a neuf ans lorsqu’elle rencontre l’inéluctable. Sa mère est victime du jugement de Pâris à qui les Parques ne pardonnent rien. Son monologue est un cri contre le passé dans lequel son sort est imbriqué. Le monologue de Cébès accompagne la mise en évidence d’un désastre qui est né avant que le rideau ne soit levé. Il s’agit d’un voyage dans l’imaginaire du passé que renforce la compagne de celui qui l’a fait : la fée. Les fées sont faites pour voler dans les délires. Elle a jeté un sort et lorsque le couple était de retour, le pays a été maudit. Simon et la femme ont appelé la malédiction sur le pays et sur eux-mêmes :

Et je l’ai ramenée ici, pour que ce lieu d’où je suis

Parti me bafoue ! La voilà qui est tombée à mes pieds.

Malédiction sur tout le pays ! Que leurs vaches crèvent !

Que la toux consomme les cochons48 !

Simon Agnel s’est approprié la fée pour les besoins de son propos. Comme les fées sont devenues légendaires par leur pouvoir d’influencer, le futur Simon en tire avantage pour relier le passé au présent. Cela permet à une malédiction « du passé » de rentrer dans l’actualité et de toucher les hommes et les choses qui existent à ce moment :

J’ai erré.

J’ai nourri beaucoup de rêves ; j’ai connu

Les hommes, et les choses qui existent à présent.

J’ai vu d’autres chemins, d’autres cultures, d’autres

Villes. On passe et tout est passé.

Et la mer très loin et plus loin que la mer !

Et de là rapportant une branche de sapin, comme
Je m’en revenais […]

Ensemble,

Par bien de montagnes et de fleuves, nous sommes

Redescendus vers le midi et l’autre mer.

Ensuite nous sommes revenus ici49.

L’errance de Tête d’Or – il fait trois fois mention au verbe « errer » dans le prologue50 – révèle une période ante quam que Tête d’Or passait dans les limbes indécis d’un passé dont on ignore tout – sauf qu’il est prépondérant en ce qui concerne le sort des protagonistes, une fois montés sur scène.

Le retour du passé s’accomplit sous les auspices du symbole qui, dans Tête d’Or, est mis en relief. C’est encore une entité qui se poursuit depuis le passé ante quam. Il s’agit de l’arbre, plus précisément de celui de la connaissance du bien et du mal. « Le premier drame de Claudel est tendu entre deux pôles : l’arbre de mort et l’arbre de vie.51 » Le confrère de Simon s’aperçoit brièvement de ce qu’est en train de révéler le discours de son camarade : « Cébès : O Simon, tu ne t’en iras point ainsi ! N’as-tu rien appris sous cet arbre de science ?52 » L’arbre de science est l’élément nec plus ultra du mythe universel sur la malédiction irrévocable, celle de peccatum originale. En tant qu’objet53 il se profile sous plusieurs aspects : ses premières apparences dans le drame établissent le pont avec le temps de l’époque imaginaire dont les séquelles déterminent la lugubre actualité. De l’arbre de la connaissance Simon revient avec sa compagne, « la fée achetée », l’être qui illustre bien la parabole biblique : à savoir que la première femme a été l’instigatrice de l’accident fatal dont leur couple subit les conséquences en intégralité. Et ceux qui viennent après, sans exception, comme en témoignent les danses macabres.

L’arbre est une entité qui n’appartient pas au domaine de l’humain, bien qu’il puisse assumer les fonctions qu’on décèle à l’intérieur même de la famille. Si cela arrive, c’est par analogie. Il s’agit de l’instrument qui a changé la génération originelle de la vie : elle va désormais à rebours devenant la voie de la mort. Simon en a fait l’expérience. Dans l’éclipse du temps qui précède le prologue il en dresse un compte-rendu :

Pour moi, je ne me suis inquiété d’aucun

Homme,

Jeune ou vieux, ce qu’il contient au-dedans de lui-même.

Mais un arbre a été mon père et mon précepteur.

Car parfois, enfant, il arrivait que les accès d’une

Humeur noire et amère. […]

Et il me fallait gagner la solitude pour y nourrir

Obscurément ce grief que je sentais en moi grossir.

Et j’ai rencontré cet arbre et je l’ai embrassé, le serrant

Entre mes bras comme un homme plus antique.

Car avant que je ne sois né, et après que nous avons

Passé outre.

Il est là, et la mesure de son temps n’est point la même.

