Verbum – Analecta Neolatina XXIII, 2022/1
ISSN 1588-4309; ©2022 PPKE BTK
Abstract
This paper deals with the contrastive analysis of the French connective or and its Serbian equivalents. Bearing in mind the complex nature that characterizes this function word and also the fact that it does not have a specific semantic correspondent in Serbian, we first offer a theoretical introduction to its main diachronic and synchronic features in an effort to identify some of the factors that conditioned its grammaticalization in French. We further focus on describing different values of its translation possibilities into Serbian. The theoretical part of the work is followed by a quantitative and qualitative analysis of aligned and contextualized examples, in order to provide a greater variety of possible pragmatic equivalents, while also paying special attention to their distribution properties. Finally, in the concluding section, we point out the most common problems related to the acquisition of this connective by Serbian-speaking learners.Le présent article est consacré à l’étude contrastive du connecteur français or et ses possibilités de traduction en serbe. Compte tenu de la nature complexe caractérisant ce mot fonctionnel, nous proposons d’abord une introduction théorique sur ses différentes propriétés étymologiques, sémantiques, syntaxiques et pragmatiques, dans l’intention d’englober les facteurs qui ont conditionné sa grammaticalisation en français. En outre, nous nous focalisons sur la description des valeurs sémantiques et pragmatiques de ses traductions en langue serbe. La partie théorique du travail est suivie d’une analyse approfondie d’exemples alignés et contextualisés, ce qui devrait rendre compte d’une plus grande variété d’équivalents pragmatiques de or en serbe, surtout par rapport aux solutions proposées dans des dictionnaires bilingues de type général.
Plusieurs travaux de recherche ont déjà abordé cette problématique sous différents angles, que ce soit d’un point de vue diachronique (Ollier 1995 ; Bougy 2000 ; Bertin 2001 ; Nølke 2006 ; Librova 2008 ; Hansen 2018) ou synchronique, monolingue ou contrastif – avec notamment les contributions de M. Tricas (1990) et J. Rey (1999) pour l’espagnol ou, plus récemment, celles de L. Iordanskaya & I. Mel’čuk (2017) et M. Becker & M. Donazzan (2017) pour le russe et l’italien respectivement. L’accroissement du nombre d’articles récents sur le fonctionnement de or témoigne de l’intérêt qu’il suscite dans le domaine de la linguistique textuelle, et cela pour plusieurs raisons. D’abord, la question de sa traduction peut s’avérer particulièrement sensible. Ainsi L. Iordanskaya et I. Mel’čuk qualifient-ils ce morphème de « mystérieux » et d’« idiosyncratique », tout en signalant qu’il n’est pas doté d’équivalents sémantiques russes à proprement parler, mais seulement de quelques « quasi-équivalents » fonctionnels (2017 : 131–132). À l’instar de ces auteurs, J. Rey souligne que les dictionnaires bilingues ont souvent des difficultés à cerner toutes ses nuances de sens, vu que son interprétation dépend largement du contexte spécifique, du type de la séquence textuelle donnée et de certains facteurs extralinguistiques (1999 : 414). De même, conformément aux constats de M.-L. Ollier, auteure de plusieurs analyses diachroniques de or, chaque tentative d’étude de son fonctionnement représenterait un « défi de taille » (1995 : 13).
Ayant à l’esprit la complexité sémantico-pragmatique de or, le but principal de notre analyse consiste à déceler un maximum de ses possibilités de traduction en serbe, ainsi qu’à rendre compte des caractéristiques qu’ils présentent sur les plans syntaxique, textuel et stylistique. Enfin, mis à part son apport dans le cadre de la traductologie, cette recherche vise à proposer des solutions pour son traitement en didactique du français langue étrangère, vu les difficultés pratiques que rencontrent les apprenants serbophones lors de son acquisition.
De manière générale, les dictionnaires et les grammaires du français analysent or comme une conjonction de coordination (Riegel et al. 1994 : 525–527). Les conjonctions de coordination proprement dites et, mais, ni et ou peuvent relier des éléments au niveau des mots, des syntagmes et des phrases, alors que les conjonctions telles que donc, car et or ont des propriétés distributionnelles plus restrictives, étant exclusivement limitées au niveau propositionnel (Grevisse & Goosse 2007 : 1392). D’ailleurs, certaines classifications remettent en question leur appartenance à la catégorie des conjonctions (cf. Iordanskaya & Mel’čuk 2017). D’après les auteurs du Précis de grammaire historique de la langue française, hormis et et ou, toutes les autres conjonctions de coordination sont des adverbes désémantisés et grammaticalisés, dont le sens adverbial de base devient « vague » avant de disparaître complètement (Brunot & Bruneau 1933 : 562, 648). En ce qui concerne or, cette conjonction ne peut que relier deux unités au niveau interphrastique. En effet, les grammaires du français contemporain soulignent surtout sa fonction introductive, puisqu’elle sert à signaler une nouvelle information relançant le récit ou l’argumentation (Riegel et al. 1994 : 527).
