Verbum – Analecta Neolatina XXV, 2024/1

ISSN 1588-4309; https://doi.org/10.59533/Verb.2024.25.1.12



Abstract: The purpose of this paper is to complete existing phonological correction exercises for French nasal vowels for students speaking Serbian as L1, who attended the Faculty of Philosophy in Novi Sad in 2019–2020. Our approach is eclectic, and the exercises are based on a system of mistakes that was developed by examining how participants produced these vowels in prior study (Lazarević, 2023). Oral production activities in context are given particular focus because they do not appear to be covered in detail in workbooks on FSL phonetics. Our goal is to examine current nasal vowel pronunciation teaching strategies and contrast them with the ones we will present. The evaluation of our phonetic correction exercises confirmed that the production improves more easily when it comes to isolated words and phrases, while mistakes frequently recur during semi-spontaneous oral output.

Keywords: phonetic correction, French, Serbian, nasal vowels, oral production, eclectic approach

Résumé : Cet article vise à compléter les exercices de correction phonétique pour les voyelles nasales françaises pour les étudiants serbophones de la Faculté de Philosophie de Novi Sad (génération 2019/20). Notre approche est éclectique, et les exercices sont basés sur un système d’erreurs qui a été développé dans une étude antérieure (Lazarević, 2023) grâce à l’analyse de productions de ces voyelles. Les activités de production orale en contexte font l’objet d’une attention particulière car elles ne semblent pas être abordées en détail dans les méthodes de phonétique de FLE. Notre objectif est d’examiner les méthodes de la didactique de la prononciation des voyelles nasales et de les mettre en contraste avec celles que nous présenterons. La mise en place de nos exercices de correction phonétique a confirmé que la production s’améliore plus facilement lorsqu’il s’agit de mots et de phrases isolés, alors qu’il y ait un retour aux anciennes erreurs lors de la production semi-spontanée.

Mots-clés : correction phonétique, français, serbe, voyelles nasales, production orale, approche éclectique

1 Introduction

Plusieurs recherches pertinentes sur la perception et production des voyelles nasales françaises chez les locuteurs serbophones et/ou croatophones1 montrent que les voyelles nasales françaises constituent, avec les voyelles antérieures arrondies, le plus grand défi en ce qui concerne l’acquisition du système vocalique du français (Pozojević-Trivanović, 1986, Desnica-Žerjavić, 1998, 2003; Gudurić, 2004, 2009; Šotra, 2006 ; Ignjatović, 2019). Selon l’hypothèse d’analyse contrastive (Lado, 1957), cela est dû au fait que les voyelles nasales n’existent pas dans le système phonologique du serbe (sauf sous forme des variantes nasales combinatoires : banka, bombona, senzacija). La littérature consultée (ibid.) montre que la dénasalisation partielle ou totale, ainsi que la production d’une voyelle nasale au lieu d’une autre, représentent les difficultés les plus fréquentes dans le cas des locuteurs serbophones et croatophones. C’est ce que nous avons confirmé dans notre étude de cas sur l’analyse des productions des voyelles nasales chez les étudiants serbophones de première année d’études de la langue et littérature françaises avec une seconde langue et culture romanes (Lazarević, 2023) à l’Université de Novi Sad (Serbie)2. De plus, la voyelle antérieure [ɛ̃] s’est avérée être la plus difficile à prononcer parmi les trois voyelles nasales analysées ([ɑ͂], [ɔ̃] et [ɛ̃])3 (ibid.).

