Verbum – Analecta Neolatina XXVI, 2025/2
ISSN 1588-4309; https://doi.org/10.59533/Verb.2025.26.2.6
Abstract: Certain literatures of the Americas have been misinterpreted. Due to this misunderstanding, notions such as magical realism and Southern Gothic are today anchored in the collective imagination of a large part of the reading public, whether specialist or amateur. Is it possible to question these interpretations despite their consecration and popularity? This work explains why it is necessary. Existing labels and other alternatives to describe the region’s literature will be studied using a comparative and decolonial approach. This paper will both reaffirm the different realities of the Americas and suggests a new way of qualifying these literatures with greater accuracy and justice: multitransrealism.
Keywords: magical realism, Southern Gothic, the Americas, decolonial studies, comparative literature, multitransrealism
Résumé : Certaines littératures des Amériques ont été mal interprétées. Sur la base de ce malentendu, des notions telles que réalisme magique et Southern Gothic sont aujourd’hui ancrées dans l’imaginaire collectif d’une grande partie du public lecteur, spécialiste ou amateur. Est-il possible de remettre en cause ces interprétations au vu de leur consécration et de leur popularité ? Ce travail explique pourquoi il est nécessaire de le faire. C’est avec une approche comparatiste et décoloniale que ces étiquettes, ainsi que les diverses alternatives proposées pour nommer les littératures de la région, seront étudiées et interrogées. Tout en revendiquant les différentes réalités qui composent la réalité des Amériques, cet article suggère une nouvelle manière de qualifier ces littératures avec plus de justesse et de justice : le multitransréalisme.
Mots-clés : réalisme magique, Southern Gothic, Amériques, études décoloniales, littérature comparée, multitransréalisme
Mon parcours m’a permis de lire les littératures des Amériques dans la quotidienneté latino-américaine, pour ensuite basculer dans l’expérience de la lecture européenne. Beaucoup de mes relectures en Europe de ces littératures ont été des redécouvertes. Cette sensation me fait penser à la reprise d’Héraclite par Jorge Luis Borges : relire un livre c’est comme se baigner à nouveau dans un fleuve. L’eau coule, donc se renouvelle, change à chaque instant. Le fleuve est le même, mais pas l’eau.
Cela peut s’expliquer sans doute par ce voyage transatlantique qui m’a permis, dans les deux sens, du Honduras à la France et de la France au Honduras, de remettre en question des mots tels que « normalité » et « réalité ». Je sus qu’aux yeux des Européens ma quotidienneté hondurienne n’était pas normale et relevait parfois de l’impensable, tout en me rendant compte aussi que ce que les Européens considéraient quotidien, et que moi-même avais idéalisé dans mon adolescence au Honduras, n’était ni normal ni idéal. Par conséquent, je fus déchiré entre deux réalités : l’une avait rêvé de l’autre et se confrontait maintenant à elle, et l’autre voulait s’imposer comme seule possibilité viable d’être humain et de voir le monde.
En plus de ce cheminement intérieur, ma vie en France a rendu possible la rencontre de quelques lecteurs européens qui ont confirmé mes craintes au sujet de l’approche du monde de certaines œuvres de ma région : le décalage1 de découvrir la réalité d’un autre endroit converti en incompréhension. Les mots de ces personnes pour qualifier leurs sensations lors des lectures, ou dans les pires des cas, des tentatives de lecture2, étaient « fou », « malaisant », « exotique », « bizarre », « fantastique » (dans le sens de fantaisiste), « magique » ou « merveilleux ». Elles étaient ainsi tiraillées entre le refus catégorique de se laisser dépayser et une sorte de bienveillance condescendante vis-à-vis de l’étrange différence et de ces littératures qui, peut-être, à leurs yeux, manquaient de sérieux.
C’est en partie grâce à ce vécu que ma recherche doctorale naquit. C’est également ce qui me motiva à présenter ce chapitre de ma thèse dans l’Université d’été de LEA3. Lors de cette semaine, je voulus partager avec mes collègues doctorants et enseignants universitaires cette chance que j’ai eue jusque-là de pouvoir sauter d’un bocal à l’autre pour lire sous différentes perspectives, donc d’enrichir ma perception des littératures des Amériques. C’est en tant que petit poisson rouge latino-américain et caribéen, privilégié par cet aller-retour constant, que je me rendis compte qu’il fallait briser les bocaux : la conception imposée du quotidien et de la normalité, donc du vraisemblable ; l’idéalisation de l’Occident tant répandue dans ma partie du monde (même si progressivement remise en cause), et certains aprioris de l’Occident vis-à-vis de toute production intellectuelle et littéraire (ou pas seulement littéraire, mais artistique tout court) des sociétés qui pourraient sortir de « l’occidental ». Dans ce sens, ce travail s’inscrit dans les études décoloniales en littérature comparée.
Dans cet article, je vais essayer d’explorer très succinctement les étiquettes « réalisme magique » et Southern Gothic et démontrer pourquoi elles participent à la « bocalisation » des littératures des Amériques et à l’éloignement d’une partie du lectorat européen. Je veux également démontrer que ces lecteurs occidentaux qui refusent le « communautarisme » et croient être face à des bocaux impénétrables de l’autre côté de l’océan Atlantique, sont dans une idée de la réalité et du rationalisme qui est, elle, sectaire et communautariste. Cela les plonge au fond d’un bocal européen qu’ils considèrent infranchissable, ou plutôt indépassable, car « universel », mais qui ne fait que les couper d’autres possibilités de concevoir le monde et la réalité.
