Verbum Analecta Neolatina XXI, 2020/1–2

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La « mode » scientifique de l’étude des voyages a pour origine, entre autres, l’article de René Pomeau, « Voyages et Lumières »2. Ce texte paradigmatique a également été peut-être le premier à souligner un conflit profond dans la perception des voyages et leur littérature à l’époque moderne. D’un côté, l’Europe dévorait avec une curiosité insatiable toute information provenant des territoires extra-européens. Comme Michèle Duchet l’indique, ces textes ont servi de base à la formulation de nombreuses théories essentielles des Lumières3. Les récits de voyage sont parmi les ouvrages les plus fréquents sur les étagères des bibliothèques, et les plus souvent recensés par les périodiques4. Louer la littérature de voyage, souligner l’importance des informations rapportées par la figure héroïque et intrépide du voyageur, est un élément fréquent des « arts de voyage » (ars apodemica). Cet élément peut même figurer comme argument principal ou unique d’un ouvrage comme le Discours sur l’utilité des voyages (1763) de Gros de Besplas5. Dans ce dernier texte, les relations de voyage sont présentées comme les sources majeures d’informations nouvelles qui permettent le progrès de l’humanité.

Gros de Besplas, aumônier du roi et figure intellectuelle mineure de l’époque, pensait qu’il n’est pas nécessaire de douter particulièrement de la véracité du contenu des voyages – les auteurs ne mentiraient pas, et même si c’était le cas, les lecteurs savants s’en rendraient compte6. Mais cette approche naïve n’était pas partagée par la majorité des auteurs à la même époque : Michèle Duchet souligne par exemple que la quasi-totalité des auteurs contemporains émettaient des réserves quant au bon usage des récits de voyage7. En jetant un coup d’œil aux rubriques « Voyage » des dictionnaires français de l’époque, on note une tendance spécifique. Une même phrase apparaît dans de nombreuses variantes : « Tout homme qui décrit ses voyages est un menteur. » Certains articles de dictionnaires en indiquent même l’origine: une phrase du géographe Strabon, formulée comme commentaire critique à propos de la fiabilité des informations rapportées par les voyageurs8. Mais il faut souligner que le choix du terme de « menteur », qui apparaît dans les articles de dictionnaires sur les voyages probablement à partir de la deuxième édition du dictionnaire de Furetière (1701)9, est en fait un détournement de l’original – le terme original, ἀλαζών, se traduit aujourd’hui par « vantard »10.

Il en résulte, tout au long du siècle, une incertitude quant à la respectabilité du genre. J’ai montré ailleurs que Voltaire a soigneusement écarté de son texte sur l’Angleterre tout élément qui aurait pu faire penser à un récit de voyage, et que d’autres figures intellectuelles, comme l’abbé Morellet et Brissot de Warville, ont ouvertement annoncé leur intention d’éviter cette forme d’écriture11. Dans une grande variété de textes, on peut déceler une quête pour le récit de voyage « idéal », mais les critères qui permettraient d’identifier un tel récit parfait changent constamment, et sont souvent seulement formulés a posteriori12.

Dans ce qui suit, je souhaite étudier un aspect particulier de ce conflit : l’apparition d’un corpus spécifique dans une forme éditoriale spécifique. Des collections de voyages existent depuis le 16e siècle : certaines d’entre elles ont fait figure de best-sellers, et ont largement façonné leur époque (tel les Principal Navigations de Hakluyt13 ou l’Histoire générales des voyages de l’abbé Prévost). L’un des objectifs de ces collections était de produire des textes qui contiendraient uniquement ce qui est utile, afin d’épargner aux lecteurs ce qui est douteux ou « inutile ». Nous remarquons cette intention dès le sous-titre de la collection de Prévost, qui offre à ses lecteurs « ce qu’il y a de plus utile et de mieux avéré dans les pays où les voyageurs ont pénétré »14. Légèrement plus tard, la préface de la collection de voyages de Tobias Smollett, A Compendium of Authentic and Entertaining Travels (1756), indique ouvertement : « One of his [l’éditeur] principal views in undertaking the work, was to disencumber this useful species of history from a great deal of unnecessary lumber, that tended only to clog the narration and burden the memory », et n’hésite pas à qualifier les éléments inutiles des voyages, fictifs ou simplement sans utilité, de « rubbish » dont il faut se débarrasser15.

L’une des principales raisons de la présence de ce « rubbish », fatras ou déchet, est, selon Smollet, l’infériorité ou l’insuffisance intellectuelle ou morale de la personne qui a effectué le voyage. Dans la tradition des questionnaires pour voyageurs, qui fleurissent en Angleterre depuis la publication des « General Heads » de Robert Boyle un demi-siècle plus tôt16, un ouvrage anonyme de 1717 intitulé The Construction of Maps and Globes contient un appendix spécifique pour les voyageurs non spécialistes afin de rendre leurs observations utiles à la science17. Parmi les destinataires de ces instructions, nous trouvons les missionnaires, ce qui n’est guère surprenant. Les missionnaires étaient peut-être ceux parmi les Européens qui étaient le plus régulièrement en contact avec les populations extra-européennes, et parfois les seuls à avoir accès à certains territoires ; ils étaient également connus pour leur apprentissage très assidu des langues locales. Pour ce qui est du transfert d’informations vers l’Europe, l’une des destinations où les missionnaires, et en majorité les Jésuites, étaient dans une situation de quasi-monopole – sans pour autant sous-estimer leurs difficultés à s’y établir et à y maintenir leur mission – était la Chine.