Le Trésor de la Langue Française informatisé (dorénavant TLF) différencie ses emplois narratifs et argumentatifs. Ainsi, employé dans un récit, or « introduit […] le fait qui en assure la progression ou qui le réoriente », d’où son rôle spécifique dans le maintien de la progression textuelle. Typiquement, il occupe la position frontale, parenthétique ou non, ce qui conditionne le renforcement de sa fonction connective. Quant à la nature de l’élément que or introduit dans un récit ou dans une séquence argumentative, il peut avoir soit une valeur adversative, soit une valeur explicative/justificative, suivant qu’il contredit l’énoncé précédent ou qu’il y apporte une précision complémentaire. Enfin, or argumentatif a également la fonction d’accentuer un nouvel élément permettant de tirer une conclusion implicite ou explicite.
M.-B. M. Hansen (2018) étudie les propriétés de l’adverbe latin nunc en le comparant à ses équivalents du français ancien et contemporain à la lumière de la théorie de cyclicité sémantico-pragmatique, phénomène observable dans plusieurs langues aux niveaux diachronique et/ou synchronique. L’étude comparative des adverbes nunc, or et maintenant offre un bel exemple de ce qui est considéré comme le type onomasiologique de la cyclicité semantico-pragmatique. Contrairement à la cyclicité sémasiologique, la cyclicité onomasiologique concerne deux ou plusieurs formes historiquement non apparentées qui développent pourtant des propriétés sémantiques et fonctionnelles identiques ou très similaires. En guise d’illustration, l’auteure propose un aperçu de l’évolution de l’adverbe latin nunc et des adverbes français or et maintenant. Bien que ces lexèmes soient dérivés d’étymons différents, ils ont tous à l’origine une valeur temporelle référant au temps de l’énonciation, à partir de laquelle se développent les mêmes acceptions non temporelles (Hansen 2018 : 128–130). L’adverbe latin nunc n’a pas de descendant en ancien français. À défaut d’attestations écrites en latin vulgaire, il aurait disparu avant la différenciation des langues romanes. Sa place dans le système lexical est occupée par la forme contractée or, dérivée de la locution latine hāc horā (2018 : 130–131). Il convient de noter qu’en ancien français le morphème or, tout comme nunc en latin, est un adverbe d’énonciation, indiquant une action accomplie hic et nunc « ici et maintenant » par l’énonciateur, conformément à la perspective énonciative d’A. Culioli (Ollier 1995 : 14). Il s’agit donc d’un embrayeur typique, en tant qu’unité pragmatique dont l’interprétation correcte dépend du cadre spatio-temporel de l’énonciation (Maingueneau 2009 : 52–53).
D’après C. Bougy, les adverbes temporels nunc (« à cette heure-ci ») et tunc (« à cette heure-là) sont utilisés en latin classique de manière antithétique, vu que tunc n’appartient pas au moment de l’énonciation. Il en va de même pour leurs descendants sémantiques en ancien français or et lors (2000 : 39–40). Toutefois, suite aux processus successifs de la grammaticalisation, or perd progressivement son sème temporel, pour se transformer en conjonction de coordination et finalement en connecteur logique à valeur oppositive, conclusive et même confirmative. L’affaiblissement de son acception temporelle entraîne un nouveau glissement dans le système lexical. C’est le lexème maintenant, forme lexicalisée à partir du gérondif latin manu tenendo, qui le remplace et devient le marqueur prototypique désignant le temps de l’énonciation hic et nunc dès le français classique. Par ailleurs, certaines études récentes rendent compte d’un processus similaire observable au niveau synchronique, puisque maintenant est lui aussi en train de perdre son statut d’embrayeur en faveur d’autres valeurs non déictiques (Bertin 2001 : 42).
En ancien français, l’adverbe or peut occuper soit la position initiale, soit la position médiane (Ollier 1995 : 14). Cependant, il semble avoir une plus grande prédilection pour la position initiale. Cet attachement à la position frontale, ainsi que la brièveté formelle, influencent particulièrement sa grammaticalisation en ancien français, conditionnant ensuite le développement de sa fonction conjonctive (Librova 2008 : 7). Parallèlement, on constate un accroissement considérable de sa force illocutoire, ce qui laisse supposer l’essor d’une fonction purement pragmatique – celle du marqueur de discours – qu’il réussit à conserver jusqu’à nos jours (Hansen 2018 : 134).
Outre la fixation en position frontale, d’autres facteurs ont certainement entraîné la transformation de son contenu sémantique. L’une des analyses détaillées de l’évolution de plusieurs adverbes temporels français du Xe jusqu’à la fin du XVIe siècle montre que or possède déjà une espèce de valeur adversative au cours du XIIe siècle, perceptible d’abord dans des séquences dialogales où il sert à introduire « un procès au présent confronté à un procès précédent au passé » (Bougy 2000 : 56). De même, conformément aux constats de B. Librova, certains indices de l’apparition de ses valeurs argumentatives surgissent dans les premières branches du Roman de Renart (XIIe–XIIIe siècles), comme le démontrent quelques exemples où il introduit des éléments rhématiques contredisant l’horizon d’attente des lecteurs (auditeurs). En effet, employé au sein d’une séquence narrative, or établit soit une différence, soit une opposition plus ou moins évidente entre l’énoncé E1 (souvent à l’imparfait) et l’énoncé E2 (souvent au passé composé à valeur résultative ou au présent historique). C’est ainsi qu’il obtient le rôle de conjonction de coordination renforçant l’opposition entre deux propositions au niveau interphrastique ou bien marquant une rupture dramatique dans la structure thématique du récit (Librova 2008 : 4–5).
