Verbum – Analecta Neolatina XXVI, 2025/2
ISSN 1588-4309; https://doi.org/10.59533/Verb.2025.26.2.2
Abstract: The aim of this analysis is to describe how certain factors played a major role in strengthening the communal identity of the Breton language in Lower Brittany. On the one hand, through the transmission of ecclesiastical Breton literature and certain orthographic reforms of the language by P. Maunoir and Le Gonidec, which led to the emergence of a Breton folklore and nationalist movement. On the other hand, the implementation of a linguistic policy for the use of Breton in various aspects of everyday life.
Keywords: Breton language, identity, community, breton literature, religion
Résumé : Cette analyse vise à décrire comment certains facteurs ont joué un rôle prépondérant pour renforcer l’identité communautaire du breton en Basse-Bretagne. D’une part, grâce à la transmission d’une littérature bretonne ecclésiastique, ainsi que certaines réformes orthographiques de la langue de P. Maunoir et de Le Gonidec qui ont permis l’émergence d’un mouvement folkloriste du breton et nationaliste. D’autre part, dans la mise en œuvre d’une politique linguistique pour l’utilisation du breton dans différents aspects de la vie quotidienne.
Mots-clés : langue bretonne, identité, communauté, littérature bretonne, religion
D’après les études des langues celtiques, les historiens ont établi trois périodes dans l’histoire du breton selon son évolution : le vieux-breton du 6e siècle au 11e siècle, le moyen-breton du 9e siècle au 17e siècle et le breton-moderne à partir du 17e siècle. En Europe, au Moyen-Âge, le latin était la langue d’écriture, tandis que « les langues vernaculaires sont restées marginales »1. Il y a encore la présence du breton armoricain ou vieux-breton dans des toponymes surtout en Basse-Bretagne mais concernant les premières traces écrites les gloses constituent un témoignage écrit de la langue parlée à l’époque. Ce sont des annotations faites en breton dans un manuscrit datant du 11e siècle2. Il s’agit d’une copie rédigée en latin de l’œuvre latine Ars grammatica sive Institutiones Grammaticae, libri I-XVII3 du grammairien Priscianus Caesariensis du 6e siècle, puisque les anciens manuscrits en latin étaient souvent « copiés par de moines originaires de Bretagne »4. Ces gloses sont visibles dans la marge ou dans l’interligne des vers où on trouve écrit leurs équivalents en latin. Il semble que ces gloses avaient la fonction d’une sorte d’aide-mémoire pour les moines des paroisses en Basse-Bretagne, c’est-à-dire, c’était une technique pour se rappeler de la signification en breton des mots en latin. Ces traces écrites démontrent que le breton était la langue de communication de la population pendant cette période.
Au 12e siècle le breton écrit évolue vers le moyen-breton à l’aide de l’Église chargée de « forger une langue bretonne de culture digne de la mission »5 de prêcher le discours de la foi. Nous trouvons ainsi les premières traces écrites imprimées du breton lié à un contexte religieux à partir de l’invention de l’imprimerie. C’est la publication en 1499 du premier dictionnaire breton, le Catholicon. Composé par le lexicographe et clerc de la paroisse de Plougonven Jehan Lagadeuc, le dictionnaire trilingue (breton-latin-français) « offre un peu plus de cinq mille »6 mots en breton et il était « destiné aux clercs bas-bretons »7 pour leur mission de prédication, c’est-à-dire, d’évangélisation de la population. Nous pouvons donc remarquer la présence de l’Église catholique dans la langue bretonne mais aussi dans la littérature à partir des manuscrits suivants. Elle va être le moteur d’une littérature bretonne religieuse comportée par exemple des mystères inspirés dans des différentes parties de la Bible. Tout au long du 16e siècle, cette littérature rédigée par la plume des clercs des paroisses, compte sur la « promotion du breton comme langue de culture »8 par la bourgeoisie et apporte « des dons substantiels et suffisants pour [leur] permettre de fonder des maisons »9 d’édition, en plus grand nombre en Basse- Bretagne à partir du 16e siècle.