Selon Christian Albertan, l’Europe moderne n’aurait pratiquement rien su de la Chine sans le travail des Jésuites18. Après les relations des missions de Ricci et la China monumentis d’Athanasius Kirchner (1667), la dernière contribution majeure des missionnaires à la perception européenne de la Chine a été la publication des Lettres édifiantes et curieuses, une collection de lettres de missionnaires de Chine, qui d’ailleurs servira de source à l’importante Description de la Chine de Jean-Baptiste Du Halde (1735). Cette collection de lettres est régulièrement republiée pendant tout le 18e siècle, dans une variété de langues. Bien que la réception de cette collection soit bien connue et même étudiée19, l’histoire de ce phénomène éditorial reste encore, pour l’essentiel, à explorer. C’est à ce travail que je voudrais contribuer, en y appliquant les concepts esquissés dans l’introduction : le dialogue difficile entre le contenu utile et le « fatras » dans les récits de voyage20. On a d’un côté un public friand d’informations venant d’un territoire spécifique qui joue un rôle majeur dans l’imaginaire européen. On a de l’autre, dans une situation de quasi-monopole, ceux qui fournissent ces informations : des Jésuites, avec toutes les connotations positives et négatives qui leur sont associées. C’est cette rencontre que j’étudierai ici, à partir d’un corpus de préfaces éditoriales françaises et anglaises pour diverses éditions des Lettres édifiantes – le travail pourrait et devrait être continué pour d’autres cultures et d’autres langues.

Les lettres jésuites apparaissent sous le titre « curieuses et édifiantes » à partir de 1702, mais les versions antérieures avaient des intentions similaires. Leurs auteurs diffusaient des informations scientifiques concernant la Chine en les associant toujours à des « histoires édifiantes ». Les destinataires de cet aspect édifiant n’étaient pas le grand public, mais surtout le public catholique, et en priorité les dignitaires à Rome. La mission en Chine était onéreuse, et d’autres groupes dans Rome étaient très critiques du travail des Jésuites. Ainsi, les rapports enthousiastes du nombre de convertis, et les récits d’actes héroïques accomplis, voire des martyres au nom de la foi, étaient conçus avant tout comme justifications de la présence jésuite en Chine.

Mais cet aspect édifiant était à la source de plusieurs conflits. Une de ces « histoires édifiantes », où la conversion de quelques jeunes nobles chinois mène à leur « martyre », a fini par être doublement instrumentalisée par Voltaire21. Aux yeux des Jésuites, cette histoire représentait une histoire du succès de leur mission (la conversion) et une preuve de sa difficulté (le martyre). Voltaire partage en fait la vision jésuite de la vie politique de la Chine, en voyant dans l’Empereur un despote éclairé (alors que Montesquieu présente au livre VIII de l’Esprit des Lois le pays comme un exemple de tyrannie, dirigé par la peur). Cependant, et de façon peu surprenante, cette histoire est devenue une arme entre les mains de Voltaire dans la bataille contre « l’Infâme », pour critiquer l’idée même du prosélytisme : les Jésuites y apparaissent comme représentants et symboles même du fanatisme religieux qui se propage dans des territoires autrefois paisibles.

Entre le moment de la naissance des récits de la mission Ricci et celui du compendium de Kirchner, un changement majeur s’opère à partir de la fin du 17e siècle dans la présence européenne en Chine : la direction de la mission jésuite d’Extrême-Orient est reprise par des Français, et par des auteurs qui sont pour la plupart formés non seulement en langues (tous les Jésuites en partance vers la Chine l’étaient, d’habitude à la maison de l’ordre à Goa), mais également en sciences. Du groupe envoyé en Chine avec le soutien de Louis XIV en 1685, certains – le personnage le plus connu de ce groupe est le père Avril – ont tenté de faire le trajet par terre, mais se sont heurtés à l’attitude peu coopérative du tzar. D’autres ont fait le trajet par mer – c’est le groupe que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de « mathématiciens du roi ». De ce groupe, le père Tachard est resté au Siam et est devenu une autorité incontournable sur ce territoire, tandis que cinq autres ont continué jusqu’en Chine – de ce groupe, le personnage le plus connu est le père Antoine Gaubil, astronome respecté dans toute la République des Lettres.