Ce travail est donc une tentative d’élucider cette incompréhension, de l’expliquer et, pourquoi pas, essayer de la résoudre en revendiquant la réalité des réalités des Amériques4, tout comme l’expression légitime de ses littératures.
Malgré la lecture critique que je ferai du réalisme magique et du Southern Gothic, je ne cherche pas à les stigmatiser ou à les rejeter catégoriquement. Bien sûr, il est tout à fait possible de faire une lecture réaliste-magique ou gothique-sudiste d’une grande partie des œuvres du continent. Mais je tiens à mettre en garde le lecteur contre l’intuition ou le réflexe qu’il pourrait avoir en entendant certains mots tels que « magique », surtout s’il est Européen ou porte les lunettes occidentales.
Je reconnais les vertus de ces étiquettes en ce qui concerne leur diffusion. Aujourd’hui, quiconque parle de réalisme magique se fait comprendre sans trop de difficulté par le public lecteur. Moi-même suis obligé de l’employer pour parler de certaines littératures du continent américain quand je veux communiquer dans mon quotidien quand on me pose les questions tant redoutées : « Tu travailles sur quoi ? » ou « Quel est ton sujet de thèse ? » Le cas du Southern Gothic est peut-être moins connu par le public, mais a également un grand impact. En effet, dans les deux cas, il y a des auteurs du monde entier qui s’inspirent des auteurs qualifiés par ces dénominations et décident, parfois, de les importer chez eux. Pour vous donner un exemple au sein même des Amériques, beaucoup d’auteurs latino-américains et caribéens ont toujours revendiqué l’influence de William Faulkner ainsi que leur proximité culturelle et géographique. Pour sortir du bocal américain, je pourrais citer Claude Simon en France qui a fait de la Première Guerre Mondiale une sorte de Guerre de Sécession5. L’écrivain britannique-étatsunien d’origine indienne, Salman Rushdie, a toujours voué sa fidélité à l’œuvre de Gabriel García Márquez et est lui-même mis dans le bocal du réalisme magique6. Le romancier japonais, Haruki Murakami, ne pourrait pas nier certaines influences qui le font, désormais, entrer aussi dans cette catégorie. Et ainsi de suite, je pourrais facilement multiplier mes exemples sans difficulté pour confirmer que le réalisme magique et, dans un degré différent, le Southern Gothic, ont été internationalisés avec succès. Par conséquent, il serait très naïf de ma part d’espérer que quelques travaux universitaires accessibles à très peu de personnes ou certains commentaires critiques d’auteurs et intellectuels seront suffisants pour les balayer ou, pour filer cette métaphore, briser ces bocaux dans lesquels ces littératures et ces cultures ont été enfermées.
Ceci ne doit toutefois pas empêcher de remettre en question ces étiquettes et leur banalisation comme je m’efforcerai de le démontrer par la suite. Il faut expliquer certains préjugés pour mieux les prévenir.
L’histoire des Amériques est celle des survivances à la domination qui permirent la naissance de cultures basées sur le métissage. C’est ce que Patrick Chamoiseau a appelé le « multitransculturalisme »7, et qui, à mon sens, est un dépassement du multiculturalisme et du transculturalisme8. Dans Leyendas de Guatemala, Miguel Ángel Asturias sous-entendra une sorte de palimpseste culturel à travers la métaphore architecturale et historique de cités bâties sur d’autres cités9. Le déchirement entre le fantasme de la racine unique et la réalité du rhizome10 a amené les peuples américains11 à s’interroger constamment sur leur identité. Une telle recherche créa, à certains égards, une fracture entre l’héritage européen et l’héritage non-européen, notamment à cause des traumatismes historiques de la colonisation et des néocolonialismes actuels. La littérature, déchirée par l’imitation européenne et le reniement de tout ce qui serait européen (à quelques exceptions près), finit par trancher en proposant le renouement de l’influence européenne et de l’influence non-européenne (autochtone et afrodescendante principalement, mais aussi arabe, juive, chinoise et indienne). Cela se fit progressivement en écartant de plus en plus les hiérarchies entre les cultures, séparation imposée par le mépris ethnocentriste hérité du colonialisme historique. Les auteurs et autrices finirent même par revendiquer la richesse de la diversité et les particularismes de la région. C’est dans ce contexte que le réalisme magique apparut.
Si on devait tenter de le définir, nous pourrions dire, par exemple, que le réalisme magique est la rencontre du réalisme social, c’est-à-dire des récits situés dans un cadre réaliste avec un contexte socioéconomique, et dans le cas très précis du continent américain, ethnique aussi, et du « merveilleux » ou du « magique » tiré des mythes, pour la plupart d’entre eux autochtones, afrodescendants, mêlés à la culture européenne (surtout européenne-chrétienne).