Que d’après-midi ai-je passées à son pied, ayant vidé

Ma pensée de tout bruit54.

Dans le texte de Tête d’Or et dans l’histoire d’Israël, l’arbre jouit d’une durée sans bornes. Dieu le régénère par la promesse faite aux prémices du temps. L’arbre relie la faute à l’absolution. L’emblème de la connaissance du bien et du mal est le même qu’arbor vitae : la croix, l’instrument de la rédemption :

Te voici comme une servante qui, avant de partir,

Embrasse l’arbre de la croix.

Mais cette chose crucifiée de sa mâchoire de granit

Tire vers le ciel sa chaîne de ronces

Et un verdier pépie sur l’épaule ruinée.

Reçois mon sang sur toi55 !

Simon Agnel, soumis à la munificence ontologique que l’auteur de Tête d’Or a attribué à l’arbre, fait oblitérer le temps. C’est fait avec l’intention de souligner l’importance de l’âge dans lequel il « errait ». Claudel se sert du système des formes verbales qui indiquent une action en voie d’accomplissement dans le passé pour délimiter celle-ci de ce qui arrive dans le présent. Plus le message que le lieu poétique traduit est général, plus l’auteur observe cette règle : dans la période ante quam, dans la période qui forma l’espace tragique, il « fallait gagner la solitude » afin de « nourrir le grief » qui allait grossir en Simon Agnel. Parfois l’auteur, se servant du discours rapporté, fait combiner l’imparfait avec le passé composé afin de mettre en relief l’action qui était juxtaposée à la série de celles dont l’expression verbale était autre56.

Le paradigme soigneusement choisi arrive à définir l’existence de l’arbre (et de celui qui errait de son côté) comme appartenant essentiellement au passé, mais à ce genre de passé qui relève d’un temps indéfinissable, à vrai dire achronique : dans une apostrophe qui rappelle la prosopopée de la Sagesse, la rhétorique des modes et des temps verbaux atteint le comble, Simon Agnel conclut : « Car avant que je ne sois né, et après que nous avons passé outre. Il est là et la mesure de son temps n’est point la même. »57

Le sémantisme multiforme de l’arbre

La mesure du temps des êtres et des choses, pourtant, est toujours la même. Il ne peut pas en être autrement. Le temps que Simon Agnel passait dans l’errance, dans l’espace d’ante quam était un temps qui s’écoulait suivant la même formule. C’est le temps subjectif qui se décomptait de la linéarité objective, avec chaque battement de son cœur. Simon est un homme. C’est un fait qu’il met en évidence en se servant de la conjonction subjonctive : elle fait perdre le caractère absolu de son enjeu. Avant qu’il n’ait commencé à exister, l’arbre était là : après qu’il est allé au-delà, infiniment plus loin, l’arbre n’a pas changé de place. L’inexorable linéarité du temps n’a pas de pouvoir sur lui. A son insu, Simon est devenu sa partie intégrante. Il est le premier de sa race ; il est roi, relevé dans la majesté :

Cébès : Je te salue, ô Roi !

Je te tiens entre mes bras, Majesté !

Et voici que j’ai goûté de ton sang, tel que le premier

Vin qui sort du pressoir58 !

Même le souverain n’est pas insensible aux calamités parmi lesquelles il y en a une qui est sans remède : la malédiction. L’arbre, pourtant, qui était l’instrument de la damnation - à voir l’Éden - et qui vers la fin du drame deviendra l’instrument de supplice connaît à la fin du prologue un rôle qui serait invraisemblable si l’arbre ne faisait partie du rang des entités qui apparaissent sous l’optique de l’extra-temporalité puisqu’elles permettent l’écoulement du temps linéaire que l’être humain subit sous la forme de l’histoire.

L’arbre de la connaissance fut au début de celle-ci ; prêtant sa forme à arbor crucis il fut à l’intérieur de la restructuration de l’aventure humaine, changeant le temps de la contingence en temps « de veille » : dans cette période, l’arbre par ses facultés est là, sous maints aspects parmi lesquels il y a ceux qui désignent l’itinéraire du peuple élu vers la rédemption. Les renouvellements qu’effectue la figure de l’arbre à travers l’histoire présentent la dialectique immanente de Tête d’Or. Sans eux, le texte ne serait pas ce qu’il est. Les avatars de « l’arbre » sont ce qu’il y a de plus précieux dans la pièce constituant le noyau du message que l’auteur voulait délivrer.