Dans ce travail, nous voudrions présenter le prolongement de cette étude de cas (Lazarevic 2023) où l’objectif est de proposer quelques modèles d’exercices de correction phonétique qui pourraient contribuer à surmonter ces difficultés dans l’acquisition des sons concernés. De plus, ce travail vise à faire le point sur les activités de correction phonétique des voyelles nasales destinées aux étudiants serbophones/croatophones apprenant le FLE, mais aussi celles proposées dans la méthode 100 % FLE. Phonétique essentielle du français A1/A24 utilisée en TD Phonétique et phonologie 1 à l’Université de Novi Sad durant l’année 2019/2020 avec les participants de notre recherche. Notre objectif est de comparer les pistes de correction phonétique déjà existantes, avec les suggestions éventuellement différentes qui seront présentées dans ce travail. Dans le cadre théorique de cette recherche, nous allons faire un bref aperçu sur certaines méthodes de correction phonétique, sur les caractéristiques des activités de correction phonétique des voyelles nasales pour les étudiants serbophones/croatophones (ou celles proposés pour tous les étudiants de FLE) déjà existantes. Dans le cadre pratique, nous proposerons des activités complémentaires de correction phonétique des voyelles nasales françaises provenant des résultats de notre étude de cas. Finalement, nous exposerons les observations après une séance de correction phonétique (avec les participants de notre recherche) à l’aide des activités que nous avons proposées. Notre hypothèse est que les étudiants progresseront dans leur production des voyelles nasales grâce aux procédés de correction proposés.

2 La correction phonétique et ses méthodes

La correction phonétique est l’action pédagogique orientée vers les erreurs effectivement commises par les apprenants (Champagne-Muzar & Bourdages, 1998), voire l’amélioration de la compétence phonétique d’un sujet en langue étrangère (Billières, 2016), dont l’objectif est de faire atteindre une intelligibilité phonologique (Leather & James, 1996).

Au cours de l’évolution de la didactique de la prononciation, différentes techniques de correction phonétique ont été développées. Dans le contexte des voyelles nasales, nous aborderons les différents procédés de correction (la méthode des oppositions phonologiques, la méthode articulatoire5, la méthode verbo-tonale6, les pistes de correction de Michel Billières), en citant des exemples de la méthode PE A1/A2 utilisée avec les participants de notre recherche (les mêmes participants que lors de la phase précédente) pour illustrer certaines méthodes de correction que nous proposerons. En ce qui concerne les locuteurs serbophones, nous faisons un retour sur les conseils de correction phonétique proposés dans deux ouvrages traitant la phonétique et l’enseignement de la prononciation (Šotra, 2006; Gudurić, 2009) dans un sens général vu le manque d’exercices systématiques de correction des voyelles nasales destinés spécifiquement à ces locuteurs.

2.1 La méthode d’oppositions phonologiques

Cette méthode consiste à faire reconnaître et à mémoriser des phonèmes en opposition, en les faisant répéter sous forme de paires minimales binaires (Guimbretière, 1994). Ce procédé est utilisé dans PE A1/A2 (figure 1). L’avantage de cette approche est l’attention consacrée à l’importance des traits distinctifs et de la discrimination auditive. Par contre, le facteur prosodique est négligé et l’élément isolé est privilégié au détriment du continuum sonore. Si prise isolément, cette méthode « a des avantages, mais sur le plan de l’efficacité elle est loin de satisfaire les praticiens (ibid.) ».

Figure 1 : Exercices de discrimination auditive, méthode des oppositions phonologiques PE A1/A2 (Kamoun & Ripaud, 2016 : 108)7

2.2 La méthode articulatoire

Souvent critiquée à cause de sa complexité, la MA « repose sur le postulat selon lequel l’émission des sons implique une connaissance relativement poussée du fonctionnement de l’appareil phonatoire » (Guimbretière, 1994). A l’aide de cette méthode, l’enseignant fait analyser les apprenants et leur fait pratiquer les mouvements nécessaires à la réalisation d’un son (ibid.). Les schémas articulatoires comme celle de PE A 1/A 2 (figure 2) constituent un aspect inévitable. Dans PE A1/A2 les illustrations et les symboles dans le cadre des schémas articulatoires contestent un effort des auteurs à simplifier le vocabulaire technique.

Figure 2 : L’exemple du schéma articulatoire, PE A1/A2 (Kamoun & Ripaud, 2016 : 98).