Un autre facteur qui aurait pu influencer le glissement de sens et, par conséquent, le développement ultérieur de ses nouvelles valeurs pragmatiques, c’est le passage progressif de la prose orale, le moyen le plus courant de diffusion des œuvres littéraires au Moyen Âge, à la prose écrite (Librova 2008 : 13). Il est à noter que la littérature médiévale se transmet oralement de génération en génération et que le grand public – majoritairement illettré à l’époque – n’a pas d’accès aux versions écrites des ouvrages, réservées à une communauté restreinte de clercs et de moines scolarisés auprès des monastères (Perret 2006 : 17–18). Le passage de la prose orale, se distinguant par son caractère spontané, à la prose écrite favorise considérablement l’évolution sémantique et pragmatique de or. D’abord employé comme un embrayeur typique pour les formes littéraires in praesentia, il se détache ensuite de son signifié temporel pour acquérir le rôle de déixis à portée textuelle, dont le but principal est d’attirer l’attention du public, tout en établissant une opposition par rapport à l’énoncé précédent (Nølke 2006 : 397–398). C’est avec la diminution de la place de l’oralité et le passage à la narration écrite que ce mot, embrayeur prototypique faisant référence au temps zéro de l’énonciation, dépasse son environnement spatio-temporel pour adopter de nouvelles fonctions essentiellement pragmatiques (Perret 2006 : 28 ; Librova 2008 : 13). Enfin, dès le français classique, ses valeurs temporelles cèdent complètement la place aux emplois non temporels (Nølke 2006 : 399 ; Hansen 2018 : 136), comme en témoigne, entre autres, l’émergence de sa valeur d’articulateur logique, attestée depuis la fin du XVIe siècle, dont l’un des exemples les plus célèbres serait le syllogisme « Tous les hommes sont mortels. Or, Socrate est un homme. Donc, Socrate est mortel » (Rey 1999 : 414).
Un bref aperçu des études précédentes consacrées au fonctionnement du morphème or confirme un vif intérêt pour son évolution historique. Si l’approche diachronique est la seule susceptible d’éclaircir les causes de sa transformation sémantico-pragmatique, il est à noter que ce connecteur ne cesse de subir de changements importants même de nos jours. Certes, il est absent de la langue orale et se fait de plus en plus rare dans le discours littéraire, mais il reste très fréquent dans le discours scientifique, y compris des ouvrages de vulgarisation scientifique (Rey 1999 : 412). J. Rey propose une analyse détaillée des emplois modernes de or en comparaison avec ses équivalents pragmatiques espagnols, ce qui permet de rendre compte de ses trois valeurs principales au niveau synchronique :
1) or en tant qu’introducteur d’un argument anti-orienté vise à établir une opposition plus ou moins forte entre les énoncés p et q. Ce type spécifique de réorientation argumentative peut aboutir soit à une réfutation totale de p, soit à une invalidation partielle atténuée (valeur concessive). Voilà pourquoi cet emploi est le plus souvent traduit en espagnol par la conjonction adversative de base pero ‘mais’ ou par des locutions concessives telles que sin embargo ou no obstante ‘cependant, pourtant’, dans le cas d’une invalidation plus faible (1999 : 415–421) ;
2) or en tant qu’introducteur d’un argument non-orienté ne cherche pas à réfuter l’argument précédent, ni à le confirmer. Tout simplement, en utilisant l’articulateur or, le locuteur signale explicitement l’inclusion d’un argument neutre permettant de tirer plus facilement une conclusion. Ce type d’emploi n’étant donc ni confirmatif ni oppositif, il se rapproche plutôt des connecteurs additifs et illustratifs, fréquemment utilisés dans des séquences explicatives. D’après J. Rey, c’est cette valeur qui est à l’origine du plus grand nombre d’erreurs de traduction, du moins dans des textes traduits du français vers l’espagnol (1999 : 421–422) ;
3) or en tant qu’articulateur d’un argument co-orienté signale la validité de p. Cet emploi, le plus récent et en même temps le moins fréquent, est proche des connecteurs espagnols tels que precisamente ou justamente et se distingue par son caractère anaphorique, vu que l’énoncé introduit par or dit « co-orienté » sert d’appui à l’argument précédent (1999 : 425–426).