Même si aujourd’hui cette notion est largement associée à la littérature, et très spécifiquement à la littérature des Amériques, notamment latino-américaine, il ne faut pas oublier que son origine est allemande. Ce fut en 1925, dans Postexpressionnisme. Réalisme magique. Problèmes de la peinture européenne la plus récente de Franz Roh que l’étiquette apparut pour la première fois. Dans cet essai, Roh créa une catégorie qui permettrait de définir la nouvelle peinture européenne, celle qui cherchait à s’éloigner des courants artistiques du XIXe siècle. Il n’était donc pas question ici ni de littérature ni des Amériques.
Le réalisme magique n’a été employé dans le contexte latino-américain et caribéen que bien plus tard, en 1948, dans un essai de l’écrivain vénézuélien Arturo Uslar Pietri12. En 1949, Alejo Carpentier proposera le « réel merveilleux » dans la préface qu’il écrivit pour son roman El reino de este mundo13. Dans la 1ère Conférence Internationale des écrivains et artistes noirs, Jacques Stephen Alexis redéfinira la littérature caribéenne en parlant de « réalisme merveilleux ». C’est tout de même le réalisme magique qui finira par gagner la bataille sémantique quand Miguel Ángel Asturias prononça les mots « réalisme » et « magique » dans son discours d’acceptation du Prix Nobel de littérature en 196714. Le réalisme magique arriva à sa consécration en devenant une vitrine pour le phénomène éditorial espagnol du « boom latino-américain »15. L’étiquette était ainsi irrémédiablement greffée dans les Amériques.
Le cas du Southern Gothic est peut-être un peu plus marginal, car relégué à une région d’un pays. Dans ce sens, il est sans doute moins populaire pour les lecteurs amateurs des littératures des Amériques. Dans sa création même se trouve sa définition. Tout comme le réalisme magique, ce sous-genre artistique16 est le produit d’un cocktail culturel et historique. Le nom qu’il porte l’indique parfaitement : son origine se retrouve dans la littérature gothique étatsunienne qui puise directement dans le roman gothique européen, principalement le roman gothique anglais.
Le gothique du Sud se démarque du gothique étatsunien par l’empreinte de la culture puritaine irradiant des inspirations telles que le naturalisme et le romantisme noir européens. Nous trouvons également l’influence des cultures dites « hoodoo » des Afrodescendants qui contribueront encore plus à sa particularité. Le cœur du Southern Gothic est tout de même un événement historique majeur des États-Unis d’Amérique : la guerre de Sécession (1861‒1865). C’est elle qui terminera de composer un gothique propre au Sud. Les réalités de la région sont donc le centre de gravité autour duquel toutes ces influences littéraires gravitent : la particularité de sa géographie ; la question raciale et l’héritage esclavagiste ; et de la même manière que dans le gothique classique européen il y a un engouement du passé, notamment du Moyen Âge, nous retrouvons ici une nostalgie des anciens États confédérés. Le renversement de l’ordre social et racial, incarné par cette guerre civile, mène également à des anxiétés et à des paranoïas concernant la pureté de la race blanche et la menace du métissage avec le non-blanc, ici les Noirs étatsuniens. Un ensemble des problématiques héritées donc de « la domination ethnoraciale »17 sur laquelle le pays s’est fondé.
Voici donc les topoï de cette littérature propre au dit Deep South (Sud profond) : une géographie marécageuse, des manoirs en ruines, la famille et les liens de sang, des personnages excentriques, des personnages nostalgiques d’une gloire perdue à cause de la défaite militaire et l’héritage de l’esclavage.
Dans les deux cas, on peut remarquer qu’il y a un terme qui renvoie à la réalité et un autre qui l’annule. Le cas le plus flagrant est dans l’oxymore du réalisme magique. Le triomphe du mot « magique » sur le mot « merveilleux » dans le contexte américain se transforma en catégorisation culturelle. Ce magique-là n’était pas une manière de définir un art original comme dans le cas européen qu’a essayé de définir Roh, mais une façon de qualifier les cultures qu’influencent ces littératures modernes du métissage. Les œuvres des mystiques et des écrivains catholiques ne seraient jamais submergées dans le bocal du merveilleux, encore moins qualifiées de « magiques » ou d’appartenir au réalisme magique. Même si cette étiquette s’est aujourd’hui internationalisée, elle est toujours employée pour se référer très spécifiquement à l’autre non-européen de tradition chrétienne ou à celui qui se dévierait du chemin occidental de « l’universel »18. Dans cet article j’ai parlé (et continuerai à parler) des lecteurs ou du « public lecteur » en pensant très précisément à ce qu’on appelle le « lecteur profane » ou « amateur », mais je vise également les « lecteurs spécialisés », car eux aussi tombent dans le piège de la bocalisation et facilitent sa reproduction. Je vous renvoie par exemple au programme de Littérature Comparée de l’agrégation de Lettres modernes (2023) qui reprend l’étiquette « réalisme magique » et, sans rien imposer, encourage la lecture réaliste-magique des textes étudiés.