Comme le titre « mathématiciens du roi » l’indique, cette expérience jésuite avait, en plus de la mission évangélisatrice, une mission nationale et royale. L’absolutisme français était probablement considérablement moins critique envers les voyages que ne le suggère Paul Hazard dans sa présentation de l’époque de la « stabilité » (qui précèderait la « crise »)22; mais le flux d’information concernant toute forme d’altérité, et en particulier d’altérité religieuse et politique, devait être contrôlé. Du point de vue du gouvernement, des informations fournies par un groupe de Jésuites hautement qualifiés et fidèles autant au roi qu’à la foi servaient très bien des plans diplomatiques et commerciaux de longue haleine. Grâce à l’arrivée en Chine de ce groupe ayant reçu une formation scientifique, l’appréciation générale des récits jésuites a également considérablement augmenté : le travail des savants jésuites missionnaires pouvait être apprécié par les acteurs de la République des Lettres au même titre qu’ils avaient apprécié – non sans critiques et certainement pas à l’unanimité – le travail de l’organe scientifique jésuite les Mémoires de Trévoux. Ainsi, les récits jésuites pouvaient servir de base à la collecte d’informations pour des auteurs venant d’univers divers, comme en témoigne par exemple une table manuscrite des sujets discutés dans ces récits dans une édition des Lettres édifiantes que j’ai pu étudier à la James Ford Bell Library de Minneapolis.

Cette appréciation scientifique des Lettres édifiantes ne s’est pas faite sans heurts. Christian Albertan le souligne, souvent « on leur a reproché […] d’être orientées, filtrées et finalement peu crédibles23. » Même au sein des Jésuites, des conflits apparaissent : on reproche au père Du Halde de parler de la Chine sans y avoir résidé, et à d’autres leur culture scientifique insuffisante. Tous les Jésuites étaient considérés par leurs lecteurs comme étant d’une sinophilie excessive. Cependant, alors qu’un travail critique complexe sur les sources jésuites se déroule dans les milieux les plus éduqués – comme auprès des encyclopédistes – pour un plus large public, auquel les collections de voyage s’adressent, c’est surtout le côté « édifiant » qui pose problème.

Dans ce qui suit, je me concentre sur cet aspect précédemment peu étudié de la réception des Lettres édifiantes : à travers les préfaces des collections établies à partir des lettres, j’observe la façon dont ces documents essentiels mais souvent controversés sont présentés par les éditeurs, soucieux à la fois de vanter les mérites de leur « produit » mais également d’orienter la pensée de leurs lecteurs. Cette analyse se fera dans une comparaison anglo-française – pareil angle comparatif reste rare dans les travaux sur la réception de ces lettres.

Dans la publication originale des Lettres édifiantes et curieuses en français, leur mission apparaît de toute pureté : la préface présente en termes élogieux le travail des Jésuites, le « zèle de la gloire de Dieu », leurs résultats dans le travail de conversion, et annonce le double programme : ces lettres sont « aussi agréables qu’elles sont édifiantes »24. C’est ce même ton – et la même préface – qui apparaît dans la plupart des premières éditions étrangères des lettres elles-mêmes dans les pays catholiques, et même dans une première édition anglaise de 1707 qui semble s’être arrêtée, pour des raisons que nous ne connaissons pas et qui peuvent être trop variées pour permettre plus que de vaines spéculations, après seulement deux volumes25. Mais quelques années plus tard, dans une première collection anglaise de choix de lettres à partir des Lettres édifiantes, un programme différent s’esquisse. Cette collection se concentre sur l’usage scientifique : l’éditeur ajoute dans le titre le mot « learned » (savant) comme adjectif qualifiant « Jesuits », et la collection est riche d’une table des matières détaillée. La lecture doit être profitable pour toutes les personnes raisonnables : « every judicious Person will find sufficient Entertainment and Information in them… », et condamne ceux qui ne les apprécient pas : « perhaps there be some Palates so deprav’d as cannot find Satisfaction in any thing but what is Trivial and Romantick »26. Les éditeurs opinent que ces lettres doivent être publiées parce que, de toutes les personnes dont on peut espérer des récits de première main concernant la Chine, les missionnaires jésuites sont les mieux formés, et ils parlent même les langues locales.

Cependant, en ce qui concerne le contenu édifiant, une opinion différente est formulée : « some of the French letters have been entirely omitted, as containing nothing but Relations of the Conversions of Infidels and other Matters peculiarly appertaining to the Missioners, which would only have swell’d the Volume and perhaps been acceptable to None »27. Les éditeurs soulignent ici un double travail: à côté d’un jugement (plutôt modéré pour un auteur anglais) sur l’activité des missionnaires, on voit leur intention de débarrasser les récits du superflu, de les réduire à ce qui est utile. Pour expliquer le ton inhabituellement modéré à l’encontre des Jésuites, plus souvent vus comme « bêtes noires » outre-Manche, nous pouvons éventuellement indiquer les dates de publication : 1713–1714 est un moment où, avec la fin de la guerre de succession d’Espagne et avec la paix d’Utrecht, les relations franco-anglaises commencent à se normaliser, et en conséquence, cette mission jésuite, en majorité française et sous protection royale, pouvait être présentée sous un angle modéré.