D’autres analyses contrastives démontrent que la traduction du connecteur or peut s’avérer une tâche complexe, d’autant plus si l’on se limite aux propositions de traduction relevées par des dictionnaires bilingues de type général (Iordanskaya & Mel’čuk 2017 : 132). Parmi ses équivalents repérés dans quelques dictionnaires bilingues français-serbe2 figurent les conjonctions de coordination a, ali et no ‘mais’, la particule consécutive dakle ‘donc’ et la particule concessive međutim ‘cependant’ (Perić 1950 : 334 ; Putanec 2003 : 691 ; Točanac et al. 2017 : 803). Vu leur fréquence, il n’est pas rare que les dictionnaires se contentent surtout de recenser des équivalents adversatifs et concessifs. Toutefois, comme le souligne bon nombre de recherches récentes, l’évolution sémantico-pragmatique de or est en cours. Voilà pourquoi il faudrait en examiner d’autres valeurs contextuelles, y compris des emplois à valeur neutre et confirmative.
Afin de rendre compte de manière non exhaustive du fonctionnement du connecteur or et ses équivalents serbes, nous proposons une analyse quantitative et qualitative d’un corpus constitué de 300 exemples. En ce qui concerne les ressources utilisées dans le cadre de cette recherche, la plupart du matériel est issue des bases électroniques ParCoLab et SrpFranKor. Ces deux bases d’exemples alignés nous ont permis de recueillir un corpus hétérogène et de répertorier ses différents emplois en contexte, ce qui, par conséquent, devrait nous guider vers un meilleur choix d’équivalents serbes.
Tableau 1 : Équivalents serbes du connecteur or
Équivalents serbes | Nombre d’occurrences (sur 300 exemples) |
---|---|
a | 63 (21,00%) |
međutim | 50 (16,67%) |
absence d’équivalent | 48 (16,00%) |
dakle | 38 (12,67%) |
ali | 33 (11,00%) |
(e) sad | 17 (5,67%) |
no | 15 (5,00%) |
i | 12 (4,00%) |
elem | 7 (2,33%) |
doista | 7 (2,33%) |
pak | 6 (2,00%) |
zaista | 3 (1,00%) |
u stvari | 1 (0,33%) |
Conformément aux analyses précédentes de la nature sémantico-pragmatique du connecteur or, sa valeur la plus fréquente en français contemporain est l’opposition, qui peut être soit complète (opposition nette), soit partielle (concession), selon que l’on met en cause la validité de l’énoncé précédent dans son intégralité ou en partie (Rey 1999 : 418–419). Notre recherche confirme davantage ce fait, vu qu’au total 164 exemples sur 300 (54,67%) ont été traduits en serbe à l’aide des lexèmes a, ali, međutim, no et pak, dont le point commun est la capacité de signaler de différents degrés d’opposition au niveau propositionnel.
Nous avons déjà souligné le fait que les grammaires françaises classifient traditionnellement sept morphèmes (mais, ou, et, donc, or, ni, car) parmi les conjonctions de coordination, mais que le statut de certaines d’entre elles est souvent remis en question. D’après les résultats de plusieurs recherches typologiques (Čudomirović 2020 : 429), le système des conjonctions de coordination en serbe est particulièrement riche, surtout par rapport aux langues non slaves, y compris le français. M. Kovačević indique que les propositions coordonnées en serbe peuvent être divisées en cinq groupes, selon la nature de la relation logique qu’elles établissent et les propriétés de la conjonction qui les relie. Ainsi, parmi les conjonctions copulatives se retrouvent i, pa, te ‘et’, ainsi que niti et ni ‘ni’. En ce qui concerne les propositions adversatives, elles sont reliées par a, ali, nego, no et već ‘mais’, alors que les propositions disjonctives (alternatives) sont principalement grammaticalisées par la conjonction ili ‘ou’ et, plus rarement, par bilo da… bilo da ‘soit… soit’ (Kovačević 1998 : 13). En général, le statut de ces trois catégories n’est pas contesté. Traditionnellement, les conclusives et les restrictives sont elles aussi considérées comme propositions coordonnées indépendantes (Stevanović 1989 : 797, 813 ; Stanojčić & Popović 2008 : 356). Par contre, des recherches plus élaborées dans ce domaine proposent une classification modifiée, selon laquelle le système des conjonctions de coordination est complété par les propositions de sens graduel (ne samo… nego/no/već ‘non seulement… mais’) et les propositions explicatives ou d’équation (to jest ‘c’est-à-dire’, odnosno ‘soit’, i to ‘et cela, à savoir’). Quant au statut sensible des conclusives et restrictives, elles devraient être traitées comme deux types spécifiques issus respectivement des propositions copulatives et adversatives, et non comme des catégories à part (Kovačević 1998 : 38–39 ; Piper & Klajn 2017 : 488–491).