Elena Garro, une des écrivaines précurseures de ces littératures, mais malheureusement une des grandes oubliées également de l’Histoire littéraire du continent, refusa catégoriquement une telle dénomination. Pour elle, il s’agissait d’une étiquette « mercantiliste » et affirma même qu’il n’y avait absolument rien de magique dans cette littérature, car elle ne faisait qu’inclure les diverses réalités du continent19. Paradoxalement, celui qui est vu comme le représentant absolu du réalisme magique par le public lecteur, Gabriel García Márquez, s’est également opposé à cette qualification. Dans certains entretiens20, il dit que le fait d’allier réalisme et magique enlevait toute crédibilité aux littératures de la région. Selon lui, les littératures latino-américaines attitrées du réalisme magique étaient plutôt des littératures du « réalisme latino-américain », incomprises par la pensée « cartésienne » qui fermait la lecture occidentale à d’autres possibilités et à d’autres réalités. Il affirmait également qu’il pouvait prouver que chaque passage de ses livres venait d’un souvenir ou d’une mémoire réelle. C’est ce qu’il tenta de faire dans son récit autobiographique21.
Jamaica Kincaid, quant à elle, refusa aussi d’être classée dans le groupe d’auteurs réalistes-magiques. Voici ce qu’elle dit pour expliquer ses fictions : « Tout ce que je dis est vrai, et tout ce que je dis n’est pas vrai. Vous ne pouvez pas admettre rien de cela dans une cour de justice. Ce ne serait pas une bonne évidence22. » Les vérités exprimées dans ses romans dépassent les bornes du réel conçu par la vision du réalisme occidental. Cela explique pourquoi elle ne cessa jamais de revendiquer son écriture comme une trace de ce qu’elle avait toujours vécu ou ce dont elle avait été témoin.
Aujourd’hui, de plus en plus d’auteurs américains contournent ou rejettent cette appellation : je pourrais citer certaines déclarations d’Isabel Allende23 et même la mise en garde que nous fait García Elizondo (petit-fils de García Márquez et de Salvador Elizondo) par rapport à l’étiquette qu’on serait tentés de coller sur son premier roman publié en 201924. Leur refus ou leurs inquiétudes émergent pour diverses raisons, certes, mais cela prouve que l’étiquette n’a jamais été acceptée unanimement et qu’elle pourrait être aujourd’hui obsolète dans le cadre de la région.
Une situation analogue peut être remarquée dans le Southern Gothic, c’est-à-dire une osmose entre réalité et autre chose qui s’opposerait à elle. La composition de cette notion est malgré tout beaucoup plus implicite et peut-être par-là moins problématique. Le Southern fait référence au Sud comme réalité géographique d’abord, et puis, si on sait qu’on parle du Sud des États-Unis, le Sud comme réalité culturelle et historique des États-Unis. Le Gothic, en revanche, dans l’imaginaire du lecteur amateur, pourrait faire penser aux histoires de fantômes et d’êtres surnaturels liés à l’obscurité, donc à des éléments qui dans le cheminement occidental prédominant s’opposeraient au réalisme. De manière analogue au réalisme magique, mais sans doute moins prononcée aussi, nous pouvons constater un tiraillement au sein des écrivains étatsuniens qui considèrent faire partie de la catégorie du Southern Gothic, ceux qui sont tout simplement indifférents, et les auteurs qui refusent l’étiquette. C’est par ailleurs le cas d’Eudora Welty qui refusa d’être qualifiée ainsi, mais qui est toujours citée comme l’écrivaine qui prit le relais de William Faulkner, considéré comme le plus grand représentant du Southern Gothic et un des auteurs les plus influents de la région. Ruth D. Weston dit d’Eudora Welty qu’elle fait partie de ces écrivains étatsuniens qui réussirent à convertir le gothique en une « investigation » de la réalité sociale et psychologique25. Elle ne pensait, et ne voulait surtout pas être associée au « gothique » qui renvoyait à tout cet imaginaire qui n’avait rien à voir avec la réalité.
L’approche des œuvres réunies sous la bannière du réalisme magique ou du Southern Gothic dans les Amériques (mais surtout du réalisme magique) par le grand public et par une partie des spécialistes a probablement été faite avec des lunettes « exotisantes ». Il n’y aurait donc pas de vrai rapport d’égalité, mais plutôt une approche qui serait une « découverte », voire une « conquête », pour reprendre les éléments de langage de la colonisation des Amériques. La fascination envers cet inconnu extérieur est toujours mêlée à autre chose que je qualifierais de condescendance. Ces littératures représentent l’ailleurs, l’autre, le lointain, même si cet autre lointain est à côté et fait partie de son continent voire de son propre pays. Je pourrais, par exemple, citer ce que les médias étatsuniens disaient sur William Faulkner quand il reçut le Prix Nobel de littérature en 1950. Le très prestigieux journal The New York Times affirma : « L’inceste et le viol sont peut-être des divertissements répandus à Jefferson, dans le Mississippi de Faulkner, mais nulle part ailleurs aux États-Unis. » The New York Herald Tribune, quant à lui, regretta que l’Académie suédoise n’ait pas fait « le choix d’un lauréat plus souriant dans un monde qui s’assombrit »28. Ces médias tracèrent une ligne rouge entre le « Sud profond » de Faulkner et le reste des États-Unis, c’est-à-dire entre l’« arriéré » et le « civilisé », oubliant par-là que ce « Sud profond » tant critiqué et méprisé n’est autre qu’une pierre angulaire de l’édifice qu’a constitué la nation étatsunienne : le suprémacisme blanc, le génocide de plusieurs peuples qui composent ce qu’on appelle aujourd’hui les Premières Nations et l’esclavage des Africains et des Afrodescendants.