Les instructions telles que « Le ‘n’ de la voyelle nasale ne se prononce pas ! Pour ne pas dire [ɛ̃n] à la place de [ɛ̃], la pointe de la langue ne touche pas le palais » (Kamoun & Ripaud 2016 : 87) sont caractéristiques pour cette méthode.

En ce qui concerne les propositions de correction des voyelles nasales pour les serbophones/croatophones, elles sont présentes uniquement dans deux recherches (Šotra 2006 ; Gudurić 2009). La correction y proposée est basée sur la MA, que nous présenterons ci-dessous.8

T. Šotra propose de corriger la prononciation des voyelles nasales « en expliquant le processus de la nasalisation et puis stabiliser la production » (Šotra, 2006 : 100). Cela comprend le fait de souligner la participation du nez et le positionnement des organes articulatoires lors de la production des voyelles nasales (Šotra, 2006 : 100–102). D’après elle, il est essentiel de signaler que la position des lèvres et de la bouche lors de la production des voyelles nasales reste la même que dans la production des voyelles orales correspondantes (ibid.).

Par ailleurs, S. Gudurić donne les instructions suivantes : « Ouvrez la bouche lors de l’articulation de la voyelle [ɑ͂] ! ; Rétrécissez les lèvres lors de l’articulation de la voyelle [ɛ̃] ! ; Arrondissez les lèvres lors de l’articulation de la voyelle [ɔ͂] ! ; Arrondissez et avancez les lèvres lors de l’articulation de la voyelle [oẽ] ! » (Gudurić, 2009 : 120).

Les exercices reposant sur la MA sont organisés autour des syllabes, sons, mots et enfin phrases isolées et la remédiation est consciente.

2.3 La méthode verbo-tonale

Selon P. Guberina, fondateur de la MVT, chaque personne est sourde pour les sons qui n’existent pas dans sa langue maternelle et nécessite une rééducation de l’audition (Guberina, 1967, Polivanov, 1931 dans Billières, 2016, Troubetzkoy, 1984, Guimbertière 1996 : 48; Točanac-Milivojev, 1997 : 22). « Le système verbo-tonal est basé sur la recherche de la manière dont le cerveau apprécie la parole à partir de la sensibilité de l’audition à la parole » (Guberina, 1967 : 5 – 6). Les logatomes (les mots qui n’ont pas de sens) sont souvent utilisés comme des stimulis (Guberina, 1967 : 6). La recherche des sons émis dans le système verbo-tonal est basée sur : 1) leur relation mutuelle 2) l’utilisation des éléments les plus efficaces d’un son (Guberina, 1967 : 6). Les trois procédés de correction sont caractéristiques pour la MVT : 1) la correction par fréquences optimales, 2) la correction par intonation et 3) la correction par tension (Guberina, 1975 : 21; Točanac-Milivojev, 1997 : 35). Selon l’auteur, les exercices de prononciation doivent toujours commencer et se terminer par une phrase (Guberina, 1975 : 24). La correction par fréquences optimales consiste à corriger les sons en les mettant dans l’entourage des sons dont la fréquence facilite la perception. Le choix de l’entourage facilitant est toujours en fonction des erreurs commises (Guberina 1975 : 23). En ce qui concerne la correction par intonation, le son est généralement placé sur une intonation particulière pour que l’apprenant puisse mieux le percevoir. L’intonation est souvent accompagnée des gestes facilitants qui sont très importants dans la MVT (ex. l’intonation descendante et la main qui suit l’intonation avec le mouvement vers le bas) (Guberina, 1967 : 16). Dans ce contexte, M. Callamand suggère la correction phonétique des voyelles nasales à fonction d’erreur en « cas » selon l’erreur de prononciation faite (figure 3) (Callamand, 1981 : 139–140).