Alors qu’en France, on continue la publication des lettres dans leur version originale, en Angleterre une deuxième compilation voit le jour un quart de siècle plus tard. Cette nouvelle édition est publiée à partir de 1743 par John Lockman, poète mineur mais traducteur important (on lui doit par exemple la traduction des Lettres philosophiques de Voltaire). Le contexte politique est radicalement différent : nous sommes à l’époque de la guerre de succession d’Autriche, et une 2e édition de la même collection verra le jour en 1762, pendant la guerre de Sept ans28. L’ouvrage se présente (à tort) comme une première collection des lettres de Jésuites en anglais ; il contient aussi quelques textes d’origine différente.

Le ton change considérablement – un fait qui peut s’expliquer autant par le contexte de guerre, par les attentes du public (le public anglais toujours enclin à voir les Jésuites sous un jour très négatif), ou par les convictions personnelles de Lockman qui a aussi publié des récits de persécutions vécues par des Protestants dans divers pays. L’introduction annonce le programme :

« As the geographical and other Particulars found in them [les Lettres édifiantes] are intermix’d with a long Detail of the Miracles, as well as of the Conversions which the Jesuits declare they make in their missions, it was necessary for me to expunge all Incidents of this Kind (those excepted, here and there, which I presumed might entertain) such appearing quite insipid or ridiculous to most English Readers, and indeed to all Persons of Understanding and Taste29. »

Les changements depuis l’édition de 1714 sont d’envergure. L’idée de réduire la quantité d’informations moins, ou peu, utiles persiste, et seuls certains détails de l’activité prosélyte seront conservés, sous couvert « d’amuser » le lecteur. Le « devoir du lecteur » est également conçu différemment : en 1714, le lecteur de quelque éducation se voyait sommé d’apprécier le contenu scientifique des Lettres – cette fois, tout lecteur anglais, et en fait tout lecteur « of Understanding and Taste » doit trouver ridicule les éléments qui relèvent de l’aspect édifiant, conversions ou miracles.

Lockman réitère l’opinion que les récits des Jésuites doivent être appréciés en raison du fait qu’ils sont éduqués et qu’ils résident dans le pays; ils sont préférables aux marchands qui ne font que traverser le pays. Mais il ajoute une distinction supplémentaire : il préfère les Jésuites français à ceux de l’Espagne, du Portugal ou de l’Italie (il ne mentionne pas les Allemands), venant de pays où la superstition règne: « In all probability, the Jesuits adapt their writings to the Genius and Capacity of their respective countrymen30. » Je suggère que cette distinction concernant les « pays de la superstition » préfigure déjà le puissant sentiment anti-catholique qui dominera la littérature gothique anglaise, qui se développe légèrement plus tard, et dans laquelle les territoires catholiques du Sud de l’Europe seront le théâtre de différents événements tragiques, attribués le plus souvent à la « superstition » catholique barbare.

Les opinions plus modérées de Lockman sur les Jésuites français s’appuient sur quelques échanges qu’il a eus en personne avec eux – les « mathématiciens du roi » français étaient, en effet, plus appréciés que d’autres Jésuites. Mais cette attitude en apparence moins critique n’est guère plus qu’une façon de dire « certains de mes meilleurs amis sont des Jésuites ». Dans son travail d’éditeur, Lockman ne se contente pas de purger les Lettres édifiantes de tout ce qui aurait pu être indigeste aux lecteurs anglais – dans certains cas, d’une page de l’original seules deux ou trois lignes demeurent – et de laisser quelques éléments « absurdes » pour amuser le lecteur. « As an Admirer of (their knowledge), I endeavoured to do Justice to their compositions; and as an Abhorrer of (their) Maxims and horrid Practices, I introduced many satirical Incidents and Reflections from the most celebrated of their opponents31. » Lockman interfère activement dans le texte, le compare avec d’autres sources qui le contredisent, et par cela, accentue et met en relief ce qu’il considère être le travail idéologique « choquant » des Jésuites.

La donne change en France également. L’activité des Jésuites en Chine, née sous l’égide royale, avait été occasionnellement critiquée, souvent en relation avec des critiques formulées contre l’absolutisme. Mais des changements majeurs s’opèrent après 1763 et le bannissement des Jésuites de la France. Ils sont attaqués d’un côté par d’autres factions chrétiennes : un ouvrage de 1765 (qui se présente comme une traduction mais dont l’original reste à identifier) tente de prouver que trois martyres qui ont été tués en Chine ne sont pas, en effet, des Jésuites : au contraire, les Jésuites « par une basse et odieuse jalousie, ont été les persécuteurs, et pour ainsi dire, les bourreaux de ces Martyrs. Des Lettres écrites en cette année même par les Capucins qui résidaient au Japon, lesquelles font partie de ces pièces, et la relation d’un officier qui était alors sur ces lieux, mettent ces faits au-dessus de toute contradiction: c’est l’arrestation de témoins oculaires »32. Cet ouvrage fait preuve en même temps d’un gallicanisme clair, suggérant que le catholicisme peut fleurir en France sans les Jésuites, et ne demande guère d’intervention papale.