Certains de ces drames religieux parvenus jusqu’à nous sont ceux de la Passion et Résurrection qui « reprennent les épisodes des différents évangiles qui se rapportent aux derniers instants du Christ »10, ou celui de la Vie de sainte Barbe dont le discours est de « rappeler que la mort est la juste sanction du péché originel »11 ainsi que ceux de la Vie de sainte Catherine et de la Vie de sainte Nonne et de son fils Dewi, entre autres. Tous les mystères12 manifestent « des mentalités qu’on tente d’imposer »13 à l’époque à l’aide d’un message nourri de la peur de « la mort, du péché et de son châtiment »14. Ils étaient également représentés en scène par des prêtres « qui étaient le plus à même tenir ce rôle »15, afin de faciliter la transmission du dogme catholique.
Cette doctrine est autrement visible dans la poésie mystique par le travers des poèmes16 « relatifs aux fins dernières »17 comme La Vie du fils de l’homme, Les Quinze joies de Marie18 ou Le Miroir de la mort du Maestre Iehan an Archer coz. Ce dernier poème a été l’objet d’étude des historiens pour diverses raisons, car pour la première fois il y a la mention d’un auteur mais surtout la présence de la complexité de sa métrique, composée de rimes internes avec la répétition des phonèmes à l’intérieur des différents vers. Il se centre sur « la mort physique, le jugement dernier, l’enfer, le paradis »19 en évoquant le discours sur la nécessité de mener une vie exemplaire et sur le mépris de la vanité des biens terrestres à travers ses vers : « La mort, le jugement, l’enfer froid, quand l’homme y pense, il doit trembler. Fol est celui qui ne prend garde qu’il faut tous décéder »20. Ces vers cités sur la couverture du manuscrit, expriment une sorte d’avertissement concernant l’homme dont le comportement doit être celui d’un bon chrétien dans la terre car il y aura un jugement final pour ses péchés. Cela s’adresse au groupe social « composé de nobles ou de bourgeois enrichis de fraîche date »21 grâce au développement du commerce maritime au 16e siècle. Ils sont faibles face à « l’abondance de toutes choses »22 de la vie terrestre aux yeux de l’Église, qui veut s’assurer que cette classe sociale reste fidèle à son dogme. Force est de constater que les thèmes traités dans cette littérature religieuse appartiennent à la thématique connue du macabre en Basse-Bretagne qui est présente également dans son architecture, « il n’est pas de paroisse sans doute qui ne possède aux 16e–17e siècles une allusion imagée mais explicite à l’Enfer »23. Sur la façade de l’ossuaire de l’église de la Martyre de Saint-Salomon (1619) « on retrouve là un écho direct »24 des vers du Mirouer de la Mort gravés sur un phylactère porté par deux anges. Dès lors, nous pouvons constater d’un côté, le lien entre la littérature et l’architecture bretonne et d’un autre côté, l’existence d’une pédagogie religieuse par le biais des deux, de l’image et de l’impression.
Dans cette littérature religieuse nous trouvons aussi des œuvres en prose comme La Vie de sainte Catherine imprimée en 1576, qui est le premier manuscrit parvenu jusqu’à nous en prose. La pénétration du discours catholique se déroule à l’aide de la Compagnie de Jésus installée en Basse-Bretagne avec des œuvres de dévotion. Ce sont les catéchismes et les cantiques comme les Cantiques spirituels publiés en 1642 par le Père Maunoir25 qui les rend faciles à comprendre pour qu’ils soient « appris sans difficulté par les fidèles »26 non lettrés. Enfin Les Noëls anciens et dévots de 1650, destinés à être chantés pendant la messe de Noël, par le prêtre et organiste breton Tanguy Gueguen. A l’instar de Maunoir, il va se préoccuper de faire comprendre aux paysans la doctrine catholique « qu’ils n’auraient pu recevoir en latin »27.
Il est indéniable que toute cette production littéraire de l’Église a le but de capter des fidèles. Or elle va procurer en même temps le développement d’une littérature bretonne en plus d’un rapprochement de celle-ci et de la population bretonne.