Figure 3 : Correction de l’erreur de prononciation [ɑ͂] au lieu de [ɛ̃] proposée par Callamand (Callamand, 1981 : 139)

Concernant la correction par tension, le point de départ est que les sons sont plus tendus en position initiale, et moins en médiane et finale. L’entourage optimal pour la correction est choisi en fonction de l’erreur (Guberina, 1975 : 22).

Contrairement à la MA, la MVT se concentre seulement sur l’oral où le processus de correction est situé entièrement et il est inconscient. La MVT est fondée sur l’idée qu’une meilleure perception a pour conséquence une meilleure production, tandis que la MA envisage qu’une bonne articulation est la condition d’une bonne production (Billières, 2016). La prosodie est mise au premier plan, alors que la MA se focalise plutôt sur l’aspect segmental.

2.4 Les propositions de correction de Michel Billières

Le blog Au son du FLE est consacré à la phonétique et à la didactique de prononciation. Cet outil numérique est riche en matériel utile pour la correction phonétique des sons et de la prosodie du français. Les activités sont destinées aux apprenants du FLE quelle que soit leur langue maternelle, mais l’auteur y propose aussi des activités personnalisées pour les locuteurs de quelques langues maternelles spécifiques (l’anglais, l’allemand, le russe…). La MVT y a une place importante, mais la MA n’est pas exclue. « Si nous avons besoin de brèves consignes sur le processus articulatoire, et si la situation de correction l’exige, nous pouvons avoir recours à la MA » (Billières, 2016).

La figure 4 présente le processus de correction des voyelles nasales de M. Billières.

Figure 4 : Le processus de correction des voyelles nasales de Michel Billières sur le blog Au son du FLE (Billières, 2016)

Comme nous pouvons voir ci-dessus (figure 4), le point de départ de la correction est toujours le diagnostic et la plupart de la correction comprend un processus inconscient pour l’apprenant (la déformation des sons, la correction par intonation, l’entourage facilitant) ce qui est emprunté à la MVT. Pourtant, sur le schéma proposé, les points 6, 7, 8 et 9 sont des éléments empruntés à la MA.

Par exemple, l’articulation de la voyelle orale suivie d’une consonne nasale [ɔn] au lieu de la voyelle nasale [ɔ̃] faite par des apprenants russophones est corrigée en travaillant la phrase type – Bonjour !

Le diagnostic est T+ (plus de tension). Le premier stade dans la correction comprend : 1) l’intonation descendante pour assurer le manque de tension durant la production de la voyelle nasale, 2) le ralenti, car le fait d’allonger les syllabes provoque également un gaspillage de tension, 3) la main et la tête qui accompagnent l’intonation descendante spontanée. Un relâchement corporel contribue à la détente, car il se répercute sur la tension des organes articulatoires. Voyons un exemple concret de la correction des voyelles nasales par cette méthode.

Premièrement, il prononce la phrase correctement en utilisant les procédés mentionnés. Il fait prononcer, avec la même gestuelle, en intonation descendante et en allongeant exagérément la durée de la voyelle orale qu’il nasalise [bɔɔɔɔ̃ʒu :R]. Il fait un passage de [ɔ] à [ɔ̃], pour faire « disparaître » la consonne nasale parasite. Enfin, la phrase complète est prononcée encore une fois. Chaque production correcte de la voyelle nasale est suivie d’un court geste avec la main à la hauteur de la bouche pour attirer l’attention sur le positionnement de la bouche lors de la prononciation.

Après une analyse des procédés déjà proposés pour la correction des voyelles nasales, et après avoir constitué les difficultés le plus souvent rencontrées par les étudiants serbophones qui ont participé à cette étude de cas, nous présenterons, dans le chapitre suivant, les pistes de correction personnalisées pour ce groupe de locuteurs.

3 Proposition des activités de correction des voyelles nasales

Dans cette partie, nous exposerons les propositions d’activités complémentaires pour la correction phonétique des voyelles nasales, ainsi que les procédés utilisés dans leur formulation.