Mais, malgré le bannissement de l’ordre de la France, il existe toujours un public pour les informations contenues dans les Lettres édifiantes – et une demande apparaît pour une version qui serait purgée de l’apparat idéologique qui les encombrait. L’un des continuateurs de l’Histoire générale des voyages de Prévost, Rousselot de Surgy, en crée donc une version « filtrée »33. La préface de la collection originale (qui ne figure pas dans la version « pirate » de cette collection, publiée à Yverdon) esquisse un message clair.  L’éditeur pense que les lecteurs de la collection originale des Lettres édifiantes ont été choqués et par sa longueur, et par son ton :

« S’il y rencontre des observations intéressantes sur certaines contrées peu connues, sur leurs productions, sur les mœurs et les usages de leurs habitants, elles sont noyées dans un fatras de détails minutieux, de récits absurdes qui ne peuvent trouver de créance que parmi les dévots imbéciles, ou dans des esprits attachés par fanatisme, au parti des éditeurs de l’ouvrage. Des 36 volumes in-12 dont ils sont composés, pas un seul qui n’offre une narration pompeuse de miracles, une énumération journalière, un calcul exagéré des conversions, de baptêmes et d’autres œuvres sacrées de ce genre, opérées par le ministère de plusieurs Missionnaires Jésuites, que leurs pieux confrères nous donnent pour autant de saints, et auxquels ils assignent à leur gré le rang glorieux, de confesseurs ou de martyres. […] A l’égard des observations physiques et morales que contient cette collection épistolaire, on ne peut pas leur refuser de l’estime, et elles le méritent en effet34. »

Le ton et le programme idéologique de la préface sont similaires à ceux de Lockman : ces récits de conversion ne sont appréciés que par des « dévots imbéciles ». Par contre, le programme de travail de rédaction qui en résulte est plus proche de celui de l’édition anglaise de 1714 : on ne publie pas de détails savoureux et absurdes juste pour amuser le lecteur, l’essentiel est de supprimer les « détails minutieux ». Le « devoir du lecteur » se situe, encore une fois en parallèle avec la version anglaise de 1714, dans l’appréciation du contenu scientifique. Plus spécifiquement dans un contexte français, on voit que le public est celui des Lumières : l’attaque dirigée contre l’esprit dévot et le fanatisme évoque des associations claires pour les lecteurs français. Ceci dit, la collection a pour but moins l’inculcation idéologique que l’utilité au lecteur. Rousselot de Surgy continue la logique de l’Histoire générale de voyages, qui est d’organiser plusieurs récits en une narration continue, et produit une version des relations jésuites appropriées à un usage savant, accompagnée de notes et d’une table détaillée.

Pendant les premières années de la dernière décennie de l’Ancien régime, une nouvelle édition des Lettres édifiantes et curieuses voit le jour. La préface de son éditeur se positionne ouvertement contre les éditions récentes du texte, dont la version de Rousselot de Surgy. Les accusations contre les Jésuites disparaissent : selon l’éditeur de la collection, le travail des Jésuites en Chine « a été entrepris sans ces motifs de vanité qu’on prête assez légèrement à ceux qui en sont les Auteurs ». Au-delà de la défense du corps religieux, le ton de cette préface annonce nettement un retour vers un catholicisme en besoin d’expansion : « que de Peuples encore plongés dans la nuit de l’ignorance et de la superstition ! que de Nations pour qui l’Aurore des vérités Chrétiennes ne commence qu’à luire ! la moisson est abondante, mais les ouvriers sont rares35. »

Qu’est-ce qui a changé depuis la dernière édition, formulée comme un manifeste des Lumières et condamnant le fanatisme ? D’un côté, le contexte politique immédiat a certainement eu un impact : les conflits anglo-français (la guerre en Amérique) ont mené à l’émergence d’un sentiment national français plus prononcé, un processus souligné par Edmund Dziembowski à propos de la guerre de Sept ans36, et qui se poursuit au cours du conflit franco-anglais suivant. Mais le contexte intérieur change également. L’expulsion des Jésuites a été un triomphe du « parti philosophique », mais l’élan au sein de ce parti même se modère après 1775. Parallèlement, comme l’ouvrage de James Clarke Oriental Enlightenment le souligne, la « sinomanie » est plus modérée après 177037, ce qui permet un retour vers une lecture plus « spirituelle » des Lettres édifiantes. Dans la tourmente idéologique de la dernière décennie de l’Ancien régime, une aspiration aux valeurs traditionnelles peut certainement en tenter plus d’un, et les livres de voyage ont pu être mis au service d’un programme conservateur38. L’expression « la moisson est abondante mais les ouvriers sont rares » annonce un retour vers un imaginaire augustinien, mais en même temps n’est pas sans préfigurer Chateaubriand.