Après la Contre-Réforme, le prêtre Maunoir « met au point une pédagogie de la catéchèse d’une remarquable efficacité »28 à l’aide d’une réforme l’orthographe qui marque l’évolution de la langue vers le breton-moderne. Par conséquent la mission religieuse continue à promouvoir l’évolution de la langue et de la littérature bretonne. C’est en 1659 avec son Dictionnaire du Sacré Collège de Jésus que Maunoir parvient à uniformiser « l’écriture avec la prononciation réelle »29 grace à un renouvellement orthographique « plus proche de la langue parlée »30, autrement dit, des dialectes du breton. Ainsi le prêtre fournit la lecture de la littérature religieuse aux fidèles.
Pourtant, malgré la tentative d’une production exceptionnelle de textes religieux, il y a aussi la présence d’une littérature bretonne profane. Le bouffon moqueur, publié en 1755 du poète de Finistère François-Nicolas Pascal de Kerenveyer, marque la naissance « d’une littérature bretonne libertine »31 qui rompt avec la littérature bretonne écrite jusqu’à cette date. C’était un texte destiné à la bourgeoisie et aux nobles, puisqu’il fallait dominer autant le breton comme le français pour comprendre le langage métaphorique de l’auteur. Le manuscrit est farci d’un langage grossier, grivois et érotique montrant une image complètement différente de la société de l’époque. Kerenveyer « détourne les thèmes classiques de la morale chrétienne »32 au moyen d’un breton littéraire mondain33 situé « à côté du breton de curé, du breton des gwerziou et du théâtre »34. Le bouffon moqueur témoigne de l’évolution de la population bretonne vers une modernité et une certaine ouverture d’esprit. Cependant, l’aspect le plus remarquable du manuscrit, c’est l’utilisation de la première personne, c’est-à-dire, d’un « je » en gardant le symbolisme d’un « nous qui a une valeur exemplaire et communautaire »35. Ainsi la conscience d’une collectivité bretonne commence à se révéler.
En 1789, le breton devient pour la première fois un outil politique pour l’État avec la Révolution française. Le nouveau pouvoir mis en place en France est conscient qu’un nombre considérable de personnes ne pratiquent que le breton et « la Constitution décide que tous les décrets seront traduits dans toutes les langues régionales »36 pour que les idées révolutionnaires soient comprises. A titre d’exemple, il y a des manuscrits officiels de 1793 de La Convention et de la Constitution, tous deux conservés dans les archives du Département de Finistère. Pour la première fois, l’État utilise le breton comme un outil politique. Une prise de conscience politique du breton va se joindre à la prise d’une conscience populaire avec la naissance de la « celtomanie » qui « consist[e] à voir dans la langue bretonne la mère de toutes les autres »37, cette idée deviendra notable au siècle suivant.
Le 19e siècle qui est marqué par la réforme orthographique du breton de Le Gonidec avec la publication de sa Grammaire celto-bretonne en 1807, est suivie aussi de son Dictionnaire celto-breton en 1821. Le Gonidec va « soumettre à révision l’ensemble d’un vocabulaire fixé depuis des siècles »38 de même que la prononciation du breton et l’influence du français sur lui. Cette réforme porte un esprit de revendication de la langue bretonne puisque la réforme consiste à remplacer des emprunts du français avec « des néologismes construits à partir de matériaux celtiques »39, en plus « de supprimer le qu et le c […] pour leur substituer suivant la prononciation k »40 avec l’existence de très peu de mots portant cette lettre en français. Par conséquent, il y a la volonté de conserver du breton, « ses caractéristiques et son originalité »41 et l’intention de « le débarrasser de tout ce qui portait une marque française »42.