Pour l’élaboration des pistes de correction, nous avons choisi l’approche éclectique qui comprend l’union de certains éléments de méthodes différentes, toujours en fonction des erreurs les plus fréquentes d’après l’analyse du corpus (Lazarević, 2023). Les activités sont basées soit sur la MA, soit sur les éléments de la MVT, mais aussi sur les procédés de Michel Billières et ceux de Monique Callamand. Nous suivons les étapes de déroulement du cours de correction phonétique proposées par Champagne-Muzar et Bourdages dans Le point sur la phonétique (1998), avec certaines modifications. Les étapes du cours utilisées sont les suivantes : « l’entrée en matière »9 , « discrimination auditive », « production dirigée 1 »10, « production dirigée 2 » et « production semi-spontanée »11 (Champagne-Muzar & Bourdages, 1998 : 54 – 72). La phase « l’association de la structure phonique à la représentation visuelle » (ibid.) ne fait pas partie de notre proposition, suivant le principe de la MVT où la plupart des erreurs proviennent de l’influence de l’orthographe (Guberina, 1975), ce que nous avons montré dans notre étude de cas (Lazarević, 2023). À ce titre, nous n’incorporerons pas les activités de phonie-graphie12.

Nous consacrons une attention particulière sur la dernière phase de la correction où les apprenants sont incités à prendre la parole et à produire les voyelles nasales dans les activités de production/interaction orale. Le but de correction phonétique n’étant pas d’obtenir une prononciation correcte des sons isolés ou une production correcte des sons dans les phrases dirigées, mais de faire prononcer ces sons d’une manière autonome aux apprenants, lors de la communication quotidienne. Pour ce faire nous suggérons les activités de production orale (semi-spontanée), qui ne trouvent pas beaucoup de place dans les méthodes de phonétique du FLE13.

Enfin, toutes les consignes et les activités sont prononcées et enregistrées par le locuteur natif francophone Simon Schoonbroodt, afin de proposer un modèle de prononciation d’un locuteur natif francophone.

Il s’agit maintenant de présenter les activités proposées aux apprenants. Nous expliquerons le déroulement de la correction ci-dessous.

3.1 Entrée en matière

Dans cette étape, nous voulons illustrer la différence dans la phonation des voyelles orales et voyelles nasales (le choix du résonateur), et le positionnement de la bouche lors de la prononciation de ces voyelles.

Figure 5 : Exemple de l’activité 1a « Entrée en matière »

Figure 6 : Exemple de l’activité 1b « Entrée en matière »14

3.2 Discrimination auditive

Comme souligné par de nombreux linguistes (Malmberg, 1958 ; Guberina, 1967 ; Léon, 1976 ; Lhote, 1995 ; Billières, 2016), il faut commencer le processus de correction par les activités de perception des voyelles nasales, afin d’essayer d’arriver à une production correcte.

Durant cette étape, nous construisons des activités, soit en utilisant des mots isolés (plus rarement), soit en ajoutant des phrases entières, comme proposé dans la MVT (Guberina, 1975). Nous suivons deux critères dans la création de ces activités : 1) proposer des paires de mots ayant une pertinence phonologique qui facilite la compréhension 2) proposer un entourage facilitant suivant les lois de la phonétique acoustique selon la MVT et Callamand (les voyelles nasales sont en position finale qui est la plus forte en français).

Figure 7 : Exemple de l’activité « Discrimination auditive »

Figure 8 : Exemple de l’activité « Discrimination auditive »

3.3 Production dirigée 1

Les apprenants répètent les phrases prononcées par l’enseignant en suivant le procédé de déformation des sons de Michel Billières.

Figure 9 : Exemple de l’activité « Production dirigée 1 »

3.4 Production dirigée 2

Ici nous proposons des activités structurales qui comprennent l’écoute et la répétition des phrases, puis la transformation des formes/phrases.