D’après l’analyse quantitative de notre corpus d’exemples alignés, l’équivalent serbe le plus fréquent du connecteur or est la conjonction de coordination a (21%), qui se distingue par sa nature polyfonctionnelle. Cette conjonction a la fonction de relier deux ou plusieurs prédications coordonnées au sein de la même phrase complexe ou bien deux phrases indépendantes dont les contenus sont opposés ou, plus souvent, différents (Nikolić 2014: 127–129). Elle se caractérise notamment par son rôle dans l’établissement et le maintien de la progression thématique. En effet, a possède la capacité de relier l’énoncé donné avec le contexte précédent immédiat (fonction anaphorique/thématique), ainsi que d’introduire un élément nouveau et inattendu (« le rhème ») dans la structure de la séquence textuelle en question, propriétés qu’elle partage d’ailleurs avec or. Tout comme son équivalent français, cette conjonction figure typiquement en position initiale absolue. De même, son statut grammatical n’est pas stable, de sorte que les dictionnaires soulignent également son appartenance à la catégorie de particules3 de l’énonciation de discours (RSJ 2011 : 15). Au niveau transphrastique, a peut remplir la fonction de connecteur textuel signalant la discontinuité thématique entre deux phrases coordonnées ou entre deux paragraphes (Čudomirović 2017 : 177).
Notre analyse rend compte de trois valeurs de la conjonction a en serbe : l’opposition nette, la discontinuité thématique marquant le passage entre deux segments de texte différents, ainsi que la valeur confirmative.
Dans l’exemple (1), la phrase introduite par or signale une opposition nette par rapport à l’énoncé précédent. Le locuteur commence par souligner la nécessité d’une connaissance approfondie de certains mécanismes naturels avant d’aborder la question de leur origine. Cependant, l’énoncé introduit par or annonce un changement dans l’orientation argumentative de la séquence donnée, puisque les scientifiques n’ont pas encore fourni de réponses nécessaires aux questions de leur fonctionnement, dont la connaissance constitue une condition indispensable à l’étude de leur origine :
De même, l’opposition entre deux fragments de texte peut être explicitement marquée par l’emploi de la négation (or ce n’est pas certainement le cas/a to izvesno nije slučaj) et dans ce cas, le connecteur a pour tâche de déclencher le processus d’inférence, tout en mettant en contraste le contenu du premier énoncé avec la réalité (2) :
Cependant, dans bon nombre de cas, il arrive que les connecteurs or et a n’aient pas la fonction d’établir une opposition absolue ou partielle entre deux énoncés, mais plutôt d’atténuer des transitions brusques entre les rhèmes, les thèmes ou les thèmes dérivés (3), renforçant ainsi leur cohésion:
L’opposition établie par or et a peut être renforcée à l’aide de certains intensificateurs à valeur adversative/concessive, tels que en fait ‘u stvari’ ou (tout) au contraire ‘baš naprotiv’, comme l’illustrent les exemples (4) et (5). Cependant, il est à noter que or et a, en tant qu’unités situées au degré plus élevé de grammaticalisation, occupent toujours la position initiale et que les combinaisons *en fait, or/*u stvari, a ne sont acceptables ni en français, ni en serbe.
Grâce à cette campagne déloyale et encore plus, semble-t-il, grâce aux disciples qui le plus souvent dépravent les doctrines du maître, la thèse épicurienne est devenue presque synonyme d’immoralisme. Or, en fait, « le plus ignorant des hommes » avait doté l’antiquité d’une conception des plus scientifiques sur l’Univers, menait une vie digne d’admiration et à la formule « réjouissez-vous » il substitua celle-ci : agissez bien – vivez honnêtement (ParCoLab : Bojidar Markovitch, Essais sur les rapports entre la notion de justice et l’élaboration du droit privé positif).
Zahvaljujući toj nelojalnoj kampanji i još više, čini se, zahvaljujući učenicima koji najčešće izopačavaju doktrine svojih učitelja, epikurejska teza je postala skoro sinonim nemoralnosti. A, u stvari, „najveća neznalica među ljudima" je obdario antičko doba jednim od najnaučnijih shvatanja o Univerzumu, vodio život dostojan divljenja i pravilo „uživajte" zamenio sa: postupajte dobro, živite časno (ParCoLab : Božidar Marković, Ogledi o odnosima između pojma pravde i razvitka pozitivnog privatnog prava).
L’angoisse que je venais d’éprouver, je pensais que Swann s’en serait bien moqué s’il avait lu ma lettre et en avait deviné le but ; or, au contraire, comme je l’ai appris plus tard, une angoisse semblable fut le tourment de longues années de sa vie, et personne aussi bien que lui peut-être, n’aurait pu me comprendre […] (ParCoLab : Marcel Proust, A la recherche du temps perdu – Du côté de chez Swann).
Mislio sam da bi se Svan podsmehnuo teskobi koja me je gušila da je pročitao moje pismo i naslutio mu svrhu; a baš naprotiv, kao što sam kasnije saznao, jedna slična mora mučila je i njega dugo godina u njegovom životu, i niko me možda ne bi mogao tako dobro razumeti kao on […] (ParCoLab : Marsel Prust, U traganju za iščezlim vremenom – U Svanovom kraju).