L’arbre est un ancien « ami » de Simon Agnel. Il lui servait de « mesure » et de « mètre » ; il a assumé le rôle du support ainsi que de l’instrument de torture. Simon a « embrassé l’arbre de la croix59 ». Ce qui de point de vue de la diachronie par laquelle on simplifie le temps du vécu serait antinomique, est du point de vue du caractère extratemporel de l’arbre plus que vraisemblable. Malgré la parabole qui, vers la fin de la première partie du drame rapproche Simon Agnel de l’histoire de la croix, le faisant subir presque littéralement le supplice60, c’est l’arbre qui lui permettra de se redresser et d’accomplir sa mission. Simon Agnel reprendra haleine ; il regagnera l’équilibre :

Deux arbres et toute la nuit derrière !

La nuée se déchire et l’on voit des étoiles par là.

O équilibre des choses dans la nuit ! ô force qui selon

Votre nature agissez avec une puissance invincible !

Et moi aussi, je ferai mon œuvre, et rampant dessous

Je ferai osciller la pierre énorme ! […]

O faire ! faire ! faire ! qui me donnera la force de faire61 !

L’arbre plus précisément deux d’entre eux, permettent à Simon de se redresser, en face de la nuit profonde. Il récupère ses forces ; il réunit les éléments qu’il fait fusionner. Les nuages épais se dispersent devant celui qui a été initié à la nouvelle mission. L’élan qu’éprouve celui qui doit remettre royalement l’univers sur ses gonds est imparable : l’esprit souffle sur Simon qui prend conscience de sa grandeur avec la même lucidité qu’il prenait conscience de sa misère lorsqu’il agonisait, à l’exposition du drame. « L’esprit souffle où il veut, et sa volonté est l’unité faite corps, l’unité qui rencontre le monde et le transforme62 » : « Un esprit a soufflé sur moi et je vibre comme un poteau ! Cébès, une force m’a été donnée, sévère, sauvage ! C’est la fureur du mâle et il n’y a point de femme en moi.63 »

La substitution analogique dont se sert Claudel pour établir le rapprochement entre le corps du protagoniste et la vibration que subit un poteau – pars pro toto métonymique de l’arbre – en dit assez sur l’énergie qui accompagne une telle remise en ordre. Il y a là la volonté de l’Esprit qui loin d’être arbitraire agit avec perspicacité, transformant Simon en une puissance qui œuvre de façon extra-corporelle. Pour veiller sur la distribution égale des forces, des éléments, des masses et des volumes, Simon fera « osciller la pierre énorme »64. Il réalisera l’unité de tout ce qui existe65 ; il recrutera les éléments prépondérants de la création. Simon est l’intendant de lui-même comme il est l’intendant de l’univers. Afin de regagner « l’équilibre des choses66 » il lui a été assigné d’administrer l’union du globe terrestre et de l’opacité nocturne, à travers le souffle vital.

Le paradoxe de la croix

Le retour à l’unité primordiale rappelle l’univers aux prémices de la création. Simon évoque les trois entités qui assistaient à la naissance de tout ce qui existe : « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre.  La terre était informe et vide : il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux.67 » La mise en ordre est idiosyncratique. Tout Claudel est dans ces vers qui sont constitutifs du langage simple reposant sur l’énonciation modulée d’après le rythme liminaire : le poète dit les choses au lieu de les représenter. Celui qui est devenu « Roi68 » s’engloutit dans « la nuit maternelle ». Il voudrait retenir le moment initial du bonheur : descendre grâce aux images les plus anciennes vers le point où tout se rejoint. Les barrières du temps sont enlevées. Simon, s’appuyant sur l’arbre est absorbé dans les sentiments qui, par les échos et les reflets, remplissent « tous les recoins de l’éternité »69. Il regagne l’ingénuité d’origine : dans sa candeur il « s’étend sur le sein » de la puissance dont le génie créateur est indistinct de l’univers qui est – via creatio continua – sans cesse en train de naître. « Le Roi » devient enfant : dans l’espace d’une seule page Claudel opère le changement proleptique sans perdre le fil rouge de son message.

O Nuit ! mère !

Ecrase -moi ou bouche-moi les yeux avec de la terre !

Mère, pourquoi as-tu fendu la peau de ma paupière

Par le milieu ! Mère je suis seul ! Mère pourquoi me

Forces-tu à vivre ?

J’aimerai mieux que demain à l’Est la terre mouillée

Ne devînt pas rouge ! O nuit tu me parais très bonne !