Figure 10 : Exemple de l’activité « Production dirigé 2 »15

Figure 11 : Exemple de l’exercice de production dirigée 2

3.5 Production semi-spontanée

Maintenant c’est à l’enseignant d’encourager les apprenants à utiliser les voyelles nasales lors de la production orale.

Figure 12 : Exemple de l’exercice de production semi-spontanée16

4 Observations après une séance de correction

Ces activités ont été appliquées lors des TD de Phonétique et phonologie 1 à la Faculté de Philosophie et Lettres à Novi Sad le 3 mars 2020, avec une partie des participants de notre recherche.17 Les activités proposées ont duré environ 45 minutes et nous ont donné l’opportunité d’obtenir une impression générale sur l’efficacité des procédés de correction phonétique choisis, sachant qu’il devrait vérifier ces résultats et de mettre en place ces exercices avec d’autres locuteurs serbophones afin de pouvoir certifier de leur utilité à une plus grande échelle.

  1. D’un point de vue perceptif, les apprenants ont bien distingué les voyelles nasales des formes dénasalisées, ainsi que la différence des voyelles nasales entre elles. Il n’y avait aucune erreur dans l’activité de discrimination ainsi que celle de production dirigé 2 (la transformation).

  2. La MVT : production dirigée 1 : La plupart des apprenants ont correctement prononcé les voyelles, mais il y avait deux apprenants (sur une vingtaine) qui gardaient toujours [m] ou [n] parasites. Il y avait ceux qui prononçaient bien déjà après le ralentissement et l’utilisation de l’intonation descendante.

  3. Ce qui posait le plus de difficultés, c’était la production semi-spontanée où chaque apprenant a éprouvé une confusion entre deux voyelles nasales ([ɑ͂] et [ɔ̃], ou [ɑ͂] et [ɛ̃]), ou une dénasalisation totale ou partielle en se concentrant sur le sens, et pas sur sa forme acoustique.

5 Conclusion

Le rôle important de l’enseignement de la prononciation pour une communication réussie est attesté par de nombreux linguistes et/ou didacticiens (Guberina, 1975 ; Léon, 1976 ; Callamand, 1981 ; Champagne-Muzar & Bourdages, 1998 ; Sauvage 2019 ; Radusin-Bardić 2019). Vu que la correction phonétique est un long processus qui peut durer des années, notre but a été d’apporter une petite contribution à ce long processus à l’aide des activités proposées.

Le procédé de correction reposant sur l’approche éclectique avec l’accent sur la production orale, présente une contribution à la phonétique corrective des voyelles nasales pour les étudiants serbophones par rapport aux procédés déjà existants. C’est dans le sens où il est situé entièrement à l’oral et que les instructions basées sur la MA n’en font qu’une partie, alors qu’elles sont centrales dans les propositions qui existent dans le cadre des œuvres de phonétique générale du français en serbe (Šotra, 2006; Gudurić, 2009).

Pourtant, cette approche ne veut pas en remplacer d’autres, mais plutôt les compléter. Le test des activités lors d’une séance de correction a confirmé notre hypothèse de début. Nous attestons une amélioration générale de la prononciation des voyelles nasales dans chaque étape du cours, sauf la dernière, production orale en contexte, où un retour aux anciennes erreurs est notable. C’est une confirmation de la théorie de Leather et James, qui constatent que les erreurs de prononciation subsistent durant la communication des pensées plus complexes (Leather & James, 1996). Tout ce qui est acquis durant la correction phonétique, cesse d’être utilisé quand les étudiants commencent à parler en se concentrant sur le fond du message et non pas sur sa forme. C’est pour cette raison que nous avons mis l’accent sur l’étape de production orale. Il faudrait souligner que les résultats obtenus dans le cadre de cette recherche restent fiables pour ce groupe de locuteurs et ils nécessitent une évaluation sur un plus grand nombre de participants pour attester de leur crédibilité générale, ce qui est une des perspectives de poursuite de cette recherche.