Cette revendication de la langue est accompagnée par un mouvement folkloriste, mené par des auteurs issus « d’une bourgeoisie moyenne, d’une paysannerie moyenne ou aisée, mais aussi d’une noblesse rurale »43. François-Marie Luzel, Ursule Feydeau de Vaugien, Théodore Hersart de la Villemarqué, Madame Saint-Prix et Anatole Le Braz, entre autres, mettent par écrit la tradition orale des bretons, les « gwerziou ». Ces chants populaires comportent des événements collectifs ou individuels des gens du peuple représentant la culture traditionnelle et populaire bretonne. Le breton éprouve donc une période de valorisation de sa population en tant que langue ancienne pleine de richesse. Ce mouvement, tenu par le régionalisme breton, fournit une idéologie de « la défense de la Bretagne »44. En 1865, le premier journal entièrement écrit en breton est créé par l’Église, qui a perdu le monopole littéraire avec la présence prépondérante de la littérature profane. L’hebdomadaire Feiz ha Breiz [Foi et Bretagne] est créé afin de lutter contre le processus de modernisation socio-économique breton grâce aux progrès agricoles qui procurent l’évolution de la paysannerie, à l’instruction en français et aux idées nouvelles « véhiculées par la presse en langue française »45 causant une « déviation » du chemin en tant que citoyen breton catholique. Le journal produit « une littérature qui idéalise et sacralise le paysan breton laborieux »46, ce qui renforce la foi individuelle du croyant dans et hors de l’église avec la naissance d’un « réel « sentiment identitaire » que le journal souligne fortement : paysan, catholique et breton une trilogie indissociable »47. L’Église par le biais du journal va donc renforcer l’identité communautaire du breton en dépit de la présence de plus en plus prééminente du français depuis l’école obligatoire en France à partir de 1880. Cela provoque une situation de diglossie en Basse-Bretagne, pour autant la langue bretonne deviendra l’un des symboles du renouveau d’identité culturelle régionale pour la population bretonne.
Une idéologie littéraire devient légitime au 20e siècle après la Première Guerre Mondiale à travers un « mouvement populaire en faveur d’un idiome national »48 contre le but de l’État d’établir le français comme langue unique de la nation au détriment des langues régionales. Or le Parti Autonomiste Breton et puis nationaliste, se dote du journal Breiz Atao [Bretagne Toujours] en activité entre 1919 et 1939, pour la lutte « de la nation bretonne, et le statut d’autonomie qu’elle pourrait exiger à ce titre »49. Ce journal va créer une revue littéraire baptisée Gwalarn en 1925 pour « donner enfin un espace d’expression à une littérature nationale bretonne moderne et unifiée »50, éloignée de la littérature folklorique des chants et des contes mais aussi de la religieuse. Cette fois, le breton est instrumentalisé par le nationalisme breton, accompagné d’une littérature également nationaliste qui n’est plus au service de l’Église. Gwalarn produit une littérature créée « par des intellectuels, pour d’autres intellectuels »51, étant donné que ceux-ci emploient une langue littéraire complexe et pleine de néologismes, un breton très éloigné du breton parlé de la population, ce qui « constitue l’une des manières de se distinguer comme littérature élitiste »52. Des auteurs tels que Youenn Drezen, Meven Mordiern, Jakez Riou ou le propre fondateur de Gwalarn, Roparz Hemon, contribuent à ce mouvement « qui fonde véritablement la littérature moderne de langue bretonne »53. Dans la revue sont publiés des ouvrages scientifiques en breton et de nombreuses traductions de littératures européennes. Dans ce projet nationaliste prime également la revendication de l’enseignement du breton à l’école, puisque « la langue bretonne était en effet une de ses préoccupations »54.
Cependant, après la Deuxième Guerre Mondiale et jusqu’à la première moitié du 20e siècle, le panorama sociolinguistique se modifie inexorablement en Bretagne car les gens de la campagne commencent à adopter le français dû à l’exode rural qui pousse la population rurale à s’installer dans la ville pour trouver du travail. Il y a donc une rupture de la transmission de la langue bretonne au sein des familles de Basse-Bretagne où le breton « voulait dire que l’on était pauvre et sans grande instruction »55, de façon que les parents décident de parler en français à leurs enfants car la langue française est l’équivalent à avoir l’accès au monde moderne et à l’ascension sociale.