Cette dernière version est un peu un cas à part dans notre analyse puisqu’il s’agit d’une nouvelle version de la collection originale, et pas d’un choix de lettres édité, où l’éditeur aurait été forcé d’effectuer des choix pour réduire la longueur du texte. Dans les versions anglaises et dans la sélection de Rousselot de Surgy, nous constatons un travail très précis qui cherche à débusquer dans les lettres le contenu idéologique, et soit à l’exclure (dans l’édition anglaise de 1714 et chez Rousselot de Surgy) ou à le ridiculiser (chez Lockman). Mais ce travail a-t-il été couronné de succès ?

D’un côté, on pourrait suggérer que ceci a bien été le cas : dans l’imaginaire européen des périodes ultérieures, malgré le fait que les Lettres édifiantes et les autres publications jésuites étaient une source quasi-exclusive d’informations relatives à la Chine, l’idée de la Chine n’est pas indissolublement liée à l’activité des missionnaires jésuites. Mais en fait, cette victoire n’est que partielle. Comme plusieurs ouvrages l’ont souligné, même les faits scientifiques (notamment ethnologiques) rapportés dans les Lettres édifiantes étaient profondément jésuites quant à leur nature, et modifiaient souvent certains éléments là où leurs critiques dans le camp philosophique s’en doutaient le moins. L’image de la Chine qui y est diffusée sert leur propos et leurs objectifs – justifier leur activité face à Rome et à leurs concurrents.

Comme des spécialistes de la culture chinoise l’ont maintes fois démontré, l’image transmise est filtrée et orientée dans certaines directions spécifiques – et est souvent à l’origine de malentendus durables concernant et la vue d’ensemble et les détails spécifiques de la Chine39. Les Jésuites ont omis ce qui ne servait pas leur objectif, comme par exemple les profondes croyances animistes qu’ils ont rencontrées en Chine. L’image d’une Chine non chrétienne, mais dotée d’une morale comparable à celle du christianisme, créée et diffusée par les lettres jésuites, a perduré jusqu’au 20e siècle, tout comme les parallèles entre Confucius et Jésus ou l’image même du « sage » chinois40. Jean-François Billeter annonce : « Les Jésuites n’ont rien inventé, ils se sont contenté d’adapter à leur propre fin une vision de la Chine41. » La dissémination de cette Chine fortement idéologisée, dans les cercles les plus divers, peut être considérée une victoire posthume de la mission jésuite qui, à l’époque de son activité et immédiatement après, a été âprement critiquée, souvent tournée en ridicule, et n’a pas mené à bien son objectif immédiat de conversion. Christian Albertan souligne que les petites modifications ne s’arrêtent pas avec les Jésuites – de leur côté, les encyclopédistes ont utilisé à leurs fins, et souvent détourné les récits jésuites. Entre les deux camps, la Chine devient un enjeu et un à-propos – la vérité sur le pays, peut-être parce qu’elle était moins essentielle que les usages que l’on pouvait en faire, « continue à nous échapper »42.

Cette histoire des éditions des Lettres édifiantes est-elle différente de nombreuses autres histoires similaires autour des éditions et ré-éditions (dans des collections de voyages ou ailleurs) de récits de voyage ? D’un côté, nous y retrouvons les mêmes intentions, comme le « disencumbering the lumber » (se débarasser du fatras) de Smollett. Mais c’est une histoire d’extrêmes – extrême quant à la quantité (inévitable) de « fatras » idéologique, quant au refus extrême de ce fatras par certains éditeurs, et quant à l’acceptation acceptation extrême, sans critique, du contenu non idéologique des mêmes lettres par d’autres. La transformation que subit la Chine aux mains des divers acteurs européens est, elle aussi, plutôt extrême. En fait, préoccupée par la critique scientifique des récits jésuites, l’opinion publique savante européenne semble être relativement peu informée des critiques adressées aux Jésuites par leurs concurrents, les autres groupes de missionnaires, sans doute parce que l’image d’une Chine éclairée quoique non chrétienne convenait à leur programme à eux43. Ainsi, l’opposition entre le contenu savant de ces relations de mission/voyage et les usages dont en faisait le public scientifique, et l’intention avec lesquelles elles ont été rédigées, reste non résolue dans ce labyrinthe de narrations et idéologies qui s’opposent.