En conclusion, l’enseignement de la prononciation des voyelles nasales aux apprenants serbophones est un processus complexe mais essentiel, qui leur permet de maîtriser la prononciation et la compréhension orale en français, ouvrant ainsi la voie à une communication plus fluide et une meilleure intégration linguistique.

Bibliographie

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  1. Une langue commune – serbocroate/croatoserbe avait été étudié par les auteurs que nous citons.↩︎

  2. 12 étudiants constituant un groupe hétérogène concernant le niveau du français (débutants, faux débutants A1/ A2, utilisateurs indépendants (B1).↩︎

  3. La voyelle [oẽ] ne sera pas traitée dans ce travail à cause de sa disparition progressive du français au profit de la voyelle [ɛ̃] (Léon, 2005 : 87; Lazarević, 2023).↩︎

  4. Par la suite PE A1/A2.↩︎

  5. Par la suite le MA.↩︎

  6. Par la suite la MVT.↩︎

  7. Transcription : 1. a) une pianiste b) un ami c) lycéenne d) coréen e) copain f) copine 2. a) sonne b) son c) don d) donne e) freine f) frein (Kamoun & Ripaud, 2016 : 201).↩︎

  8. Comme les conseils donnés par les auteurs font partie des ouvrages traitant la phonétique, la phonologie et l’enseignement de la prononciation en général, ils prennent forme des instructions. Si une place plus considérable n’est pas consacrée à cette thématique, c’est parce que ce n’est pas le but des recherches mentionnées.↩︎

  9. Le nom « sensibilisation aux faits phonétiques » (Champagne-Muzar & Bourdages, 1998) est remplacé par « l’entrée en matière », inspiré par PE A1/A2. Étant donné que nous y incorporerons des questions qui dirigent l’apprenant à déduire les règles générales de l’articulation de ces voyelles. Cela pris en compte, ce n’est pas proprement dit une sensibilisation qui comprend l’exposition aux sons implicitement.↩︎

  10. Ici nous proposons l’exercice de répétition basée sur les indications de M. Billières. Dans l’étape qui suit, des activités de répétition et de transformation seront proposées sous la forme qui déjà existe dans les méthodes de phonétique du FLE, avec certaines modifications.↩︎

  11. Le nom « production spontanée » (Champagne-Muzar & Bourdages, 1998) est remplacé par « production semi-spontanée », car nous offrons des sujets prédéterminés, ce qui ne permet pas une production véritablement spontanée.↩︎

  12. Les activités de phonie-graphie sont généralement utiles. Pourtant, le système d’erreurs des participants pris en compte, nous croyons que le déroulement de cette étape de correction devrait se passer entièrement à l’oral.↩︎

  13. A part la méthode PE A1/A2 où les activités communicatives sont prévues, mais ayant toujours un caractère assez limité à cause de la volonté de corriger les sons isolés et du manque de communication entre les apprenants.↩︎

  14. https://www.youtube.com/watch?v=t72xMFwf6e0↩︎

  15. Cet exercice a été inspiré par P. Léon qui écrit qu’il faut privilégier la syllabation ouverte dans le cas de correction de la dénasalisation (Léon, 1976: 21). Nous avons utilisé les mots dissyllabiques qui contiennent une voyelle nasale à la fin de la première syllabe, à l’intérieur du mot. Nous avons segmenté les mots pour souligner que la voyelle nasale est une voyelle pure (Léon, 1976: 11) dans la production dans laquelle il n’y a pas de [m] ou [n]. De plus, nous avons proposé les mots à l’envers pour mettre la voyelle nasale dans une position phonétiquement forte (la syllabe ouverte), ainsi que quelques mots en verlan, qui introduisent le discours familier.↩︎

  16. Chaque information sur les cartes d’identité contient une voyelle nasale.↩︎

  17. La mise en place des activités a été prévue dans le cadre du cours Phonodidactique du français que nous avons suivi lors d’études de Master de la langue et la littérature françaises (l’année académique 2019/20).↩︎