Puisque j’ai parlé de région « arriérée », il faut que j’évoque aussi ces parties du monde souvent appelées « Tiers monde » ou « pays sous-développés », connues actuellement plutôt comme les « pays en voie de développement » et que j’appellerai le « Sud Global »29. La réalité de ces pays est bien plus complexe que la simple binarité entre « développé » et « arriéré ». J’ai en tête un cas extrêmement révélateur. L’écrivain Emile Olivier, dans l’intervention qu’il fait dans Penser la créolité dira sur son pays natal : « Souvent, on présente Haïti comme un pays arriéré. Je diverge d’avis. Haïti est un pays moderne, mais malade de la modernité30. » Je pourrais ajouter : malade de la modernité et par la façon dont cette modernité a été imposée.
L’approche que fait le lecteur occidental des littératures du Sud Global ne serait-elle pas biaisée par le prisme du « développé » et de l’« arriéré » qu’il faut aider à « développer »31 ? Revenons pour tenter de répondre à cette question à l’approche « exotisante » des littératures des Amériques. Nous constatons qu’elle se trouve chez le lecteur européen et occidental (Occident / reste du monde), au sein d’un continent (États-Unis / reste des Amériques) et même dans le pays lui-même (États-Unis / ses différents Suds), mais il pourrait se trouver aussi dans les individus, chez les auteurs qui ont revendiqué ces étiquettes. Je pense notamment à ce que commenta Juan Gabriel Vásquez dans son article sur García Márquez pour El Malpensante et à ce qu’il dit à propos d’Alejo Carpentier. Dans sa préface pour son roman Le Royaume de ce monde, Carpentier proclama :
Le merveilleux commence à l’être sans équivoque quand il surgit d’une altération inattendue de la réalité (le miracle), d’une révélation privilégiée de la réalité, d’un éclairage inhabituel ou flattant singulièrement les richesses inaperçues de la réalité, d’un agrandissement des échelles et des catégories de la réalité, perçues avec une intensité particulière en vertu d’une exaltation de l’esprit qui le conduit à une sorte d’« état limite ».32
Malgré sa bonne volonté pour essayer de comprendre son continent et sa littérature, Vásquez remarquera :
[Il] a adopté les yeux d’un Européen pour écrire sa thèse. Pour moi, explorer ce paragraphe, c’est découvrir qu’il n’est pas très différent dans le fond d’une chronique des Indes, que l’étonnement de Carpentier face au réel merveilleux américain n’est pas très éloigné de celui qu’avait éprouvé Christophe Colomb en voyant une sirène dans les mers caraïbes (les premiers explorateurs prenaient les lamantins pour des sirènes). L’Amérique latine comme continent magique, ses habitants comme dépositaires de la magie des terres vierges, c’est en somme la rhétorique du « bon sauvage »33.
Plus loin, Vásquez affirmera que « à force de penser l’Amérique latine, l’écrivain cubain a cessé d’être latino-américain pour devenir latino-américaniste34. » Carpentier et plusieurs autres auteurs de sa génération, dont Asturias, créaient en tant que Latinoaméricains, mais pensaient et commentaient les cultures, les différentes réalités des Amériques, ainsi que leurs propres œuvres littéraires, avec le regard européen.
Cela coïncide avec ce que Jamaica Kincaid fait dire à sa narratrice dans The Autobiography of my mother : « Notre expérience ne peut pas être interprétée par nous-mêmes ; nous ne connaissons pas la vérité de cela. Notre Dieu n’était pas le bon, notre compréhension du ciel et de l’enfer n’était pas respectable. » Tout ce qui ne provient pas de l’Europe « était la croyance de l’illégitime, le pauvre, le bas »35. Il faut soit prendre le prisme occidental pour pouvoir le dire, soit se taire et laisser l’Occident le dire à sa place. Parler de son expérience avec ses propres mots ne serait donc pas sérieux. Ceci est peut-être une de plus grandes cicatrices du colonialisme historique : se voir avec le regard du dominant et ne pas être conscient de ce filtre qui empêche de se voir réellement. Pour mieux expliquer cela, je donne la parole au Caliban de Césaire :
Et tu m’as tellement menti,
menti sur le monde, menti sur moi-même,
que tu as fini par m’imposer une image de moi-même :
Un sous-développé, comme tu dis,
un sous-capable,
voilà comment tu m’as obligé à me voir,
et cette image je la hais36 !
Comme le très lucide Caliban qui fait ce triste constat, les plus brillants créateurs des sociétés excolonisées sont tombés dans le piège de quelque chose qui pourrait être appelé l’« autoexotisation ».
Un autre aspect qu’a pu induire l’incompréhension d’un certain public lecteur pourrait se trouver dans le rapprochement existant entre la mémoire et l’imagination. En Occident, la mémoire et l’imagination sont irrémédiablement distinctes37. Dans une grande partie des Amériques, l’imagination et la mémoire dialoguent sans préjugés ni hiérarchie, s’enrichissent mutuellement, comme si l’une était le prolongement de l’autre. Ce lien permet à l’imagination de préserver la mémoire historique.