  1. Je souhaite remercier la bibliothèque James Ford Bell de l’Université de Minnesota. Grâce à une bourse de la William Reese Company, j’ai pu passer un mois très productif à consulter leur formidable collection de récits de voyages.↩︎

  2. R. Pomeau : « Voyages et Lumières dans la littérature française du dix-huitième siècle », Studies in Voltaire and the Eighteenth Century 57, 1967 : 1269–1289.↩︎

  3. M. Duchet : Anthropologie et histoire au siècle des Lumières : Buffon, Voltaire, Rousseau, Helvétius, Diderot, Paris : Maspero, 1971.↩︎

  4. V. une analyse sérielle de la présence des livres de voyage dans des bibliothèques de la France du 18e siècle dans ma thèse, Ecrire les voyages, lire les voyages : une communication littéraire au 18e siècle (thèse doctorale), Budapest : ELTE, 2005 ; pour la présence des livres de voyage dans les comptes rendus de la presse, voir Y. Marcil : La fureur des voyages. Les récits de voyage dans la presse périodique (1750–1789), Paris : Honoré Champion, 2006.↩︎

  5. J. M. Gros de Besplas (abbé) : De l’utilité des voyages relativement aux sciences et aux mœurs. Discours de réception à l’Académie de Béziers, Paris : Berthier, 1763.↩︎

  6. Ibid. : 3.↩︎

  7. Duchet: Histoire et anthropologie, op.cit. : 90.↩︎

  8. Strabon : Géographie, livre 1, 2, 23. « Tous les voyageurs sont menteurs » est la version que donne le chevalier Jaucourt dans l’article « Voyage » de l’Encyclopédie.↩︎

  9. Editée par l’intellectuel huguenot Henri Basnage de Beauval, cette édition est connue comme la « version protestante » du dictionnaire de Furetière. Dictionnaire universel : contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes…, La Haye & Rotterdam : Arnoud et Reinier Leers, 1701.↩︎

  10. La traduction moderne française est : « Tout homme aime se vanter quand il raconte ses périples ». Strabon : Géographie, texte établi et traduit par Germaine Aujac, Paris : les Belles-Lettres, 1060 : 113.↩︎

  11. Pour une étude des efforts de Voltaire pour s’écarter du genre des voyages, v. mon livre Philosophies du voyage : visiter l’Angleterre aux 17e–18e siècles, Oxford : Voltaire Foundation, 2006, chapitre V., et Introduction pour une discussion du statut du voyage comme genre.↩︎

  12. Pour cette esthétique des récits de voyage, toujours en évolution, v. M.-C. Pioffet & A. Motsch (eds.) : Ecrire des récits de voyage (XVIe–XVIIIe siècles). Esquisse d’une poétique en gestation, Québec : Presses de l’Université Laval.↩︎

  13. R. Hakluyt : The Principal Navigations: Voyages, Traffiques, and Discoveries of the English Nation (London, 1598–1600) – un projet d’édition critique à paraître chez Oxford University Press, dirigé par Claire Jowitt et Daniel Carey, approche de son terme.↩︎

  14. A. F. Prévost abbé (ed.) : Histoire générale des voyages, ou nouvelle collection de toutes les relations de voyages par mer et par terre [] contenant ce qu’il y a de plus remarquable, de plus utile et de mieux avéré…, Paris: Didot, 1746–1759.↩︎

  15. T. Smollett (ed.) : A Compendium of Authentic and Entertaining Voyages, digested in a Chronological Series (etc.), London, 1756, 7 vols, I/VIII.↩︎

  16. R. Boyle : General Heads for the Natural History of a Country, Great or Small; Drawn out for the Use of Travellers and Navigators, publié pour la première fois dans le tout premier numéro des Philosophical Transactions de la Royal Society de Londres en 1665.↩︎

  17. (anon) : The Construction of Maps and Globes, in two parts… To which is added an Appendix wherein the present state of Geography is considered [] intermix’d with some necessary cautions, helps, and directions for the Map-makers, Geographers, and Travellers, London: T. Horne, etc., 1717.↩︎

  18. C. Albertan : « La Chine, les Jésuites et l’Encyclopédie », in: M. Descargues-Grant (ed.) : Récit de voyage et Encyclopédie, Valenciennes : Presses Universitaires de Valenciennes, 2011 : 55–72, p. 57.↩︎

  19. Pour leur image de l’Amérique, v. A. Paschoud : Le monde amérindien au miroir des « Lettres édifiantes et curieuses », Oxford : Voltaire Foundation, 2006 ; pour la Chine plus spécifiquement v. M.-J. Fresnais-Maître : « The Edifying and Curious Letters : Jesuit China and French Philosophy », in Y. Zheng (ed.) : The Chinese Chameleon Revisited : From the Jesuits to Zhang Yimou, Newcastle upon Tyne : Cambridge Scholars, 2013 : 34–60. Plus généralement, v. par exemple R. Etiemble : L’Europe chinoise, Paris : Gallimard, 1988, la thèse de V. Pinot : La Chine et la formation de l’esprit philosophique en France (1640–1740), Paris : P. Geuthner, 1932 et B. Guy : The French image of China before and after Voltaire, Genève : Institut et Musée Voltaire, 1963. Pour une importante inversion de la perspective mettant au centre les distorsions que la réalité chinoise souffre aux mains des Européens, v. le travail de M.-J. Fresnais-Maître et Z. Shi, « L’image de la Chine dans la pensée européenne du XVIIIe siècle : de l’apologie à la philosophie pratique », Annales historiques de la révolution française 347, 2007 : 93–111.↩︎