Nonobstant, le breton continue à être la langue des « valeurs de chaleur, de convivialité et de complicité »56 de la société. L’esprit d’une identité communautaire du breton reste intact et « la défense de la langue bretonne, [est] devenue populaire »57 plus que jamais. Le combat mené pendant des siècles aboutit à la création de la loi Deixonne mise en œuvre en 1951 avec la reconnaissance de l’enseignement du breton dans les écoles, donnant « une petite place aux langues régionales de France »58 dans le domaine éducatif. Dans les années 1970, la revendication du breton pour sa protection et sa conservation ainsi que pour sa littérature, gagne du terrain grâce à la création d’organismes linguistiques, aux associations nationalistes comme le Front de Libération de la Bretagne et même à la musique bretonne qui est beaucoup plus appréciée. La Charte culturelle de Bretagne est signée par les cinq départements « dans le but de préserver et promouvoir une culture bretonne »59. D’ailleurs, en 1978, les écoles Diwan sont créées, elles promeuvent l’immersion linguistique du breton mais restent quand même bilingues. Pour gérer la politique linguistique, l’Office Public de Langue Bretonne fonctionne dès 1999 accompagné du TermBret, d’organismes dont la mission est la promotion du breton afin de le doter de la terminologie nécessaire pour assurer son emploi dans tous les domaines de la vie des bretonnants et des « brittophones », ceux-ci « les bretonnants à venir »60. Il y a la recherche d’une normalisation de la langue qui aboutit également à l’installation de grands panneaux signalétiques depuis de l’an 2000 en Basse-Bretagne à côté de la reconnaissance du breton et du gallo comme langues de Bretagne par le Conseil Régional de Bretagne en 2004. A l’école, les enfants apprennent une langue standard devenant pour autant très différente à l’héritée, au breton vernaculaire, mais aussi au « néo-breton » porteur de néologismes et d’emprunts « une sorte de voie du juste milieu qui joue actuellement le rôle de langue communautaire au sein de toute une couche plutôt jeune »61. Aujourd’hui, le Conseil Régional poursuit la mise en œuvre d’actions qui concerne d’un côté, la transmission de la langue aux nouvelles générations et d’un autre côté, la promotion de la littérature grâce au financement d’ouvrages en langue bretonne. En effet la littérature bretonne cherche sa légitimité malgré l’influence du français étant donné que tous les auteurs bretons sont bilingues, ce qui entraîne une répercussion sur la production littéraire. Par ailleurs si on parle du paysage sociolinguistique en Basse-Bretagne, il y a une grande diversité car « un seul breton n’existe pas »62, différents bretons « le breton hérité, le standard et la norme »63 trouvent leur place dans les sphères64 locale, communautaire et symbolique. Cette actuel panorama linguistique montre la survivance d’une langue qui semblait être en voie de disparition il y a une décennie mais qui a renversé cette tendance grâce aux bretonnants porteurs de l’identité communautaire du breton.
L’origine de l’évolution de la langue bretonne est liée au discours de l’Église catholique en Basse-Bretagne qui pendant des siècles a mis en place l’existence d’un lien fort entre la foi catholique et la population française. Comme langue orale à ses débuts, le breton est devenu une langue écrite à travers la production d’une littérature religieuse qui a mis en exergue sa richesse linguistique. En fait, pour faire comprendre la doctrine catholique aux fidèles, la transmission du breton à la paysannerie non lettrée s’est réalisée au moyen des cantiques et des catéchismes et s’est adressée à la bourgeoisie à travers les textes littéraires religieux. Il s’est ainsi converti en un élément de représentation sociale en plus d’être employé comme un instrument d’expression du mouvement folkloriste grâce à la réappropriation de la langue des intellectuels qui ont mis en œuvre une littérature populaire pleine de richesse et d’originalité. Doté d’une légitimité qui est représentée par une idéologie régionale et ensuite nationale, il symbolise une identité communautaire à part entière, une conscience collective qui a mené une revendication culturelle et linguistique, grâce au soutien des organismes officiels qui ont assuré et garantissent toujours la préservation de la langue ainsi que sa reconnaissance officielle en tant que langue de Bretagne.