En somme, or et a présentent plusieurs points communs. Il s’agit des morphèmes invariables se distinguant par leur brièveté formelle et qui, le plus souvent, occupent la position initiale au sein d’une proposition indépendante, ce qui favorise leur grammaticalisation. Tous les deux sont fréquemment utilisés pour relier deux énoncés aux contenus opposés ou différents, mais ils peuvent également remplir d’autres fonctions pragmatiques. Comme nous venons de souligner plus haut, la conjonction or peut avoir des acceptions adversative/concessive, conclusive et même confirmative. Pareillement, la conjonction a peut dans certaines conditions développer des acceptions non adversatives, surtout si dans son contexte immédiat se trouve un intensificateur spatial, temporel, graduel, etc. (Piper & Klajn 2017 : 485 ; Kovačević 2019 : 9–10).
Le morphème a en tant que particule de l’énonciation de discours est doté d’une portée transphrastique considérable, ce qui lui permet d’entretenir des liens anaphoriques et cataphoriques, d’où son rôle dans le maintien de cohésion et cohérence textuelles (Jovanović 2013 : 85). Même si les grammaires et les dictionnaires serbes lui reconnaissent en premier lieu le statut de conjonction adversative, il ne faut pas oublier le fait que, dans son rôle de connecteur textuel/marqueur de discours, il a plutôt la fonction de signaler une différence entre les contenus phrastiques que de marquer une opposition nette, d’autant plus que celle-ci est plus fréquemment remplie en serbe par la conjonction adversative de base ali ‘mais’ (Nikolić 2014 : 130) :
La conjonction ali ‘mais’ relie deux propositions indépendantes coordonnées, ainsi que deux mots ou deux syntagmes, mais cette dernière fonction n’est possible qu’en présence de l’intensificateur i ‘et’ et, dans ce cas, elle acquiert le sens de « mais aussi ». Comme l’indiquent les dictionnaires monolingues serbes, outre sa valeur adversative à proprement parler, elle peut avoir des valeurs plus nuancées (concessives et restrictives). De plus, au sein des séquences dialogales, ali fonctionne comme particule modale exprimant l’idée d’une opposition logique ou bien remplissant une fonction purement phatique – celle du maintien de contact entre les interlocuteurs (RSJ 2011 : 26).
Outre a et ali, notre analyse rend compte de la possibilité de traduire le connecteur or par la conjonction no. Historiquement parlant, il n’est pas évident si ce mot provient de l’exclamation nu ou s’il s’agit de la version contractée de la conjonction comparative nego. Bien que no soit toujours remplaçable par nego dans ses emplois subordonnés, cette possibilité est exclue pour no conjonction de coordination. Situé en tête de phrase, il fonctionne comme synonyme de l’adverbe concessif međutim ‘cependant’ (Pranjković 2018 : 67–68). Toutefois, no est de nos jours complètement absent de la langue orale (Piper & Klajn 2017 : 486). Dans le corpus analysé, cette conjonction n’apparaît que dans le style littéraire soutenu et, en particulier, dans des ouvrages plus anciens (7) :
Enfin, un nombre réduit d’exemples (2%) témoigne de la possibilité de traduire or dit « adversatif » par la particule pak ‘mais’, qui se distingue par une distribution nettement plus restrictive que celle de ses synonymes a, ali et no. Puisque pak obéit à des contraintes syntaxiques spécifiques, il ne figure qu’en position postinitiale ou médiane, étant dépourvu d’une fonction connective à proprement parler (Klajn & Piper 2017 : 480 ; RSJ 2011 : 892), comme dans (8) :
Quant au critère de la fréquence, l’adverbe concessif međutim se positionne dans notre corpus en deuxième place (16,67%), juste après a. Il s’agit d’un mot invariable au statut catégoriel disputé, vu qu’il est également rangé parmi les particules de l’énonciation de discours marquant une opposition logique partielle (Ristić 1994 : 159). Le locuteur peut opter pour međutim lorsqu’il souhaite prendre ses distances par rapport au contenu de l’énoncé précédent de façon plus atténuée (RSJ 2011 : 679).
À l’instar de ses autres équivalents français concessifs (p.e. cependant ou toutefois), međutim se distingue par sa grande mobilité. Ainsi peut-il figurer en position initiale, postinitiale, médiane, parenthétique ou non, sans altérer l’ordre d’autres constituants de la phrase. Toutefois, dans son rôle de connecteur textuel, međutim est obligatoirement séparé du reste de la phrase par la ponctuation, tout en se positionnant (le plus souvent) en tête de phrase (Nikolić 2014 : 131). Par contre, comme nous venons de le signaler plus haut (cf. 2.3.), or ne figure qu’en position initiale dans la langue contemporaine. Cette propriété distributionnelle de međutim suggère qu’il se situerait à un degré de grammaticalisation moins élevé que son équivalent français or.
D’après J. Rey, les cas particuliers où or introduit un argument dit « non orienté » sont à l’origine de nombreuses difficultés, surtout au niveau de leur traduction. Puisque or « non orienté » a la fonction de signaler l’inclusion d’un argument ne visant pas à réfuter ni à confirmer le contenu de l’énoncé précédent, il se caractérise par une valeur neutre et par un rôle essentiellement procédural. En l’occurrence, or introduit un argument cherchant à faciliter la compréhension et à conduire les interlocuteurs vers une conclusion logique. Cependant, il est parfois difficile de trouver son équivalent fonctionnel, de sorte que les traducteurs optent pour son omission, comme l’illustre l’analyse de ses traductions en espagnol (Rey 1999 : 422).