  20. Souligné en particulier pour le cas de l’Encyclopédie par C. Albertan, op.cit. : il met en évidence que le « voyage par procuration » des encyclopédistes en Chine est dirigé par leurs adversaires farouches, les Jésuites.↩︎

  21. Pour une étude de la démarche de Voltaire, notamment dans le dernier chapitre du Siècle de Louis XIV, v. D. Morgan : « Sources of Enlightenment : The Idealizing of China in the Jesuits’ Lettres édifiantes and Voltaire’s Siècle de Louis XIV », Romance Notes XXXVII, 1997 : 263–272.↩︎

  22. V. P. Hazard : La crise de la conscience européenne, Paris : Boivin, 1935, ch. I – « De la stabilité au mouvement » souligne la « mise en mouvement » de la culture européenne autour de 1685 – Paul Hazard suggère que la période antérieure est caractérisée par une forte méfiance envers les voyages.↩︎

  23. C. Albertan : « La Chine, les Jésuites et l’Encyclopédie », op.cit. : 63.↩︎

  24. Lettres édifiantes et curieuses, écrites des missions Etrangères par quelques missionnaires de la Compagnie de Jésus, Paris : Nicolas le Clerc, 1703–1764, 34 vols, vol I, préface, VI–VII.↩︎

  25. Edifying and curious letters of some Missioners of the Society of Jesus from foreign missions. Being a translation of part of the collection entitled “Lettres édifiantes et curieuses” by C. Le Gobien, and comprising letters from China, the East Indies, and Syria. London (?): 1707–1709, 2 vols.↩︎

  26. (anon): The Travels of Several Learned Missioners of the Society of Jesus, into Divers Parts of the Archipelago, India, China and America… Translated from the French original publish’d at Paris in the year 1713, London: R. Gosling, 1714, preface, V.↩︎

  27. Ibid. : VI.↩︎

  28. J. Lockman (ed.) : Travels of the Jesuits, into Various Parts of the World, Compiled from their Letters, now first attempted in English. Intermix’d with Account of the Manners, Government, Religion etc. of the several Nations visited by those Fathers, with Extracts from other Travellers, and miscellaneous Notes, London: for John Noon, 1743 (2nd ed., 1762).↩︎

  29. Ibid. : VI.↩︎

  30. Ibid. : X.↩︎

  31. Ibid. : XVI.↩︎

  32. Recueil de pièces … où il est prouvé que les trois Martyrs dont parle la Bulle n’étaient point Jésuites. En France (sic) : 1765, VI–VII.↩︎

  33. J. P. Rousselot de Surgy (ed.) : Mémoires géographiques, physiques et historiques sur l’Asie, l’Afrique et l’Amérique, tirés des Lettres Edifiantes, et des Voyages des Missionnaires Jésuites. Paris : Durand, 1767.↩︎

  34. Ibid. : I–II.↩︎

  35. Lettres édifiantes et curieuses…, nouvelle édition, 1780–1783, Paris : J. G. Merigot le jeune, pp. VIII–IX et XIII.↩︎

  36. E. Dziembowski : Un nouveau patriotisme français, 1750–1770. La France face à la puissance anglaise à l’époque de la guerre de Sept Ans. Oxford : Voltaire Foundation, 1998.↩︎

  37. J. J. Clarke : Oriental Enlightenment : The Encounter between Asian and Western Thought, London: Routledge, 1997.↩︎

  38. Dans le chapitre VII de Philosophies du voyage, j’analyse le cas du récit de François Lacombe, Londre (sic, Paris : 1777), un ouvrage qui, aux yeux du censeur royal, devient un « éternel antidote contre la morale dépravée et contagieuse de nos prétendus Philosophes ».↩︎

  39. V. par exemple l’étude de cette mécompréhension et déformation dans Etiemble : L’Europe chinoise, et dans F. Moureau : « Missionnaires et voyageurs en Chine à l’âge classique: le Moi et l’Autre », in Le Voyage à l’époque moderne, publication de l’Association des Historiens Modernistes des Universités, Presses Universitaires Paris-Sorbonne, 2004 : 23–26.↩︎

  40. L’image du « sage » chinois se trouve déjà chez Montaigne. Pour une analyse de la propagation de ces exemples, v. M.-J. Fresnais-Maître : « The Edifying and Curious Letters », op.cit. ↩︎

  41. J.-F. Billeter : Contre François Jullien, Paris : Allia, 2006 : 14, cité par M.-J. Fresnais-Maître : « The Edifying and Curious Letters », op.cit. : 39.↩︎

  42. C. Albertan : « La Chine, les Jésuites et l’Encyclopédie », op.cit. : 72.↩︎

  43. Mark Hulliung souligne que Montesquieu était l’un des rares à se poser des questions quant à l’intentionnalité des textes écrits par des Jésuites : v. Montesquieu and the Old Regime, Berkeley : University of California Press, 1977 : 100 sqq.↩︎