En effet, les mémoires de cette région ont un rapport conflictuel avec l’Histoire et le récit historique38. Pour l’Occident, l’Histoire viserait à restituer une vérité qui permettrait de fédérer la nation. Tout le monde se met d’accord et l’Histoire devient ainsi une quête de la vérité des faits et un facteur déterminant pour la consolidation des mémoires qui deviennent une mémoire commune. La frontière entre l’Histoire et la fiction semble donc infranchissable, même quand la fiction est réaliste et essaie de se donner un cadre historique et social. En revanche, dans une grande partie des Amériques, l’Histoire écrase les mémoires et n’arrive pas à fédérer. Elle devient un engrenage de la domination et est constamment contestée par les mémoires. Très paradoxalement, ceux qui ont fait une grande partie de ce travail de contestation ont été les écrivains, mais les écrivains qui font de la littérature (romanciers, poètes et dramaturges).
Juan Gabriel Vásquez proposa une lecture historique de l’œuvre mondialement vue comme la représentation par excellence du réalisme magique : Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez39. C’est ce qu’il a appelé « l’art de la distorsion »40. Il analysa des passages entiers du roman et les mit en miroir avec l’Histoire officielle de la Colombie. Le cas le plus parlant est sans doute celui du massacre des plantations bananières qui dans le roman fait écho à une tragédie historique réelle. Vásquez dévoila ainsi, à travers sa lecture du roman, l’Histoire gangrenée d’imprécisions et de mensonges, imposée par les récits des dominations néocoloniales (ceux des États-Unis et ses multinationales et la soumission de l’État colombien) et le refus de toute reconnaissance. Par conséquent, ce n’est pas l’Histoire qui donna des réponses au peuple colombien, mais le roman de García Márquez qui donna des réponses sur ce qui s’était réellement passé et comment l’État avait agi pour cacher la vérité. C’est donc la fiction romanesque qui restitue la vérité historique en « distordant » l’Histoire officielle pour faire face à ses mensonges historiques. Je me contente ici de vous évoquer très rapidement un exemple de la lecture de Vásquez pour parler du cas colombien41, mais Cent ans de solitude peut s’élargir à une lecture régionale de la part des lecteurs des autres pays de l’Amérique latine qui sans doute reconnaissent des épisodes de leurs Histoires dans de nombreux passages du roman.
L’objectif de cet article était de remettre en cause la sacralisation de ces étiquettes. Je connais la difficulté d’une telle entreprise et je suis conscient que de nombreux lecteurs et lectrices, amateurs ou spécialistes, emploient ces étiquettes avec les meilleures intentions. Il ne s’agit donc pas de faire un procès aux personnes qui les emploieraient, mais d’essayer, par tous les moyens, de leur faire comprendre le poids des mots et l’existence d’un certain malaise vis-à-vis de telles dénominations. Les vertus de ces étiquettes sont accompagnées d’un héritage très spécifique : celui de l’imaginaire colonial.
Pour récapituler, je pourrais soulever les problèmes suivants par rapport à la lecture occidentale des littératures du continent américain : les cultures non-occidentales sont indéniablement méprisées par la hiérarchie culturelle de l’Occident blanc ; l’existence de cette modernité maladive de l’« arriéré » ou du « sous-développé » que l’Occident condamne et refuse d’accepter tout en étant son principal créateur et instigateur ; et le fait que les intellectuels et les auteurs de la région ont eu du mal à cesser de se regarder dans le miroir exotisant. Il faut donc, avec urgence, décoloniser la manière dont ces littératures sont nommées, qualifiées et abordées. Seulement ainsi, nous, les auteurs et les lecteurs des Amériques, mais du monde entier aussi, pourrons contribuer à mettre un terme à des hiérarchisations civilisationnelles et au suprémacisme culturel qui, qu’on le veuille ou pas, est un prolongement ou un complément du suprémacisme ethnoracial.
À l’aube des adaptations Netflix de deux œuvres majeures de l’Amérique latine47 qui vont sans aucun doute attirer un nouveau public vers le continent américain et peut-être même créer une sorte de « “Boom latino-américain” bis »48, il est nécessaire d’effectuer ce travail de revalorisation des diverses réalités du continent. Aujourd’hui, plus que jamais, il ne faut pas cesser de remettre en cause la lecture réaliste-magique ni d’interroger la lecture gothique-sudiste. Le multitransréalisme que j’essaie de forger pour proposer une alternative plus juste et précise face à ces étiquettes reste, bien évidemment, à explorer et à approfondir. Je suis également conscient du fait que le mot « multitransréalisme » est un mot complexe et plus compliqué à retenir que « réalisme magique » et « gothique sudiste ». La probabilité qu’il puisse résonner en dehors des sphères académiques et littéraires est donc plus faible. Ce sont des défis que j’assume pleinement dans cette recherche et auxquels j’essaierai de répondre dans ma thèse et mes travaux à venir.