Toutefois, le breton ainsi que d’autres langues régionales n’est pas homogène car il existe plusieurs pratiques langagières d’après le groupe social et les organismes officiels qui encouragent la coexistence de différents types de breton dans les divers enseignements de la langue, comme les écoles Diwan qui promeuvent l’immersion linguistique. Dans l’actualité, nous pouvons donc observer que la population bretonne en fonction de son aptitude et de ses choix personnels continue à préserver le breton car elle vise à signifier une appartenance à un groupe identitaire par rapport à la langue française. C’est ainsi qu’on peut comprendre la raison pour laquelle le breton a perduré dans le temps car il est porteur d’une communauté linguistique, donc… Buhez hir c’hoaz d’ar yez koz ! (Longue vie encore à la vieille langue !)
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N. Blanchard : « Dialectologie et standardisation linguistique. Centres et marges économiques et culturels en Basse-Bretagne », Port Acadie (13-14-15), 2008 : 45‒61, p. 54.↩︎
Voir la datation des gloses dans le Dictionnaire des gloses en vieux breton de L. Fleuriot, Paris : Klincksieck, 1964.↩︎
Manuscrit conservé dans la BNF. Voir les gloses en breton doguormaheticion du mot en latin adiectiua, p. 26v, ligne 14 ; et solgued du mot en latin substantiam, p. 26v, ligne 18. Voir la signification de ces gloses dans le Dictionnaire des gloses en vieux breton de Léon Fleuriot, pp. 148 et 306.↩︎
F. Gourvil : Langue et littérature bretonnes, Paris : Presses de France, 1968 : 74.↩︎
R. Calvez : « Tradition d’une invention. La création par l’Église d’une langue bretonne de culture : XVIe‒XIXe siècle », Port Acadie (24-25-26), 2013 : 346‒356, p. 347.↩︎
F. Gourvil : op.cit. : 95.↩︎
Ibid. : 114.↩︎
N. Blanchard : « Dialectologie et standardisation linguistique. Centres et marges économiques et culturels en Basse-Bretagne », op.cit. : 54‒55.↩︎
R. Calvez : « Du breton mondain », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest 115‒3, 2008 : 135‒153, p. 136.↩︎
R. Calvez : « Tradition d’une invention. La création par l’Église d’une langue bretonne de culture : XVIe‒XIXe siècle », op.cit. : 352.↩︎
A. Croix : La Bretagne aux 16e et 17e siècles : la vie, la mort, la foi, Paris : Maloine, 1981 : 1171.↩︎
Le titre en breton de ces mystères en ordre cités ci-dessus : Aman ez dezrou an Passion ha he goude an Résurrection (1530), Aman ez dezrou buhez sante Barba dre rym (1557), Buhez an itron sanctes Cathell (1576) et Aman ez dezraou buez sant[es] Nonn hac ez map deuy (sans datation exacte).↩︎
A. Croix : op.cit. : 927.↩︎
Ibid. : 928.↩︎
Y. Le Berre : « La caverne de Maître Jehan ou l’étrange ballet des mots du Mirouer de la mort (1519‒1575) », La Bretagne Linguistique 22, 2018 : 101‒114, p. 102.↩︎
Le titre en breton de ces poèmes : Buhez Mab den (1530), Pemzec Leuenez Maria (1530) et Le Mirouer de la Mort (1575).↩︎
F. Gourvil : op.cit. : 115.↩︎
Voir l’analyse et la traduction d’Yves le Berre de ces poèmes dans son œuvre La Passion et la Résurrection bretonnes de 1530, suivies de trois poèmes, 2011.↩︎