L’analyse quantitative que nous avons effectuée dans le cadre de cette recherche démontre que l’équivalent serbe de or est omis dans 48 cas sur 300 (16%). L’absence d’équivalent intervient en troisième position, juste après la conjonction de coordination a et l’adverbe concessif međutim. Les cas de juxtaposition d’énoncés dans les traductions serbes sont typiquement neutres (« non orientés ») et, par conséquent, ils ne signalent aucun changement d’orientation argumentative au sein de la séquence textuelle en question. Dans la plupart des cas de figure, l’absence de l’équivalent du connecteur or ne nuit pas à la cohésion au niveau interphrastique, puisqu’elle est déjà assurée par la présence d’autres outils anaphoriques, tels que les adjectifs démonstratifs (p.e. l’héroïne de l’abbé Prévost – cette héroïne/junakinjom opata Prevoa – ta junakinja) :
Conformément à la classification établie par J. Rey, outre l’omission de l’équivalent fonctionnel, or « non orienté » peut être transposé en espagnol à l’aide de certains mots à valeur additive. Notre analyse appuie davantage ladite constatation, étant donné que cette nuance de sens est souvent traduite en serbe par l’intermédiaire de la conjonction i ‘et’, dont l’addition est la valeur de base (11), tout comme à l’aide des particules marquant le retour à l’énonciation, telles que elem (12) et e sad (14).
La particule de l’énonciation de discours elem annonce le retour au thème précédent (12), voire à l’hyperthème, interrompu temporairement en raison d’une ou plusieurs digressions intervenant dans la structure de séquence textuelle donnée (Čudomirović 2017 : 181). De plus, ce lexème possède une valeur explicative annonçant le passage à la partie conclusive, et dans ce cas il a pour synonyme le connecteur conclusif dakle ‘donc’ (RSJ 2011 : 335) :
Quoique la particule de l’énonciation elem puisse fonctionner comme l’équivalent de or conclusif, il est beaucoup plus fréquent de traduire cette valeur spécifique en serbe par le connecteur dakle ‘donc’, dont la fonction essentielle est d’annoncer la conclusion logique d’une suite d’énoncés (13). Dans son rôle de marqueur de discours, dakle est à la fois porteur des valeurs d’introduction et de clôture (Nigoević & Nevešćanin 2011 : 55). Par ailleurs, son statut catégoriel est à l’origine des positions bien divergentes. D’après RSJ, la particule dakle introduit une conséquence ou une conclusion logique, tout en marquant des transitions entre différentes étapes au sein de la séquence argumentative donnée, soit dans le but de revenir au contenu de l’énoncé précédent pour le reformuler, soit pour annoncer la conclusion d’un raisonnement (2011 : 229). Tout comme or en français, dakle apparaît typiquement (mais pas exclusivement) en position initiale détachée, ce qui contribue au renforcement de sa portée transphrastique et, par conséquent, à l’accroissement de son importance sur le plan discursif.
Précisons en outre que notre analyse suggère la possibilité d’utiliser l’adverbe sad ‘maintenant’ comme l’équivalent fonctionnel de or. Bien qu’il s’agisse d’un nombre réduit d’exemples (17 sur 300, soit 5,67%), les occurrences de (e) sad se montrent particulièrement intéressantes. En effet, ces exemples illustrent la possibilité d’appliquer en serbe aussi la théorie de cyclicité onomasiologique, présente dans l’évolution diachronique des adverbes latin et français nunc, or et maintenant (cf. 2.2).
L’adverbe sad possède une fonction déictique, puisqu’il fait principalement référence au temps zéro de l’énonciation de discours, désignant le moment de la parole du sujet énonciateur. C’est ainsi qu’il est défini dans les dictionnaires de la langue serbe (RSJ 2011). Cependant, d’après certaines recherches récentes, il change de catégorie grammaticale pour se transformer en particule de l’énonciation de discours lorsqu’il est employé en tête de phrase dans des séquences dialogales ou monologales. En l’occurrence, tout comme or, il se voit attribuer le statut de marqueur de discours, dont la fonction est d’attirer l’attention du public, ainsi que de le guider dans le processus de l’interprétation d’une suite d’énoncés (14). Selon M. Nigoević et A. Nevešćanin, le marqueur de discours sad remplit une fonction à la fois interactive et introductive en position initiale parenthétique, de sorte que son évolution est bel et bien comparable à celle de l’adverbe italien ora, dérivé du même étymon que or (2011 : 57). Toutefois, contrairement aux connecteurs français or et alors, qui présentent des taux de grammaticalisation très élevés, sad continue de remplir la fonction syntaxique de complément circonstanciel de temps en serbe.