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Le décalage est toujours normal quand il s’agit de découvrir une autre partie du monde, une autre réalité que la sienne. Cela d’autant plus quand il s’agit de le faire à travers la littérature qui est en elle-même une défamiliarisation. Le lecteur qui a le prisme occidental peut donc vivre la défamiliarisation et le dépaysement à travers la lecture des œuvres qui reflètent le continent américain.↩︎
Quelques-unes de mes connaissances n’arrivèrent pas à finir leurs lectures latino-américaines ou caraïbéennes. D’autres réussirent à le faire en faisant un voyage dans les Amériques, plus spécifiquement en Amériques latine et dans les Caraïbes. « Soudain, me dirent-elles, on avait tout compris ! »↩︎
Projet Lire en Europe Aujourd’hui, « Sortir du bocal avec un livre ou la lecture comme exploration, “Reading communities, Shaping Identities” », Université d’été, Budapest, Hongrie, 13‒20 juillet 2026, Université Catholique Pázmány Péter, Faculté de Sciences Humaines et Sociales.↩︎
« Notre Histoire est une tresse d’histoires », diront P. Chamoiseau, R. Confiant & J. Bernabé : Éloge de la créolité / In praise of creoleness, édition bilingue, traduit par M. B. Taleb-Khyar, Paris : Gallimard, 1993 : 26.↩︎
Alain Veinstein avec Claude Simon et George Raillard, Claude Simon « J’ai appris à écrire dans Joyce et dans Faulkner ». France Culture, 1998, URL : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/claude-simon-j-ai-appris-a-ecrire-dans-joyce-et-dans-faulkner-6832681↩︎
Salman Rushdie – Gabriel García Márquez : His Life and Legacy [English audio]. Harry Ramson Center, 2015, URL : https://www.youtube.com/watch?v=Xn3wtEoLaNc.↩︎
Voir ses conférences au Mucem « Les archipels de Patrick Chamoiseau », URL : https://www.youtube.com/watch?v=8e4jlt040rY et https://www.youtube.com/watch?v=XjMzAEVJemI.↩︎
Voir la proposition de la revue Vice Versa sur le multiculturalisme et le transculturalisme. Je conseille la lecture de l’article S. Wilson : « Multiculturalisme et transculturalisme : ce que peut nous apprendre la revue ViceVersa (1983‒1996) », International Journal of Canadian Studies / Revue internationale d’études canadiennes 45‒46, 2012 : 261‒275.↩︎
Voir les premières pages de « Guatemala », la première pièce des Légendes du Guatemala. La métaphore fait référence à une réalité historique : les cités mayas construites sur d’anciennes cités mayas et les villes coloniales bâties sur les ruines des anciennes cités autochtones.↩︎
Je fais ici allusion au très célèbre concept de Gilles Deleuze et Félix Guattari repris par Édouard Glissant.↩︎
En tant que personne originaire du continent américain, je préfère parler d’« Américain.es » ou « des Amériques » pour tout ce qui est issu des Amériques. Pour tout ce qui vient des États-Unis d’Amérique, j’emploierai plutôt « Étatsunien.nes ».↩︎
A. Uslar Pietri : Letras y hombres de Venezuela. Ciudad de México : Fondo de Cultura Económica, Tierra firme, 1948. Titre que je traduis comme Lettres et Hommes du Venezuela.↩︎
Le Royaume de ce monde.↩︎
Asturias, M. Á. : The Nobel Prize in Literature 1967, URL : https://www.nobelprize.org/prizes/literature/1967/asturias/25600-miguel-angel-asturias-nobel-lecture-1967/.↩︎
On attribue souvent le point de départ « officiel » du boom latino-américain à la publication en 1958 de La región más transparente [La Plus Limpide Région] de Carlos Fuentes.↩︎
Un peu plus que le réalisme magique, le Southern Gothic semble être un genre transmédial. Il est présent en littérature, mais aussi en cinéma, musique, jeux vidéo, etc.↩︎
Voir L. Wacquant : Jim Crow : le terrorisme de caste en Amérique, Paris : Raisons d’agir, 2024.↩︎
Selon la hiérarchie culturelle établie par la pensée coloniale occidentale, en haut de la civilisation se trouve le rationalisme blanc suivi de la culture blanche chrétienne et ensuite les traditions « païennes » européennes, dont le féerique ou le merveilleux. Le reste n’est pas assez développé à leurs yeux pour être considéré comme des civilisations.↩︎
Brandoli, J. : « Elena Garro: la madre maldita del realismo mágico ». El Mundo, URL :
https://www.elmundo.es/cultura/2016/10/30/5814d0a5e2704e58258b45ba.html.↩︎
Voir par exemple deux de ses interviews au Mexique et une en Espagne : URL : https://www.youtube.com/watch?v=F2_gao73oJ0 & https://www.youtube.com/watch?v=3_8yCrZIpls&t=6s & https://www.youtube.com/watch?v=DyV3uCS6xOs.↩︎
Vivir para contarla [Vivre pour la raconter] publié en 2002.↩︎
« Everything I say is true, and everything I say is not true. You couldn’t admit any of it to a court of law. It would not be good evidence. », J. Kincaid & K. Bonetti : « Interview with Jamaica Kincaid », The Missouri Review, University of Missouri College of Arts and Science, 1er Juin 2002. (Je traduis.) ↩︎
