Verbum – Analecta Neolatina XXIV, 2023/2

ISSN 1588-4309



Qu’il s’agisse de la crise du climat ou de celle du coronavirus, la nature s’impose avec véhémence dans la sphère humaine. Les rapports de l’homme à la nature sont constamment remis en évidence, parfois dans une attitude de respect réciproque, parfois selon des intérêts personnels dominants. Soit, dans une vision dynamique, l’homme observe la nature, la contemple, la transforme, voire l’exploite ; soit, s’y intégrant selon une perception statique jusqu’à s’y confondre, l’individu renonce à son rôle de pilote pour s’y isoler selon les fibres de repli de son instinct conservateur. Face à ce dilemme, les questionnements sont multiples de la philosophie, de l’éthique, de la politique, de l’écologie, etc.

Le présent volume aborde le thème sous l’angle spécifique des arts. Les arts, quelles qu’en soient les expressions, ont la capacité d’exprimer des idées ; en réalité, peu reconnues, voire combattues. C’est la raison pour laquelle la mise en discours, en images ou en scène de l’implication complémentaire de l’homme et de la nature est une plate-forme essentielle pour alimenter la réflexion sur les enjeux qu’elle sous-tend.

Les différentes contributions qui sont l’objet de ce volume ont le mérite de mettre en évidence le même sujet, tout en l’abordant selon des facettes complémentaires et spécifiques, comme autant de composants d’un même jeu de lumières sur la relation interactive entre l’homme et la nature.

S’appuyant sur des récits de voyages en Hongrie écrits en français à la fin du 18ème siècle et au début du 19ème siècle, Géza Szász étudie la présentation des divers aspects de la nature. Il énonce comment l’intérêt de ces récits change le discours naturaliste des voyages en un témoignage vécu ; comment, aussi, devient perceptible l’image fournie par la nature selon son état intact et celle de la nature « transformée » par l’homme.

Edit Bors, dans des genres de discours variés du 19ème siècle, nous propose une analyse écopoétique pour y déceler les relations entre l’homme et la nature, mettant l’accent sur la vulnérabilité de l’homme vis-à-vis d’une situation environnementale extrême.

Dans un contexte plus contemporain, Timea Gyimesi, explore la relation dynamique entre l’homme et la nature dans une optique écologique et écocritique où la nature n’est plus extrinsèque. Il met en évidence comment l’engagement de l’artiste, transmetteur d’une aptitude esthétique et cognitive, joue un rôle important dans le développement de cette relation ; c’est le cas de Marie Darrieussecq. En présentant la contribution de l’écrivaine à l’album de photos de Nicolas Guiraud, Anthropocène, Timea Gyimesi met en évidence l’écriture « écologique » darrieussecquienne dans un contexte de déséquilibre incessant entre l’homme et la nature.

Andrea Grassi, poursuivant une analyse du film Médée (1969) de Pier Paolo Pasolini, mène une réflexion sur la dichotomie entre la dimension archaïque et archétype de la nature, selon son secret et sa sacralité, et les conceptions imposées par la modernité ; le dialogue entre la nature et l’homme n’est plus possible. Cette contribution met en évidence l’importance de la documentation de la civilisation archaïque oubliée de nos jours et qui a perdu son impact dans la vie moderne.

La recherche d’un dialogue entre l’homme et la nature, l’un et l’autre avec leurs secrets et leurs mystères, est le sujet de la contribution de Anikó Ádám qui base sa réflexion sur la nature de l’eau en tant qu’élément esthétique, à travers les écrits du tournant des 18ème et 19ème siècles chez Jean-Jacques Rousseau et de François René de Chateaubriand. La nature offre à l’homme un espace de contemplation, de réflexion, d’expériences esthétiques, d’où l’aspiration instinctive de l’homme de fusionner avec la nature.

Le volume se termine avec une analyse du motif végétal, de la tendance à la découverte fusionnelle avec la nature dans l’œuvre de Maurice Carême, poète belge du 20ème siècle. La nature, souvent mise en valeur comme une source de création poétique, offre à l’écriture une forme et un éveil dynamique. Dans sa perception poétique, l’homme remet à l’avant-plan la qualité de la sensibilité esthétique, celle qui le guide dans la compréhension du monde et dans sa responsabilité face à la nature.

Ágnes Tóth