En outre, ses valeurs pragmatiques sont rarement attestées dans les dictionnaires serbes. La référence la plus proche à sa valeur discursive se trouve au sein de l’entrée sad de RSJ. Notamment, nous pouvons remarquer son emploi dans le style familier, où il sert à attirer l’attention de l’interlocuteur ou à marquer un moment d’hésitation, pourtant sans une valeur sémantique concrète (2011 : 1160). Dans son rôle de particule de discours, sad peut soit signaler le passage à un nouveau segment du discours (Mrazović 2009: 500), soit anticiper une explication alternative du contenu précédent, tout en orientant l’attention du public vers une conclusion (Čudomirović 2017 : 189). En effet, comme cette explication supplémentaire est plutôt neutre et qu’elle ne sert pas à réfuter ni à confirmer le contenu de la proposition précédente, nous considérons que l’adverbe sad en position initiale parenthétique peut fonctionner comme équivalent pragmatique de or dit « non orienté » (14).
Enfin, comme le démontrent plusieurs recherches contrastives récentes (cf. Rey 1999 ; Iordanskaya & Mel’čuk 2017), il arrive que or signale une valeur confirmative. En l’occurrence, il introduit un argument supplémentaire visant à renforcer ou à confirmer la validité de l’énoncé précédent. Notre analyse contrastive rend compte d’un petit nombre d’exemples de or dit « co-orienté », où il est complètement dépourvu de sa valeur adversative de base.
Ce trait spécifique se traduit en serbe par les synonymes zaista et doista ‘en effet, effectivement’, deux particules énonciatives ayant une valeur essentiellement confirmative (Mrazović 2009 : 473 ; Vasiljević 2020 : 174–175), ainsi qu’à l’aide des conjonctions de coordination i (15) et a. Il est à noter que a perd ici son acception adversative et se rapproche plutôt de la conjonction copulative i ‘et’ (cf. Kovačević 2019). Un autre indice qui permettrait de repérer plus facilement or dit « co-orienté » serait la présence obligatoire d’un intensificateur confirmatif, tel que l’adverbe précisément ‘baš tako/upravo’ ou la locution justificative c’est bien ainsi que ‘upravo tako’ (15) :
Tout porte à croire que le serbe ne connaît pas d’équivalent sémantique exact de or, comme l’ont déjà remarqué L. Iordanskaya et I. Mel’čuk en analysant ses possibilités de traduction en russe (2017 : 131). Vu les liens de parenté entre le serbe et le russe, il est possible que la situation soit similaire dans d’autres langues slaves. Toutefois, la question de la traduction de or n’est pas sans difficultés même dans le cas de langues proches du français, comme en témoignent les différences dans les structures sémantico-pragmatiques de or et ora, deux cognats hérités du latin (< lat. hāc horā), qui ont traversé des étapes d’évolution bien différentes (Becker & Donazzan 2017 : 30–31).
Pour ce qui est des équivalents serbes de or, les résultats de notre analyse quantitative rendent compte de treize possibilités de traduction, y compris le cas de l’omission d’équivalent : a ‘et, mais’, međutim ‘cependant, toutefois, pourtant’, dakle ‘donc’, ali ‘mais’, sad ‘maintenant’, no ‘mais’, i ‘et’, elem ‘donc’, doista/zaista ‘en effet, effectivement, il est vrai que’, pak ‘mais’, u stvari ‘en fait’. La présence de plusieurs connecteurs adversatifs/concessifs sur cette liste suggère que la valeur la plus courante de or en français contemporain est l’opposition nette ou partielle. Moins nombreux sont les cas de or conclusif, mais leur présence reste considérable. Quant à l’absence d’équivalent en serbe, c’est une solution relativement fréquente, mise en place surtout quand il est difficile de saisir le sens de or dit « neutre », dont la fonction essentielle est de maintenir la cohésion au sein de la séquence textuelle donnée. Enfin, en termes de fréquence, la valeur confirmative de or se situe en dernière position. Cependant, ce connecteur n’est pas confirmatif de par sa nature – c’est la présence d’un autre marqueur à valeur confirmative dans son co-texte qui rend possible cette interprétation. Puisqu’aucune des traductions repérées ne contient tous les traits particuliers que or possède en français, force est de constater qu’il peut poser beaucoup de problèmes aux apprenants serbophones. En effet, lorsqu’il leur est difficile d’interpréter sa valeur spécifique, ils optent pour son omission, de sorte qu’il est souvent absent de leurs travaux écrits. Voilà pourquoi ce type de recherches contrastives peut se révéler utile non seulement dans le domaine de la traductologie, mais aussi sur le plan didactique. Il en va de même pour tous les mots-outils dits « opérationnels » dont le sens est actualisé en fonction du contexte spécifique et du type de la situation communicative donnée.
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Cet article a été financé par le Ministère de l’Éducation, de la Science et du Développement technologique de la République de Serbie, conformément au contrat no 451-03-9/2021-14 signé entre le Ministère et l’Institut de la langue serbe ASSA.↩︎
Dans le cadre de cette analyse nous avons également consulté plusieurs grammaires et dictionnaires français–(serbo-)croate.↩︎
Les particules sont considérées comme l’une des catégories de mots invariables dans la grammaire serbe (cf. Piper & Klajn 2017 : 215–216).↩︎