Déclarations avec lesquelles je ne suis pas totalement d’accord dans Panamá América : Isabel Allende dice que el realismo mágico ya no se usa « como sal y pimienta », 2009, URL : https://www.panamaamerica.com.pa/node/360666.↩︎
« “Que la gente no se espere ni realismo mágico ni una novela experimental” : Mateo García Elizondo », El Universal, URL https://www.eluniversal.com.mx/cultura/letras/mateo-garcia-elizondo-y-su-realismo-psicodelico-en-una-cita-con-la-lady/.↩︎
« Gothic traditions and narrative techniques in the fiction of Eudora Welty », Choice Reviews Online 32(9), 1er mai, 1995 : 32.↩︎
Je reprends ici tel quel un des titres proposés dans un manuel de français des classes de 5e en France. Il fait référence à un des chapitres du programme de l’Éducation nationale où nous suivons des textes qui mettent en scène des « aventuriers » européens qui vont « découvrir d’autres mondes » (Amérique, Afrique, Asie, etc.).↩︎
Voir P. Chamoiseau : « L’exotique, l’exotisme désignaient pour l’Occident colonialiste l’insignifiant lointain, l’ailleurs négligeable, l’irrecevable du différent. Bien pire qu’une distorsion, ils indiquaient une distorsion qu’il fallait régenter. » In : Baudelaire jazz : méditations poétiques et musicales avec Raphaël Imbert, Paris : Seuil, 2022.↩︎
M. Lindon : « Le Nobel, un prix déprimant », Libération, 14/08/1997, URL : https://www.liberation.fr/livres/1997/08/14/le-nobel-un-prix-deprimant_213191/↩︎
Voir tous les travaux sur le postcolonialisme et la décolonialité de Boaventura de Sousa Santos, notamment : « Épistémologies du Sud ». Traduit par fr. Magali Watteaux, Études rurales 187, 2011 : 21‒50 & Postcolonialisme et décolonialité, épistémologies du Sud, traduit par Lilia Mosconi, CES, CLACSO, 27 décembre 2022.↩︎
É. Ollivier : « Améliorer la lisibilité du monde », in : M. Condé & M. Cottenet-Hage (dir.) : Penser la créolité, Paris : Éditions Karthala, 1995 : 225‒231, p. 228.↩︎
Tout comme il était courant de parler de « christianiser », de « libérer » et de « démocratiser ». Voir E. Galeano : Las venas abiertas de América Latina [Les Veines ouvertes de l’Amérique latine], Madrid : Siglo XXI, 2023.↩︎
Je cite ici la version en français du Courrier international : J. G. Vásquez : « Décès de García Márquez. Relire Cent ans de solitude », Courrier international, 18/04/2014, URL : https://www.courrierinternational.com/article/2014/04/18/relire-cent-ans-de-solitude.↩︎
Ibid.↩︎
Ibid.↩︎
« Our experience cannot be interpreted by us; we do not know the truth of it. Our God was not the correct one, our understanding of heaven and hell was not a respectable one. Belief in that apparition of a naked woman with outstretched arms beckoning a small boy to his death was the belief of the illegitimate, the poor, the low. » (J. Kincaid : The Autobiography of my mother. New York : Farrar Strauss and Giroux, 1996 : 37. (Je traduis).)↩︎
A. Césaire : Une tempête. Paris : Seuil, 1969, Points, 1997 : 88.↩︎
Je vous renvoie au rappel de la tradition aristotélicienne de Paul Ricœur : La mémoire, l’histoire, l’oubli. Paris : Seuil, 2000.↩︎
Relation qu’ils partagent avec tous les pays qui ont vécu le colonialisme et qui souffrent le néocolonialisme.↩︎
J. G. Vásquez: « Décès de García Márquez. Relire Cent ans de solitude », art. cit.↩︎
J. G. Vásquez : El arte de la distorsión, Madrid : Alfaguara, 2009.↩︎
Il l’explique en détail dans son article. Malheureusement, je suis ici contraint de l’évoquer très brièvement.↩︎
Voir l’interview de Badilla Castillo par Jorge Parga Durban dans le blog Poesía Transreal, 30 novembre 2006, URL : poesiatransreal.blogspot.com.html.↩︎
Voir le billet du site de Luis Martinez S. où il cite l’auteur : Sergio Badilla Castillo : Características del Transrealismo, 2004, Proyecto Patrimonio, URL : http://www.letras.mysite.com/sbc270304.htm.↩︎
Je vous renvoie aux œuvres suivantes de É. Glissant : Poétique de la Relation, poétique III, Paris : Gallimard, 1990, & É. Glissant : Introduction à une poétique du divers, Paris : Gallimard, 1996, & É. Glissant : Traité du Tout-Monde, poétique IV, Paris : Gallimard, 1997.↩︎
P. Chamoiseau et al. : Éloge de la créolité, op.cit. : 53‒54.↩︎
P. Chamoiseau & I. Imbert : Baudelaire jazz, op.cit. : 126.↩︎
Pedro Páramo de Juan Rulfo et Cien años de soledad de Gabriel García Márquez sont deux romans qui seront adaptés par la plateforme de streaming : un film et une série télévisée sont prévus pour la fin de cette année 2024.↩︎
Voir, par exemple, l’immense succès commercial de l’édition de poche de Cent ans de solitude au Japon, sortie cette année (2024) : G. Robledo : « Cien años de soledad, el fenómeno que arrasa en Japón con medio siglo de retraso », El País, 24 août 2024, URL : https://elpais.com/cultura/2024--08--24/cien-anos-de-soledad-el-fenomeno-que-arrasa-en-japon-con-medio-siglo-de-retraso.html.↩︎