Y. Le Berre : « La caverne de Maître Jehan ou l’étrange ballet des mots du Mirouer de la mort (1519‒1575) », op.cit. : 101.↩︎
A. Croix : op.cit. : 1056.↩︎
R. Calvez : « Tradition d’une invention. La création par l’Église d’une langue bretonne de culture : XVIe‒XIXe siècle », op.cit. : 352.↩︎
A. Croix : op.cit. : 1043.↩︎
Ibid. : 1050.↩︎
Ibid. : 1056.↩︎
Julien Maunoir a reçu une formation de jésuite. Au 17e siècle, il a effectué une doctrine catholique en Basse-Bretagne à travers tout un programme religieux comporté des outils comme les catéchismes.↩︎
A. Croix : op.cit. : 1202.↩︎
Y. Le Berre: « A propos du Stabat Mater breton de Tanguy Guéguen (1622) : le “moyen-breton” existe-t-il ? », La Bretagne Linguistique 14, 2009 : 13‒25, p. 14.↩︎
A. Croix : op.cit. : 1208.↩︎
F. Gourvil : op.cit. : 116.↩︎
N. Blanchard : « Dialectologie et standardisation linguistique. Centres et marges économiques et culturels en Basse-Bretagne », op.cit. : 55.↩︎
R. Calvez : « Du breton mondain », op.cit. : 146.↩︎
Ibid. : 151.↩︎
Terme employé par Ronan Calvez, enseignant et chercheur au CRBC à Brest, qui a traduit et analysé le manuscrit de Kerenveyer, dont le breton est singulier et différent à celui du clergé et aussi à celui de la paysannerie. Kerenveyer emploie un registre de culte pour désacraliser la morale chrétienne présente dans la littérature bretonne.↩︎
R. Calvez : « Du breton mondain », op.cit. : 145.↩︎
Ibid. : 146.↩︎
M. Perrot : « La politique linguistique pendant la Révolution française », Mots 52, 1997 : 158‒167, p. 159.↩︎
F. Gourvil : op.cit. : 118.↩︎
Ibid. : 119.↩︎
J. Le Dû & Y. Le Berre: « La langue bretonne dans la société régionale et contemporaine », International Journal of the Sociology of Language 223, 2013 : 43‒54, p. 49.↩︎
F. Gourvil : op.cit. : 119‒120.↩︎
Ibid. : 120.↩︎
Idem.↩︎
R. Calvez : « Du breton mondain », op.cit. : 140.↩︎
N. Blanchard : « La littérature de langue bretonne de l’entre-deux-guerres », La Bretagne Linguistique 11, 2018 : 177‒192, p. 192.↩︎
C. Choplin : « Feiz ha Breiz (1865‒1884) ou la genèse d’une langue journalistique », La Bretagne Linguistique 16, 2011 : 19‒35, p. 19.↩︎
R. Calvez : « Vie et mort du paysanisme breton : Feiz ha Breiz (1865‒1875) », La Bretagne Linguistique 11, 1998 : 77–96, p. 82.↩︎
Idem.↩︎
F. Gourvil : op.cit. : 124.↩︎
V. Carney : Breiz Atao! Mordrel, Delaporte, Lainé, Fouéré : une mystique Nationale (1901‒1948), Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2015 : 63.↩︎
Ibid. : 83.↩︎
F. Gourvil : op.cit. : 124.↩︎
N. Blanchard : « La littérature de langue bretonne de l’entre-deux-guerres », op.cit. : 180.↩︎
R. Calvez : « Ce que parler du breton veut dire », Ethnologie française 42, 2012 : 647‒655, p. 649.↩︎
Carney, S. : op.cit. : 90.↩︎
R. Calvez : « Ce que parler du breton veut dire », op.cit. : 651.↩︎
Idem. : 651.↩︎
J. Le Dû & Y. Le Berre : op.cit. : 51.↩︎
Ibid. : 50.↩︎
Ibid. : 52.↩︎
R. Calvez : « Ce que parler du breton veut dire », op.cit. : 650.↩︎
J. Le Dû & Y. Le Berre : op.cit. : 53.↩︎
R. Calvez : « Ce que parler du breton veut dire », op.cit. : 650.↩︎
Ibid. : 651.↩︎
Voir l’analyse de ces sphères dans « Ce que parler du breton veut dire » de R. Calvez.↩︎