Je ne puis pas ! Vois-moi, moi ton enfant !

Et toi, ô Terre, voici que je m’étends sur ton sein !

Nuit maternelle ! Terre ! Terre ! (Il s’évanouit)70.

Le « Roi » interpelle les puissances d’origine. Il s’est proposé lui-même comme la table consacrée. « Reste, et que je te serve comme autel.71 » En conséquence, il adopte la posture horizontale lorsqu’il embrasse celle qui « lui a fendu la peau de sa paupière72 » : « Et toi, ô Terre, voici que je m’étends sur ton sein ! »73. Son corps et son esprit se prêtent à accomplir le labeur. Ce que Simon, devenu Roi, effectue, reste ambigu jusqu’à la fin. Sa faiblesse devient la source des puissances inouïes : « la fureur du mâle74 » rencontre l’étrange aveuglement que « l’enfant75 » subit de la part de sa mère qui est, comme les origines de l’univers, un tout dans le tout. Il passe à l’offrande rituelle qui est caractérisée par l’immolation de sa propre personne offerte sous les auspices des souffrances qui mènent à la rédemption dans l’unité primordiale.

Simon se relève. Le point zéro lui permettrait de déjouer la catastrophe qui pèse sur la scène : ce n’est que le retour à l’innocence liminaire qui soulèverait la malédiction. La campagne déserte bénéficie de ses dons miraculeux. Les maisons vides se remplissent de vie : les langues de feu qui s’ancrent dans le sol du pays se répandent vite. Elles allument les existences, les habitations des hommes et leurs sentiments : « J’ai erré comme une lueur, il faut que je m’élève comme flamme enracinée.76 » Le martyr passe sa flamme aux hommes. C’est sur lui qu’ils peuvent encore appuyer leur espérance :

Et je ne dirais point un mot et ceux qui passeraient

Ne me verraient point.

Je suis ici tout seul, et la foule des hommes est autour

De moi, dans les champs, ou dans les maisons qu’ils

Se sont faites, près de la lumière qu’ils se sont allumée77.

Conclusion

L’arbre est le symbole qui permet de vaincre la malédiction. La force de l’arbre transfiguré en croix confond l’entendement. Simon ne devient pas roi pour perdre sa couronne : il le devient une fois pour toutes, pour l’éternité malgré les circonstances qui disent le contraire. La restitution du pouvoir à la princesse n’est que l’acte final d’une histoire qui a commencé bien avant, au temps de l’arbre du Jardin des Délices. Le cercle se referme à la fin du drame. Des perspectives s’ouvrent. Le symbole de l’arbre, métaphore récurrente dans la pièce, donne le sens de l’avenir. Le couronnement de la princesse est la glorification de la croix sur laquelle elle agonisait avant d’en être descendue. Claudel voulait y voir l’apothéose de l’Eglise. Il s’agit de l’événement qui dissipe d’un coup l’hésitation des figures présentes sur scène : l’enthousiasme de l’auteur vise ainsi à faire disparaître la perplexité de ses contemporains. Même dans la pire nuit de détresse et de souffrance ontologique, l’espoir est présent.

Liste des références

Adam, A. (1962) : Histoire de la Littérature française au XVIIe siècle, tome II, Paris : Éditions mondiales.

Alexandre, D. (2005) : Paul Claudel : Tête d’or, que suis-je ?, Lectures de Claudel, dir. D. Alexandre, Rennes : PUR. 

Beckett, S. (1952) : En attendant Godot, Paris : Minuit.

Capuder, A. (2000) : Du Classique au romantique, Ljubljana : Faculté des lettres.

Claudel, P. (1965) : Œuvres en prose, Paris : Gallimard.

Claudel, P. (1956) : Théâtre, Paris : Gallimard.

Giradoux, J. (1935) : La Guerre de Troie n’aura pas lieu, Paris : Bernard Grasset.

Goldman, L. (1959) : Le dieu caché : étude sur la vision tragique dans les Pensées de Pascal et dans le théâtre de Racine, Paris : Gallimard.

Guirand, F. (1933) : Notice d’Andromaque, Jean Racine, Andromaque, Paris : Larousse. 

Holville, R. (1994) : Littérature française du 17e siècle, Paris : Larousse.

Lessort, P.-A. (1963) : Paul Claudel par lui-même, Paris : Seuil.

Millet-Gérard, D. (2011) : Tête d’or – le Chant de l’Origine, Paris : Presses de l’Université Paris-Sorbonne. 

Pascal, B. (1963) : Pensées, Paris : Hachette. 

Picard, R. (1960) : Présentation, Jean Racine, Œuvres complètes, tome I, Paris : Gallimard. 

Racine, J. (1999) : Œuvres complètes, Théâtre – poésie, Paris : Gallimard. 

Ratzinger, J. (2007) : Totus-Tuus, Rome, 11.

Yourcenar, M. (1981) : Anna, soror, Paris : Gallimard.


  1. P.-A. Lessort : Paul Claudel par lui-même, Paris : Seuil, 1963 : 21.↩︎

  2. Idem.↩︎

  3. P. Claudel : Théâtre, Paris : Gallimard, 1956 : 196. Il s’agit de l’édition de la Pléiade. Nous ne citons que cette source dans le texte de l’article.↩︎

  4. Cf : D. Alexandre : « Paul Claudel : Tête d’or, que suis-je ? », Lectures de Claudel, dir. D. Alexandre, Rennes : PUR, 2005 : 15–31 : « La force est donc physique et spirituelle. C’est la volonté qui donne le pouvoir de faire et de dire – le dire se confondant souvent avec le faire. »↩︎

  5. Attention au pied composé d’une syllabe brève suivie d’une syllabe longue que forme son prénom.↩︎

  6. P. Claudel : Théâtre, op.cit. : 171.↩︎

  7. A. Tissier : Tête d’or de Claudel, Paris : SEDES, 1968 : 215.↩︎

  8. A. Rimbaud : Œuvres, Paris : Gallimard, 1972 : 121.↩︎

  9. P. Claudel : Théâtre, op.cit. : 171.↩︎

  10. Idem.↩︎

  11. Ibid. : 172.↩︎

  12. B. Pascal : Pensées, Paris : Hachette, 1963 : 77.↩︎

  13. Cf : Ibid. : 82 : « L’homme est marqué par son néant, conséquence du péché originel qui se transmet depuis Adam. »↩︎

  14. Cf : P. Claudel : Œuvres en prose, Paris : Gallimard, 1965 : 1003 : « Les livres qui m’ont le plus aidé à cette époque sont d’abord les Pensées de Pascal, ouvrage inestimable pour ceux qui cherchent la foi. » De Pascal il retient les éléments de l’apologie de la religion chrétienne. Il s’engage dans cette démarche : son œuvre dramatique ultérieure défendra de façon cohérente la position qu’adoptèrent les Pensées. P. Claudel : Théâtre, op.cit. : 171 : « un homme nouveau devant les choses inconnues », est né : il n’oubliera pas l’effervescence de la conversion.↩︎

  15. A. Adam : Histoire de la Littérature française au XVIIe siècle, tome II, Paris : Éditions mondiales, 1962 : 202.↩︎

  16. L. Goldman : Le dieu caché : étude sur la vision tragique dans les Pensées de Pascal et dans le théâtre de Racine, Paris : Gallimard, 1959 : 352.↩︎

  17. J. Racine : Œuvres complètes, Théâtre – poésie, Paris : Gallimard, 1999 : 195.↩︎

  18. F. Guirand : « Notice d’Andromaque », Jean Racine, Andromaque, Paris : Larousse, 1933 : 28–29.↩︎

  19. P. Claudel : « Conversations sur Jean Racine », Paul Claudel : Œuvres en prose, op.cit. : 463.↩︎

  20. R. Picard : « Présentation », Jean Racine, Œuvres complètes, tome I, Paris : Gallimard, 1960 : 737.↩︎

  21. Le dialogue entre lui et Arcas avait lieu en 1955. Claudel s’est éteint la même année.↩︎

  22. Cf : la note 16.↩︎

  23. Elle est fille de Ménélas et petite-fille d’Agamemnon.↩︎

  24. J. Racine :  Œuvres complètes, Théâtre – poésie, op.cit. : 822.↩︎

  25. P. Claudel : « Conversations sur Jean Racine », Œuvres en prose, op.cit : 466.↩︎

  26. Idem.↩︎

  27. Cf : « Que de fois n’ai-je pas pensé à ces vers effrayants en regardant l’image de ma pauvre sœur Camille décédée après trente ans de captivité à l’hôpital psychiatrique de Montfavet ! Associée à celle de bien d’autres douloureux, Poe, Baudelaire, Nerval, et combien encore ! Phèdre de même, c’est en vain qu’elle ne demandera à rien d’humain dans un corps à corps impuissant la guérison de la plaie originelle. » Idem.↩︎

  28. P. Claudel : Théâtre, op.cit. : 171.↩︎

  29. Idem.↩︎

  30. Ibid. : 172.↩︎

  31. R. Holville : Littérature française du 17e siècle, Paris : Larousse, 1994 : 179.↩︎

  32. A. Capuder : Du Classique au romantique, Ljubljana : Faculté des lettres, 2000 : 66.↩︎

  33. J. Giradoux : La Guerre de Troie n’aura pas lieu, Paris : Bernard Grasset, 1935 : 176.↩︎

  34. J. Racine : Œuvres complètes, Théâtre – poésie, op.cit. : 247.↩︎

  35. R. Barthes : Sur Racine, Paris : Seuil, 1963 : 80.↩︎

  36. Idem.↩︎

  37. Idem.↩︎

  38. Cf : « Cébès : « Tu m’a pris cette femme et tu me l’as tuée ! » », Paul Claudel : Théâtre, op.cit. : 184. ↩︎

  39. S. Beckett : En attendant Godot, Paris : Minuit, 1952 : 112.↩︎

  40. D. Millet-Gérard : Tête d’or – le Chant de l’Origine, Paris : Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2011 : 266.↩︎

  41. Idem.↩︎

  42. Idem.↩︎

  43. L’orthographie de l’adjectif « vieux » devant l’h muet est de P. Claudel.↩︎

  44. P. Claudel, Théâtre, op.cit. : 175–176.↩︎

  45. L’adieu à la maison natale paraît n’être pas consensuel – au moins en ce qui concerne pater familias : ce qu’au 19e siècle décida cette institution fut imparable.↩︎

  46. Depuis, exempli gratia.↩︎

  47. P. Claudel : Théâtre, op.cit. : 173.↩︎

  48. Ibid. : 174.↩︎

  49. P. Claudel : Théâtre, op.cit. : 174.↩︎

  50. Cf : « J’ai erré » ; (Ibid. : 174.) ; « J’ai erré, j’ai vu » ; (Ibid. : 177) ; « J’ai erré comme une lueur » ; (Ibid. : 186).↩︎

  51. A. Vachon : Le Temps et l’espace dans l’œuvre de Paul Claudel, Paris : Seuil, 1965 : 98.↩︎

  52. P. Claudel : Théâtre, op.cit. : 183.↩︎

  53. Dans le texte l’arbre est analysé sous l’optique de l’ensemble de ses ramifications, et à maintes reprises : branches, racines, tronc, etc.↩︎

  54. Ibid. : 182.↩︎

  55. Ibid. : 186.↩︎

  56. Cf : Ibid. : 182 : « Car parfois, enfant, il arrivait que les accès d’une humeur noire et amère me rendait toute compagnie affreuse, l’air commun irrespirable. Et il me fallait gagner la solitude pour y nourrir obscurément ce grief, que je sentais en moi grossir. Et j’ai rencontré cet arbre et je l’ai embrassé, le serrant entre mes bras comme un homme plus antique. »↩︎

  57. Ibid.↩︎

  58. Ibid. : 187.↩︎

  59. Ibid. : 183.↩︎

  60. Le sang de Simon Agnel qui est offert à plusieurs reprises comme suggère Claudel, s’exprimant par l’image de l’arbre – croix. Cf. supra.↩︎

  61. Idem.↩︎

  62. J. Ratzinger: Totus-Tuus, Rome, 11, 2007 : « L’Esprit souffle où il veut, et sa volonté est l’unité faite corps. »↩︎

  63. P. Claudel : Théâtre, op.cit. : 184.↩︎

  64. Ibid. : 187.↩︎

  65. Claudel concevait l’univers sous l’aspect de la paronomase : « l’univers, version à l’unité ».↩︎

  66. Ibid. : 183.↩︎

  67. Genèse 1 : 2.↩︎

  68. P. Claudel : Théâtre, op.cit. : 183.↩︎

  69. M. Yourcenar : Anna, soror, Paris : Gallimard, 1981 : 129.↩︎

  70. P. Claudel : Théâtre, op.cit. : 187.↩︎

  71. Ibid. : 186.↩︎

  72. Idem.↩︎

  73. Ibid. : 187.↩︎

  74. Ibid. : 184.↩︎

  75. Ibid. : 187.↩︎

  76. Ibid. : 186.↩︎

  77. Paul Claudel : Théâtre, op.cit. : 185.↩︎